C'est un fait que les salariés de la SNCF peuvent partir plus tôt en retraite en touchant une retraite à taux plein. Sous quelles conditions ? Trois points me semblent fondamentaux : le taux de cotisation, la progression des salaires et la pénibilité.

Sur le premier point, les salariés de la SNCF semblent avantagés : ils cotisent 7,85% de leur salaire, contre 10,35% dans le privé. Sauf que cela, c'est la part du salarié. Overzelus vient de nous expliquer fort à propos qu'in fine, l'intégralité des cotisations sociales sont payées par le salarié. Ajoutons donc les parts de l'employeur : on trouve alors 36,29% à la SNCF contre 25,95% dans le privé. Les salariés de la SNCF cotisent donc au total nettement plus que leurs homologues du privé. Source [Observatoire des retraites| http://www.observatoire-retraites.org/observatoire/rubriques/dossiers/lecout/1cout.htm|fr], dans une page qui me semble très biaisée sur le sujet (dans le sens inverse de ce que je dis ici).

Venons-en à l'assiette et à la pénibilité, c'est-à-dire les salaires sur lesquels ces cotisations sont prélevées (et le montant de la pension calculée, c'est naturellement fondamental). Les conducteurs de TGV sont parmi les salariés les mieux payés. Leur salaire net s'échelonne de 1500 € à 3400 € par mois (18000 € à 40800 € annuels), pour un métier à responsabilités. Un TGV double, ce sont en effet 1600 personnes lancées à 300 km/h. La comparaison n'est pas forcément pertinente, mais un pilote de ligne débutant, certes de niveau d'études sensiblement plus élevé, voit son salaire (brut, désolé) passer de 42000 € à 72000 € annuels. Les rémunérations d'un conducteur de train sont sensiblement similaires en début de carrière à celles d'un chauffeur routier. Pourquoi cette comparaison ? Parce que dans les deux premier cas, la personne a la responsabilité de transport de passagers dans des conditions délicates. Dans les trois cas, il s'agit de métiers contraignants, avec des amplitudes horaires très importantes (trajets longs, partiellement de nuit, avec des nuits passées hors du domicile chaque semaine). Ajoutons que les primes de travail en jour férié (Noël, jour de l'an) sont à la SNCF dérisoires, de l'ordre de la dizaine d'euros.

Or, il s'agit d'une borne supérieure des salaires. Si on en croit la distribution des salaires français, les salariés de la SNCF sont plutôt mal payés. En particulier, les métiers sédentaires (chef de gare, chef de service, accueil) ont des rémunération comparativement très faibles pour des conditions de travail plutôt difficile (travail en poste, ou « 3x8 », contact avec une clientèle souvent peu amène, longues heures à passer sur des quais non chauffés). Cette faiblesse des rémunération est d'ailleur assumée comme une contrepartie de la possibilité de partir en retraite plus tôt.

Tout cela reste du domaine du qualitatif. Pour avoir une idée claire, il faudrait disposer de données de panel, et comparer la chronique des revenus de deux personnes de même âge et de même formation, l'un entré à la SNCF, l'autre dans le secteur privé, y compris leurs espérances de vie respectives. Toujours est-il que ces éléments montrent que le débat est moins clair qu'il n'y paraît : le régime des retraites de la SNCF a pour contrepartie des sacrifices importants sur l'ensemble des rémunérations et sur les conditions de travail. Donc de deux choses l'une : soit la réforme va se faire sans revenir sur ces sacrifices, et la SNCF aura très vite de lourds problèmes de recrutement (et on s'étonnera de la médiocrité de son personnel), soit la réforme aura pour contrepartie une hausse significative des rémunérations des agents. Je serais curieux de connaître les résultats d'une analyse coûts-bénéfices à long terme des trois situations.