Ayant suivi un cours de Robert Boyer et André Orléans, j'espérais qu'à défaut d'être d'accord avec les thèses d'Aglietta, je trouverai son livre intéressant. Malheureusement, il n'en est rien. Après le déluge de chiffres du premier chapitre, les chapitres suivant sont une accumulation de pétitions de principes et d'affirmations dont les justifications sont douloureusement absentes. C'est frustrant, car pour bien faire il faudrait que je passe un temps fou à faire une revue de détail des effets de manche, des évidences qui n'en sont pas et des généralisations abusives pour fonder ma position : ce bouquin est un non-sens scientifique, qui ignore délibérément vingt ans de recherche en économie.

Essentiellement, le problème des auteurs est qu'ils infèrent systématiquement des comportements microéconomiques à partir de données purement macroéconomiques. L'exercice était pertinent il y a trente ans, quand les données micro n'existaient pas ou étaient trop lourdes à traiter. Ce n'est plus le cas, et ils ne semblent pas se rendre compte que les analyses sur données micro démentent leurs intuitions.

La goutte d'eau qui m'a fait tomber le livre des mains est le regret systématique de l'époque bénie où les entreprises pouvaient répercuter les hausses de leurs coûts sur leurs consommateurs. SM et Emmanuel se moquent des marins-pêcheurs et agriculteurs qui tiennent ce genre d'argumentaire auprès de Nicolas Sarkozy. c'est bien triste de constater qu'on entend de l'autre côté du spectre politique les mêmes bêtises.