Note : Comme je n'ai pas le temps de mettre tout cela sous un format acceptable sur Wikipedia (références et tout), je mets ce texte ici. Cependant, contrairement au reste des textes de ce blog, le présent texte est sous GFDL (Gnu Free Documentation Licence). Si une bonne âme veut l'utiliser pour enrichir l'article correspondant, elle est la bienvenue.

RPM et externalités entre détaillants

On l'a vu dans le billet précédent, plusieurs articles explorent à la fois les externalités purement verticales (rente informationnelle de l'agent) et les externalités horizontales (entre détaillants ou entre principaux). De ce fait, Telser, 1960, Mathewson et Winter, 1984 ainsi que Rey et Tirole, 1986 (voir billet précédent pour les références détaillées) servent également ici de point de départ. J'ai cependant voulu isoler ici une sous-branche de la littérature qui s'intéresse à des externalités dont la dimension horizontale est plus poussée que dans les articles précédents.

Dans la ligne directe de Telser, 1960, on trouve Marvel et McCafferty, 1984 (Marvel et McCafferty, "Resale Price Maintenance and Quality Certification", The RAND Journal of Economics, 1984, 15, 346 - 359). Les auteurs partent du constat que de nombreux cas de RPM sont constatés dans des secteurs où l'argument de services liés à la vente ne semble pas pertinent (matériel électronique, imperméables, vaisselles, céréales). En revanche, les RPM sont plus souvent le fait de fabricants de biens relativement haut de gamme sur les marchés considérés. D'où l'idée de retourner en partie le modèle. Les détaillants sont certes les agents du fabricant, mais ils sont aussi les agents des consommateurs. Ainsi, la présence d'un bien donné (par exemple une machine à café) dans un magasin donné (mettons Le Printemps) atteste d'un certain standing du bien (qualité, design, mode). Les détaillants haut de gamme offrent donc une certification de la qualité, certification dont ils ne tirent pas tous les bénéfices, puisqu'une fois constaté que Le Printemps vend un modèle donnée de Nespresso, rien ne m'empêche d'aller l'acheter moins cher chez Darty. Contrairement à chez Tesler, l'information supplémentaire sur le bien ne dépend pas d'un choix du détaillant spécifique à ce bien, mais de l'identité du détaillant, influençant son profit comme un coût fixe par variété de bien d'autant plus élevé que le standing du détaillant est fort.

Marvel et McCafferty considèrent qu'un détaillant donné refusera de proposer un bien inférieur à ce qu'il estime être son standing, donné ex ante, les détaillants étant uniformément répartis. Dès lors, à l'équilibre sans RPM, le fabricant veut refuser de voir son bien vendu par certains détaillants, se privant par là d'une partie des ventes. Utiliser un RPM lui permet de garantir une marge suffisante aux détaillants de haute qualité sans exclure les autres. Il achète par ce moyen de la certification.

Jusqu'ici la vision dominante de la concurrence a été une concurrence, éventuellement imparfaite, en prix, sur la base d'une production en fonction de la demande. Une série d'articles, Deneckere, Marvel et Peck, 1996 et 1997, Butz, 1997 (Deneckere, Marvel et Peck, "Demand Uncertainty, Inventories, and Resale Price Maintenance", The Quarterly Journal of Economics, 1996, 111, 885 - 913 ; "Demand Uncertainty and Price Maintenance: Markdowns as Destructive Competition", The American Economic Review, 1997, 87, 619 - 641 ; Butz, "Vertical Price Controls with Uncertain Demand", Journal of Law and Economics, 1997, 40, 433 - 459) s'intéresse aux conséquences d'un décalage entre le moment où les détaillants commandent leur stock, et le moment où l'incertitude de demande est réalisée.

Les deux articles de Deneckere et al reposent sur une modification du déroulement de la production. Dans leurs modèles, des détaillants en concurrence en prix doivent commander leur stocks avant de connaître l'état de la demande pour le bien, stocks qui ne peuvent être remboursés en cas de mauvaise demande (il sera donc toujours optimal pour eux de les vendre intégralement, y compris à prix nul, le fait de ne pouvoir être remboursé des excès de stocks suffisant à produire les résultats). La demande est incertaine, il y a donc un risque de faire un profit négatif en cas de mauvaise réalisation de la demande. Dans Deneckere et al., la demande réalisée va d'abord au détaillant ayant le prix le plus faible, la demande résiduelle s'adressant à l'autre détaillant. De ce fait, il est optimal pour un des détaillants de se comporter en discounter, c'est-à-dire de vendre au coût marginal. Anticipant cela, l'autre détaillant limite l'étendue de ses commandes afin de ne pas se retrouver avec une forte masse d'invendus en situation de mauvaise demande. De ce fait, les prix sont trop élevés et les stocks trop faibles dans les cas de forte demande. Imposer un RPM rend inefficace cette stratégie, permettant au principal d'assurer le niveau optimal de stock. Dans certains cas, caractérisés dans l'article, le RPM peut améliorer le bien-être en limitant la perte liée à une offre trop faible en cas de forte demande. L'article Deneckere et al., 1997, fait en substance la même analyse dans le cadre d'un marché concurrentiel (continuum de détaillants), montrant que le résultat précédent ne dépend pas de l'existence ou de la possibilité de se comporter en discounter.

Butz, 1997, fait remonter d'un cran supplémentaire le choix de production, en supposant que c'est le principal qui doit choisir son niveau de production avant que l'incertitude de demande soit réalisée. En cas de faible demande, les détaillants vont donc demander une quantité supérieure à celle correspondant au prix de monopole. L'article compare les conséquence d'une vaste gamme d'options du principal : intégration verticale, limitation de la production, contrats d'exclusivité, et RPM. Le nœud du problème est que les détaillants anticipent la chute de leur profit en cas de faible demande, et donc refusent de payer un prix de gros élevé, les solutions restrictives ne répliquent pas le prix de monopole, et peuvent se faire au détriment du consommateur. Si le RPM diminue aussi le surplus du consommateur et restaure le profit de monopole, est constitue une moins mauvaise solution que celles que peut vouloir adopter le principal en cas d'interdiction du RPM.

Enfin, pour la présente revue, Chen, 1999 (Chen, "Oligopoly Price Discrimination and Resale Price Maintenance", The RAND Journal of Economics, 1999, 30, 441-455) considère le cas où les détaillants ont la possibilité de pratiquer des prix différents pour une clientèle locale (captive) et une clientèle mobile (qui compare les prix). Dans ce cas, le RPM annule la concurrence sur le segment des consommateurs mobile, et peut même augmenter le bien-être en réduisant l'effet de la double marginalisation sur les consommateurs captifs. Cette réduction peut plus que compenser la détérioration de la situation des consommateurs mobiles.

Suite de cette revue : synthèse des types d'argument, puis le statut juridique du RPM.