Le concept de croissance

Pour commencer, S. Latouche critique le concept de croissance. Pour lui il s'agit d'une imposture intellectuelle fondée sur deux illusions, celle d'une inépuisabilité des ressources de la planête, et l'autre sur un temps linéaire, orienté dans un sesn précis. Dans les deux cas, son argumentation révêle une méconnaissance tant de la physique que de l'histoire économique.

De l'utilisation des ressources

L'argument des ressources a le mérite d'être bien connu, puisqu'il ne s'agit que d'une mise à jour du vieil argument de la "bombe démographique" : la Terre ne peut accueillir plus de X milliards d'habitants, avec X croissant dans les argumentaires au fur et à mesure que les capacités d'accueil de la planête se révêlent plus importantes qu'escompté par les catastrophistes. La base de leur calcul est en fait doublement fausse.

Il y a d'une part le problême de la transformation des ressources. En valeur, chaque européen consomme, mettons, deux fois plus qu'en 1960. Cela signifie-t-il qu'il consomme deux fois plus des ressources de la planête ? Non : l'efficacité des processus de production a considérablement augmenté d'une part (voitures moins gourmandes, par exemple), et d'autre part, les biens demandant três peu de ressources non-renouvelables pour leur production (musique en ligne, services) ont considérablement accru leur part dans ce total. Il n'est ainsi pas du tout exclu que la fameuse "empreinte écologique" d'un Français de 2006 soit inférieur à celle d'une Français de 1960.

D'autre part, ce raisonnement pêche par une sous-évaluation massive des ressources effectivement disponibles. Prenons le thême des ressources énergétiques. D'une part, nous n'employant qu'une infime partie du rayonnement solaire reçu par la Terre. Je ne parle pas d'une conversion massive à la production d'électricité solaire, mais d'une simple comparaison quantitative entre énergie reçu et énergie utilisée. D'autre part, la notion pertinente est celle d'énergie effectivement disponible. Ainsi, dês que le prix de l'énergie augmente, la consommation diminue. Là encore, les effets sont bien plus rapides que même les optimistes pourraient le croire. Ainsi, les ventes de 4x4 de villes ont chuté de maniêre significative avec la hausse des prix du pétrole, tandis qu'augmentait le nombre d'habitation utilisant des méthodes de régulation thermique plus économes. Il y a là une marge considérable qui non seulement est réalisable en l'état de la technologie, mais aussi joue par le seul effet des prix.

Temps linéaire

Ensuite, Serge Latouche dénonce la notion même de croissance comme liée à une représentation du monde européenne d'un temps linéaire, alors qu'ailleurs, où comme chacun sait les hommes vivent en harmonie avec la nature, le temps est bien plus justement vu comme cyclique, et le progrês n'a pas de sens. Honte, donc, à nous de coloniser (sic) ces bons sauvages avec nos concepts erronés. Ce que semble ignorer M. Latouche, c'est que le temps est fondamentalement linéaire. Il suffit de lire Une brêve Histoire du temps de S. Hawking pour comprendre que le temps ne se laisse pas ainsi martyriser : le temps tel que perçu par l'homme est nécessairement lié au temps de la thermodynamique, et ce dernier est linéaire : on peut voir une tasse tomber et se casser, jamais le tas de débris ne bondit-il sur la table pour redevenir tasse.

On pourrait pardonner cette ignorance à M. Latouche si ce qu'il dit sur les "sociétés traditionnelles africaines" ne relevait pas d'un colonialisme pire que celui qu'il prétend dénoncer. En effet, en Chine aussi, "Réforme" s'écrit "retour à un état antérieur"... ce qui n'a jamais empêché les Chinois d'inventer le capitalisme marchand, le papier-monnaie, la poudre, et d'avoir connu la plus forte croissance mondiale pendant prês d'un demi-millénaire. De même, et c'est là que les propos de M. Latouche sont vraiment graves, le début de la colonisation par les Européens n'a pas marqué l'irruption du Temps dans l'Afrique Eternelle. Je vous invite à lire la page de Wikipedia sur le sujet pour vous faire douter de la pertinence de la notion même de "sociétés traditionnelles africaines".

Les neiges d'antan

Un autre poncif repris par S. Latouche est que le progrês matériel n'a pas rendu les hommes plus heureux. Il donne en exemple les années 1960 en France. Sur ce point, je le soupçopnne d'être, comme beaucoup, victime d'une terrible illusion rétrospective, sur le mode du "c'était mieux avaaaaaaaant". Heureuses, les générations des années 1960 ? Avec la menace de l'holocauste atomique ? Pourquoi alors ont-elles fait Mai 1968, je vous le demande ? Et on pourrait faire de même avec chaque génération, jusqu'à remonter à un Moyen-Âge idéalisé, où la mortalité infantile emportait un enfant sur deux, et la famine prenait le reste. L'âge du poême de Villon doit suffire à nous prouver que cette idéalisation systématique du passée est bien loin d'être neuve.

Plus insidieuse est l'illusions rétrospective catégorielle qui touche bon nombre des avocats de la décroissance : issus de familles aisées, ils ne mesurent pas à quel point ils étaient matériellement favorisés par rapport au reste de leur génération. Ils ont beau jeu alors de regretter les années bénies de leur enfance.

Prenons un exemple qui illustrera un point bien plus général. M. Latouche regrette qu'aujourd'hui, son yaourt soit fait avec du lait de provenance inconnue, et emballé dans du carton qui a fait 9000 km pour arriver chez lui, alors que dans sa jeunesse, il était fait avec le lait de la ferme voisine, dans des pots en verre recyclables (le fait que lesdits pots n'étaient pas recyclés est pudiquement passé sous silence). Ceci est vrai. Mais qui, à l'époque, pouvait manger des yaourts ? Peu de monde, comme l'attestent les carences en calcium qui touchaient la quasi-totalité des ouvriers. En effet, faire venir le lait de plus loin, de même que l'emballage, a du sens : cela permet de baisser le prix des yaourts, et donc de les rendre accessibles à bien plus de monde. Cet aspect fopndamental de la mondialisation échappe manifestement aux zélotes de la décroissance.

Absurdités économiques, inculture historique, idéalisation du passé... je dois bien dire que dans M. latouche dit qu'il faut "ouvrir les yeux", je me demande quel monde est le plus réel, du sien ou de la tour d'ivoire des économistes qu'il prétend pourfendre.