J'en veux pour preuve cet article publié chez Vox. Les auteurs proposent en effet de réduire les salaires réels des Grecs afin de restaurer leur compétitivité (jusque-là, rien de neuf), une partie de l'ajustement passant par l'achat obligatoire de titre de dette publique, à un taux inférieur à celui demandé par les marchés et à des maturités relativement longues (cinq à sept ans).

L'idée d'un emprunt direct auprès des citoyens est certes séduisante, mais quelques lectures rappellent qu'elle est nettement plus séduisante pour les États que pour les citoyens.

Premier point, l’incidence fiscale. Il est séduisant d'appeler cela un emprunt mais dans les circonstances actuelles, il ne s'agit pas d'autre chose que d'un impôt sur les salaires (et l'article ne suggère aucune progressivité) destiné à lever des ressources immédiatement en échange d'une promesse de réduction des impôts à maturité. Les auteurs suggèrent bien d'obliger également les entreprises à emprunter mais avec le taux de chômage actuel, on peut parier que cela sera reporté sur le niveau de salaire.

Afin d'éviter les situations de détresse, les auteurs proposent que les titres de dette acquis de manière obligatoire soient négociables. Comme ils portent moins d'intérêt que les titres normaux, leur prix serait inférieur. Les pauvres se retrouvent doublement pénalisés : perte de revenus, épargne obligatoire supérieure à leur niveau d'épargne désiré et décote de leur épargne s'ils ont un besoin de liquidité immédiat. De l'autre coté de l'échelle, l'exonération fiscale intégrale de ces titres ouvre d'intéressantes perspectives pour l'optimisation fiscale.

Second point, Reinhart et Rogoff mettent en évidence dans leur ouvrage This Time is Different de la propension des États en difficultés à faire d'abord défaut sur leur dette domestique. Si l'ajustement en Grèce devait durer et les professions actuellement protégées ou exemptées faire de la résistance, comme on peut s'y attendre, je ne serais pas surpris que ces titres soient les premiers à être convertis par allongement de leur maturité à dix, vingt ou trente ans ou tout autre modification défavorable des conditions.

Je doute donc très fortement de la pertinence d'une telle proposition. Je crains en revanche qu'une proposition de ce type ne donne des idées ailleurs et que la répression fiscale ne fasse un retour généralisé.