Sans être conservateur, j'imagine que l'objet concerné est un peu le cauchemar du conservateur : c'est un objet imposant (donc occupant beaucoup de place dans une salle d'exposition), à vocation à la fois esthétique et pratique, nécessitant de très nombreuses explications pour être appréhendé par le visiteur , si tant est que celui-ci puisse ne pas être rebuté par un cartel interminable. Autant dire qu'il semble impossible de lui rendre justice sans lui consacrer une salle entière, ce que peu de musées peuvent se permettre.

Ici, l'objet est présenté par une série de onze courtes vidéos didactiques, présentant l'objet, son contexte et expliquant son fonctionnement à l'aide de représentations en images de synthèses.

Pédagogiquement, je trouve l'exercice réussi : on sort de là avec une bonne compréhension de l'objet. Il s'agit donc d'une manière intéressante de projeter hors des murs un des éléments de collection qui semblait le moins s'y prêter (par opposition, par exemple, à un tableau). La démarche, surtout, se situe à l'opposé des galeries virtuelles à la Google, où on e dispose que d'un cartel minimaliste. Elle met ainsi en valeur une des compétences essentielles des musées, l'expertise scientifique. Il ne s'agit pas de montrer des éléments de collection mais de permettre au spectateur de comprendre ce qu'il voit, d'en maîtriser les enjeux. Ce travail montre que cette compétence peut, et sans doute doit, s'exporter hors de l'institution elle-même et donne envie de visiter le musée lui-même (qui a l'avantage supplémentaire de permettre le dialogue entre éléments de la collection). Je ne peux donc que louer le MNR pour cette initiative, d'autant plus qu'une attention a été portée à l'accessibilité du site et au plurilinguisme.

J'ai toutefois quelques regrets. Le premier est que la caméra est toujours en mouvement, ce que je trouve assez fatigant : pourquoi faire un zoom lent sur un portrait plutôt que d'en présenter deux plans fixes qui permettraient de mieux l'appréhender ? Ce défaut se redouble par l'impossibilité de mettre la bande en pose pour examiner un détail de l'image. Cette impossibilité de contrôler le flux, associée à l'absence d'un modèle interactif de l'objet (absence qui m'a assez surpris, les images pour la proposer ayant servi aux vidéos) donne une impression de transmission assez verticale. On écoute une visite guidée mais on ne s'approprie pas vraiment l'objet. Je regrette aussi l'absence d'ouverture vers l'extérieur, qu'il s'agisse d'autres objets de la collection en rapport (par exemple un lien vers les reproductions des tableaux figurant dans les vidéos) ou de ressources documentaires (sur le tréfilage, les personnages concernés pour ceux qui veulent en savoir plus, ainsi que vers une véritable bibliographie pour ayant servi à réaliser le commentaire). En d'autres termes, le curieux ou l'universitaire reste un peu sur sa fin, comme s'il s'agissait plus d'une démonstration d'un concept que d'un objet muséographique virtuel véritablement achevé. Il n'a semble-t-il pas non plus été prévu que les visiteurs puissent laisser des opinions, suggestions ou commentaires, ce qui fait très Web 1.0 et traduit peut-être encore des difficultés de relation avec le public... ou le simple portage au Web d'une borne destinée à l'installation en salle, où le temps d'attention et l'interactivité sont nécessairement limités.

L'idée est donc excellente mais la réalisation s'arrête, à mon sens, au milieu du gué, considérant les outils actuellement disponibles. Je vous invite à aller découvrir cet objet, car il est probablement nécessaire que l'expérience rencontre un certain succès pour que nous ayons une chance de voir un jour des projets similaires plus aboutis.