Commençons par une vue d'ensemble du rapport. il s'agit d'un document de 81 pages, avec peu d'annexes (ceux qui ont eu entre les mains le rapport Olivennes comprennent pourquoi je fais cette précision). Il y a a donc de la matière. Trois rédacteurs se sont partagé le travail : Anne Perrot (vice-présidente du Conseil de la concurrence et spécialiste en économie industrielle), Jean-Pierre Leclerc (conseiller d'État) et Célia Vérot (Commissaire du gouvernement). En fait, je pense, plus que trois. Le commentaire qui l'a signalé le rapport disait avoir entendu des suspicions de remodelage par le cabinet ou le CNC. Certaines incohérences me font penser que c'est effectivement le cas. j'y reviendrai.

Important : il s'avère que mes suspicions étaient totalement infondées, et s'expliquent par la rencontre de trois domaines de compétence différents au sein de ce rapport. Voir cet erratum.

Structure

En tout état de cause, le rapport est organisé en deux parties. La première fait l'état des lieux des effets de la concurrence et de la régulation sur le secteur du cinéma, en fait essentiellement sur la diffusion et l'exploitation de films. Cette restriction est, on le verra, très importante pour comprendre pourquoi certaines questions n'ont pas été posées. La seconde fait le tour des possibilités de régulation de la concurrence envisageables.

À la lecture, il m'apparaît clair que la première partie est essentiellement le travail d'Anne Perrot. Cette partie fait le tour de la question avec les outils usuels de l'organisation industrielle, augmentés d'un certain nombre de notions propres à l'économie de la culture (Françoise Benhamou ayant été auditionnée, je pense savoir d'où ils viennent). Cette partie me semble claire, et bien poser les enjeux, et surtout les limites de la tentation interventionniste. Je regrette toutefois, sans doute faute de temps, que l'auteur n'ai pas pu se documenter assez sur les spécificités probables de l'économie du cinéma. J'y reviendrai dans un prochain billet.

Au milieu de cette première partie, on trouve toutefois de courts passages, qui s'insèrent assez mal dans la progression argumentative, et se distinguent du reste du texte par des jugements de valeur non étayés ou des pétitions de principe. Je m'interroge donc sur la possibilité d'interpolation ou de résumés malheureux de ce qui était initialement écrit.

La seconde partie me semble plutôt le travail d'un juriste ayant une certaine formation économique. Il y a des problème de coordination entre les deux parties. Non seulement des redites, par exemple la remarque que si la Commission Européenne a accepté le prix unique du livre en France, c'est parce que le but est de préserver les librairies, arguer d'un statut particulier pour le livre n'étant pas un argument jugé convaincant, mais aussi une sorte de contradiction de fond. La première partie laisse en effet relativement ouverte la question de savoir s'il est vraiment utile de faire quoi que ce soit sur ce marché, alors que la seconde semble partir du principe qu'il faut faire quelque chose, au moins pour modifier la répartition des revenus à l'intérieur de la chaîne. À mon sens, cette partie aurait mérité un relecture attentive par l'auteur de la première, et surtout pèche par son manque de perspective. Une comparaison avec les pays voisins aurait en effet rapidement montré la spécificité des rapports entre ces acteurs en France, et ainsi posé des questions utiles sur l'effet des diverses régulations envisagées.

Recommandations

Les recommandations du rapport sont nombreuses, et méritent sans doute un billet à elles seules. Les grands axes sont les suivants : favoriser les mécanismes de collusion (pudiquement baptisée « autorégulation » au sein du secteur), une réforme (qui serait bienvenue) des systèmes d'aide et la modification des rapports contractuels entre les différents acteurs. Si certaines mesures me semblent bonnes, d'autres, manifestement, me semblent ne ressortir que de l'intérêt corporatistes des parties prenantes.

Références

Après la table des matières, je suis immédiatement allé voir la bibliographie, pour savoir à quoi m'attendre. Et là, surprise, aucune fonction des ouvrages fondamentaux. Deux au moins auraient dû être là : Creative Industries de Caves, et le chapitre du Handbook de De Vany. C'est dommage, car, comme je vais essayer de le montrer dans le billet suivant, ce manque d'éclairage théorique nuit à mon sens à la compréhension des mécanismes en jeu.

C'est donc parti pour une rafale de billets sur l'économie du cinéma.