À qui les projections gratuites font-elles de la concurrence ? Au premier abord, il semblerait que l'accusation de concurrence déloyale vienne des petites salles. Effectivement, on peut imaginer qu'il existe un effet de substitution non-négligeable entre aller voir un classique dans une petite salle et aller le voix sur une pelouse. Quoique : il me semble que la moyenne d'âge dans les deux cas indique que le public n'est pas vraiment le même. Voir un classique avec le vent qui souffle, le groupe d'à côté qui papote ou qui mange des chips, ce n'est pas la même chose qu'aller le voir dans une salle d'art et d'essai. À l'appui de cette idée, je note que si les petites salles sont mises en avant, le groupe Mk2 (directement concerné, les projection ont lieu non loin de deux de ses multiplexes) était favorable au maintient de la gratuité.

Là où les choses deviennent vraiment étranges, c'est apparemment, c'est le CNC qui a fait la demande et qui a obtenu gain de cause. Officiellement, il s'agit donc de défendre les petits cinémas dans une période traditionnellement creuse (après la Fête du cinéma et Paris cinéma, ce n'est pas vraiment étonnant, me direz-vous) et de récolter plus d'argent pour le financement du film français. Là encore, j'ai du mal à me convaincre de l'argument. D'une part, j'aimerais bien voir une évaluation sérieuse du manque à gagner. J'ai plutôt l'impression que le CNC cherche simplement à augmenter ses recettes. Surtout, je ne suis pas convaincu que ce soit une bonne solution. En effet, un des buts des projections gratuites est de convaincre un public qui ne fréquente plus les salles obscures d'y retourner, en démontrant qu'il ne s'agit pas de la même expérience qu'un DVD, fût-il regardé sur un écran 60'' Full HD.

Tout cela me semble donc un étrange mélange de corporatisme et de courte vue. Ce qui me dérange vraiment dans cette affaire, c'est l'implication du CNC, qui augure mal de la capacité de cet organisme à se défendre de l'influence des groupes de pression en son sein, et d'agir pour le bénéfice du cinéma dans son ensemble, et même du seul cinéma français.