N'ayant pas de code de l'éducation sous la main, je ne relève que ce qui me semble mis en valeur dans le texte de la loi lui-même.

Chapitre II, Article 6 : Président de l'Université

Apparemment, une grande nouveauté est la reconductibilité (un fois) du mandat du président. Dans la mesure où celui-ci continue d'être choisi parmi les enseignants et chercheurs, la question essentielle que je me pose est celle du biais de sélection des enseignants prêts à mettre leur carrière académique entre parenthèses pendant huit ans. Je n'ai pas assez de recul sur ce sujet pour savoir s'il s'élit plus de présidents en fin de carrières, dévoués à leur fonction ou de potentats à la petite semaine.

L'autre grande nouveauté est l'alinéa 4, qui donne au président un pouvoir de veto sur toute affectation (sauf première affectation des agrégés du supérieur), avec avis motivé. Ce dernier point me paraît fondamental, dans la mesure où, pour ce que j'en sais, la motivation doit être solide, sous peine d'être attaquée devant le juge administratif. Comme le droit de dissolution de l'Assemblée, ce droit de veto me semble pouvoir être la meilleure comme la pire des choses selon la manière dont il est employé. Une chose est sûre, c'est qu'il donne au président la possibilité de casser les baronnies locales en termes de recrutement, sous réserve évidemment qu'il en ait la volonté (et comme il est lui-même enseignant ou chercheur)... Bref, la question qui qui est élu n'en devient que plus pertinente.

Chapitre III, Article 7 : Le Conseil d'administration

Pour avoir déjà assisté à des CA d'établissement scolaires, je pense que la limitation du nombre de membres (en vingt et trente) est plutôt une bonne chose.D'après la loi (cela vaut ici la peine de la reprendre, le CA compte) :

  • De huit à quatorze enseignants et chercheurs, dont la moitié de professeurs : les enseignants et chercheurs restent très bien représentés, avec toujours une sur-représentation des professeurs que je m'explique assez mal.
  • Trois à cinq représentants des étudiants
  • Deux ou trois IATOSS
  • Sept ou huit personnalités extérieures, nommées par le président et approuvées par le CA, dont :
    • Au moins un chef ou cadre dirigeant d'entreprise ;
    • Au moins un autre acteur du monde économique et social ;
    • Deux ou trois représentants des collectivités territoriales (désignés par les collectivités)

Si je compte bien cela fait quatre ou cinq places libres dans les personnalités extérieures. Là encore, la pratique (ou les statuts que se donnera chaque université) peuvent considérablement influer sur ce que cela veut dire. Par exemple, inviter au CA des enseignants et chercheurs d'autres universités ou établissements (voir la composition du CA des Écoles d'économie de Toulouse et de Paris) peut constituer un signe d'intégration fort dans un réseau scientifique. Inversement, des universités à vocation plus technologique peuvent avoir intérêt à prendre l'avis de plus de représentants des secteurs fournissant des débouchés à ses étudiants. Au vu des taux de participation ridicules aux élections des représentants étudiants, je passe sur le nombre de délégués des étudiants.

Article 8 : Le Conseil scientifique

Sur ce point, ce que je lis diffère sensiblement de ce que j'ai entendu. En effet, j'avais entendu dire que des personnalités étrangères au monde universitaire y feraient leur entrée. En fait, cela est réglé par l'article 10, qui stipule que les conditions de la représentation des grands secteurs de l'université est réglée par les statuts de chaque université. Statuts votés par le CA, voir plus haut. L'article 8 précise donc qu'en ce qui concerne les titularisations, recrutements ou mutations d'enseignants-chercheurs, le CS en formation restreinte aux enseignants-chercheurs donne son avis. Pas de signe d'intervention du Grand Extérieur ici.

En fait, il faut aller voir l'article 26 pour lire que dans le comité de sélection (encore une fois, uniquement les enseignants-chercheurs) est composé au moins pour moitié de personnes d'un rang égal ou supérieur au poste examiné, en en majorité de spécialistes de la discipline. Impossible, comme je l'ai lu ailleurs, d'être recruté par un comité où sa discipline est minoritaire, donc. La moitié au moins des membres du comité doivent être extérieurs à l'établissement. Ce sont ensuite les membres enseignants-chercheurs du Ca qui valident (ils n'ont donc qu'une possibilité de veto, contrairement à ce qui a été dit).

Quand je lis cela, je me dis que de deux choses l'une : soit on va avoir des participations croisées, l'université A fournissant les extérieurs pour les comités de B et inversement (ce qui ne va pas beaucoup changer de la situation actuelle), soit la plupart des universités vont jouer le jeu de n'inviter à leurs comités de sélection que des spécialistes incontestables, ce qui peut faire beaucoup pour augmenter la qualité du recrutement.

Titre III : Les nouvelles responsabilités des universités

Chapitre I : Budget et ressources humaines, Article 18

Attention, les intitulés d'articles sont ronflants. Le texte est plus obscur. Ainsi, si les universités reçoivent une dotation, celle-ci est déjà prédécoupée en salaires, fonctionnement et investissement, le premier découpage étant assorti d'une limite concernant les sommes allouées au recrutement des contractuels. L'article 19 permet au CA de formuler les principes généraux des obligations de service dans le respect des règles statutaires, ainsi que de mettre en place des mécanismes d'intéressement. Le respect des règles statutaire me semble ici une limite lourde, surtout que le texte ne semble pas dire que la définition des obligations de service ne peut se faire au cas pas cas (par exemple pour libérer du temps pour un chercheur productif en confiant ses cours à un collègue qui n'a rien publié depuis plus de 10 ans).

Article 20

Cet article, très court aussi, fait manifestement grincer des dents, puisqu'il subordonne la libre inscription à une préinscription qui permet à l'étudiant de bénéficier du dispositif d'information et d'orientation de l'université visée. Bref, cela donne à l'université la possibilité de lui dire « on ne peut pas vous empêcher de venir, mais vous allez vous planter parce que vous n'avez manifestement pas le niveau ». Si cela a la moindre chance de diminuer les erreurs flagrantes d'orientation, je suis pour.

L'article 21 crée un bureau d'aide à l'insertion professionnelle. L'idée n'est pas mauvaise, si ce n'était pas la n+1-ième structure de ce genre, avec très peu de moyens, faute d'obliger les enseignants à penser que l'immense majorité de leurs étudiants ne fera ni de l'enseignement ni de la recherche.

Article 28

Cet article permet aux université de bénéficier de fondations internes, soit le même dispositif que ceux de l'ÉÉP pour de l'ÉÉT, ce qui leur permet de recevoir de l'argent de donateurs privés. Les règles générales de fonctionnement de ces fondations seront décidées par le Conseil d'État, et les règles spécifiques par le CA. À lire cet article (et à voir ce qui se passe à l'ÉÉP), la menace de privatisation des universités me paraît très, très lointaine, l'influence des donateurs me paraissant sévèrement limitée (en particulier, ils peuvent favoriser telle ou telle discipline, mais on voit mal comment ils pourraient vouloir en supprimer d'autres, et encore moins comment ils pourraient le faire.

Article 32

C'est l'article donnant aux Université la propriété de leurs locaux. Je suis assez partage sur ce point : l'entretient de ces locaux dépassant les simples dépenses de fonctionnement, cela ressemble à un cadeau empoisonné. À moins que les Université ne s'en servent pour rationaliser leur patrimoine immobilier (par exemple, Paris 1 et Paris 4 ont sept ou huit sites différents disséminés dans Paris), profitant de substantielles économies d'échelle données par la possibilité de fusionner des universités (ce qui est plutôt une bonne idée), voire les économies tout court qu'il peut y avoir à abandonner des bâtiments conçus pour une population étudiante bien plus faible. Rêvons, cela pourrait être l'occasion de créer des grands campus en périphérie des villes, à proximités de terrains peu chers, plutôt que de contraindre les étudiants à se loger là où l'immobilier est le plus cher, en centre-ville. Certains enseignants refusant de sortir du 5e arrondissement pour donner leurs cours (ce serait déchoir d'enseigner ailleurs que dans la Sorbonne historique et ses amphis malpratiques), je sais que je rêve un peu.

Bilan

Il me semble avoir fait le tour des disposition essentielles. Comme me le disait un ami qui avait travaillé sur le projet dans le cadre de son travail, il s'agit là d'une bonne réforme de technocrates : on modifie à la marge le fonctionnement en donnant plus de pouvoir aux instances locales, sans pour autant modifier les grands équilibres. Les craintes exprimées par les étudiants me semblent d'autant moins fondées maintenant que j'ai lu le texte. Soit j'ai sauté un article abscons, soit les frais de scolarité, tant mis en avant dans les discours, ne sont même pas mentionnés. J'ai dit plus haut ce que je pensais du recrutement des enseignants, et de l'intervention du public.

Évidemment, plus de pouvoir signifie aussi qu'énormément de choses vont dépendre de la pratique, et que le fossé va se creuser entre les universités bien gérées, poursuivant une stratégie claire d'enseignement et de recherche, et celles qui fonctionneront au bénéfice de leurs présidents et de leurs amis. Mais est-ce vraiment un mal de donner à ce type de personne assez de corde pour se pendre ?

Comme je l'ai dit plus haut, je ne suis pas un spécialiste. Plus encore que d'habitude, vos commentaires éclairés sont les bienvenus.