L'idée fondamentale de l'article est assez simple : dans la délibération politique, chaque citoyen va consacrer d'autant plus de temps à se documenter sur les questions importantes que son vote a une grande importance. À ce titre, le système de vote universel et majoritaire fournit de très mauvaises incitations à se documenter, puisque l'impact marginal d'un vote individuel est négligeable. C'est pourquoi les auteurs envisagent, comme une expérience de pensée, un gouvernement par jurys.

Il s'agirait de remplacer l'Assemblée par un group approximativement de même taille tiré au sort. Le nombre de personnes permet d'avoir un échantillon à peu près représentatif de la population, et le tirage au sort assure le côté parfaitement démocratique de la désignation. Cette chambre fonctionnerait alors comme un jury. Elle ne ferait pas les lois, mais serait chargé de se prononcer sur les propositions émises par des hauts fonctionnaires. Pour faire ce choix, le jury aurait la possibilité de demander l'avis de tout expert qu'il estimerait souhaitable de recevoir. L'argument des auteurs est que l'avis de chacun des membres d'une telle chambre devenant important, ils auront plus d'incitations à se documenter convenablement sur les sujets en jeu.

L'idée est élégante, mais montre surtout les limites de propositions telles que celles entendues actuellement. En effet, le fait que leur opinion compte beaucoup ne semble pas inciter beaucoup les députés à s'informer sur les sujets dont ils on la charge. Les sorties hallucinantes de notre ministre de l'économie indiquent que même le fait d'être la personne en charge du choix ne fournit pas toujours les incitations suffisantes à maîtriser ne serait-ce que les fondamentaux nécessaires. Certes, tout ces gens passent l'essentiel de leur temps à la chasse aux voix. Mais les membres d'un jury national tiré au sort n'auraient-ils pas surtout de fortes incitations à prendre les décisions leur assurant des bénéfices privés une fois déchargés de leur fonctions ?

Je ne suis donc pas convaincu qu'une mesure de ce type induirait un quelconque regain d'intérêt pour la chose publique. les individus les plus impliqués dans les jurys citoyens seraient ceux qui ont le plus à y gagner, et le moins de coût d'opportunité à y passer du temps. En d'autres termes, les jurys seraient rapidement des relais pour les groupes de pression qui ont des moyens, ou des adhérents qui ont du temps à dépenser. S'informer en vue d'une élection est simplement un devoir dans une démocratie, chercher un système d'incitations ne saurait être qu'un pis-aller. Si le problème est bien le coût d'acquisition de l'information, il y a probablement à s'inquiéter de la qualité de l'information reçue par le citoyen médian.