Apparemment, son analyse repose sur deux idées centrales. La première est que le fonctionnement de l'économie produit à chacun de ses stades de l'entropie, c'est-à-dire qu'il transforme de l'énergie facilement utilisable (du pétrole) en énergie peu utilisable (un stock de gaz carbonique). La seconde est que le stock d'énergie (nous sommes dans le cadre d'un raisonnement physique, avec l'équivalence entre matière et énergie) est limité essentiellement pas les capacités de la planète. La première de ces deux idées est absolument incontestable. La seconde est moins assurée, mais tenons-là provisoirement pour acquise.

La première idée étant la majeure, NGR donne pour mineure le second principe de la thermodynamique : dans un système fermé, l'entropie est une fonction croissante du temps. Il en découle logiquement que l'activité humaine entraîne un acroissement de l'entropie dans le système Terre. Comme plus l'entropie croît, plus il est difficile de se procurer de l'énergie, l'Humanité doit faire attention à avoir une activité qui limite la croissance de l'entropie au minimum compatible avec un certain bien-être. D'où la décroissance. L'économie oserait-elle se dresser contre les lois de la physique de l'Univers ?

Oui. En effet, la mineure dit bien dans un système fermé. Or, la Terre, qui chaque jour reçoit au bas mot 5 469 414 EJ (calcul : la haute athmosphère reçoit 340Wm^-2 par seconde, j'ai multiplié pour mettre ça en valeur annuelle, et pris comme superficie celle de la surface terrestre, mon chiffre est donc une sous-estimation très grossière, la quantité d'énergie réellement reçue doit être plusieurs ordres de grandeur supérieure). Difficile d'appeler cela un système fermé. Pendant ce temps, l'humanité consomme 350 EJ (EJ=10^18 Joules, voir ici) par an (0.006% de la quantité reçue). C'est un pourcentage certes non-négligeable, mais qui n'autorise pas l'approximation d'un "système fermé". NGR y a certes pensé. Il argumente que les hommes ne peuvent intercepter aujourd'hui qu'une très faible partie de ce rayonnement. C'est vrai, mais ne suffit pas à lever l'argument : en effet ses analyses, si elles ont une pertinente, n'en ont qu'à très long terme. Et à très long terme, il est impossible de faire une telle prédiction. Il en va de même pour "l'impossibilité" d'utiliser l'énergie issue de la fusion nucléaire, faute de matériaux assez résistants à la chaleur. Ici, l'expériementation lui a donné tort : on ne sait certes pas si les réacteurs à fusion existeront un jour, mais on ne peut pas non plus exclure qu'ils existent à un horizon de cinquante ans.

Tout le problème est alors celui de l'horizon. Pour NGR, celui-ci est court, car nous serions proches de l'épuisement des ressources planétaires. C'est là, à mon avis, qu'il part dans le décor. Comme je le faisait remarquer la dernière fois à propos du pétrole, non seulement les procédés de production sont de plus en plus économes (et ce n'est pas nouveau, le processus commence au bas mot au 13e siècle), mais en plus le passage d'une source d'énergie à une autre est possible. Quelles sont alors les ressources suceptibles d'épuisement à court terme (disons dans les 100 ans à venir) ? Les ressources minières ? Très peu probable. L'essentiel des ressources africaines et sibériennes sont intactes. Quand bien même, l'ensemble des ressources de surface ne doivent pas faire oublier les possibilités de la croûte océanique, qui recouvre quand même 70% de la surface du globe. Les capacités de production de nourriture ? Là aussi, j'ai des doutes : l'essentiel des terres arables sont peu ou mal exploitées, de même que le potentiel maritime. Franchement, je sêche.

Ceka ne veut pas dire que son analyse soit fausse. Seulement, il se trompe d'échelle. Le problème de l'épuisement des ressources naturelles de la Terre ne se posera probablement pas avant un bon demi-millénaire. À l'aune de l'histoire récente de l'humanité, c'est une échelle de temps énorme, qui défie les prédictions, y compris les siennes.

Comme je l'ai montré dans mon précédent billet, les avocats de la décroissance négligent dans les grandes largeurs les effets négatifs sur les hommes d'aujourd'hui les conséquences de leurs proposition. J'avoue avoir une préférence pour le présent suffisante pour préférer une croissance qui permet d'améliorer la situation aujourd'hui à une coûteuse décroissance qui résoudrait un hypothétique problème dans 500, 1 000 ou 10 000 ans.