Vieux Japonais Dans les années 1960 et 1970, le Club de Rome promettait des scenarii-catastrophe, avec une Terre peuplée de 20 milliards d'individus et incapable de les nourrir tous. Maintenant que la Chine et l'Inde nourrissent (à peu près) leur population, cette crainte semble loin, et les craintes liées à la surpopulation moins probables que celles liées à la répartition de ressources rares, eau et pétrole en tête. Du coup, on entend à nouveau des Cassandre se lamenter sur le déclin démographique de l'Europe, signe avant-coureur de la fin de la civilisation européenne. Heureusement, les articles sus-cités rappellent quelques évidences trop vite oubliées.

Mais commençons d'abord par un rappel historique. Jusqu'au XVIIIe siècle, on vérifie expérimentalement la loi de Malthus : la population d'un pays donnée croît jusqu'à ce que le niveau de vie de l'immense majorité retombe au seuil de subsistance. De ce fait, un gain de productivité donne pendant quelques années des surplus, progressivement absorbés par la croissance démographique (la loi des rendements décroissant faisant que les terres cultivées par les nouveaux venus sont moins productives que les précédentes, et donc ne génèrent pas autant de surplus). Bilan de Malthus+Smith : plus un pays est productif, plus il est peuplé. Or, à partir de la Renaissance, avec la mise en places d'armées, plus peuplé veut également dire plus puissant, par la force du nombre. De ce fait, la population constituait une variable stratégique fondamentale. Cette importance s'est naturellement perpétuée à l'époque de la guerre de masse, par le biais de la conscription et d'une taxation appuyée sur des taxes par têtes.

Est-ce encore le cas aujourd'hui ? On peut douter de l'utilité d'une population nombreuse en cas de guerre, les moyens employés (armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques) faisant appel à des compétences spécifiques. D'ailleurs, aucune armée contemporaine ne dispose des moyens logistiques nécessaires pour équiper, former, et encore moins transporter sur un théâtre extérieur, ne serait-ce qu'une classe. Pas d'impératif stratégique donc. Reste alors l'autre versant de la géopolitique : existe-t-il des raisons économiques à avoir une population nombreuse ?

Comme le fait remarquer The Economist, il y a une relation quasi-mécanique entre PNB et population. La main-d'œuvre étant une ressource et la composante essentielle de la demande, une population plus nombreuse, toutes choses égales par ailleurs, veut dire plus de PNB. Mais le PNB n'est sans doute pas la bonne mesure si on s'attache au bien-être des populations concernées. Ce qui compte, c'est le PNB par tête. Or, celui-ci varie mécaniquement dans l'autre sens : si on est moins nombreux, le stock existant de richesses est partagé entre moins de personne, donc chacun a une part plus grosse. C'est d'ailleurs là le déterminant économique de la Renaissance, la Peste Noire ayant permis de dégager les surplus nécessaires à l'entretien d'une population urbaine plus importante.

Quels sont les mécanismes économiques qui pourraient contrarier cette variation mécanique ? Essentiellement un seul : les rendements d'échelle. S'il est plus économique de produire un bien pour un marché important que pour un petit marché, alors oui, il y a un risque de voir diminuer la richesse par tête. Seulement, ce risque est purement théorique au regard des ordres de grandeur des marchés concernés : les coûts de production ne vont pas s'envoler si la population française passe de 60 à 50 millions en 50 ans.

Reste le problème purement démographique, celui d'une proportion de jeunes en diminution. Ou plus précisément le rapport entre les actifs et les retraités. Et comme The Economist le remarque sur le cas japonais, cette distinction change tout. En effet, avec l'allongement de la durée de vie, particulièrement sensible dans ce pays, on peut parfaitement envisager de proposer (je n'ai pas dit obliger) aux personnes le désirant de travailler plus longtemps, au besoin avec des aménagements. De même, et ce point n'est pas envisagé par l'article, un assouplissement des droits de succession permettrait aux jeunes de bénéficier de capitaux plus tôt. On peut en effet s'interroger sur l'efficacité d'héritages qui arrivent quand les ménages sont déjà bien établis.

Parfois, je me prends même à espérer qu'avec moins d'enfants, il y a plus de chances que ceux-ci soient désirés, et par conséquent mieux éduqués et mieux formés.