Bilan économique de l'immigration
Le 5 décembre 2003, j'ai entendu sur une chaîne réputée respectable, débiter d'insignes stupidités sur le « coût » des immigrés pour la France, et ce par un « économiste » dont je me permets ici de mettre soit les compétences, soit la bonne foi en doute.
Lundi dernier, je me trouvais par extraordinaire devant la télévision, plus précisément devant C dans l'air, une émission de France 5 (qui au passage ne devrait pas prendre de telles libertés avec la langue française), sur le thème « J'ai deux femmes et dix enfants ».
L'intitulé même de l'émission aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Mais innocent que je suis des mœurs de la télévision, j'imaginais un débat posé, enfin, loin des arguments racoleurs sur les méchants immigrés qui viennent prendre le travail des français. Quelle ne fut donc pas ma surprise de voir un des invités, Yves-Marie Laulan, prétendre que les immigrés coûtaient chaque année à la France la bagatelle de 36 milliard d'euros.
D'entrée, ça sent le pipotage : toutes les études dont j'ai entendu parler pour l'instant suggéraient que le bilan de l'immigration était systématiquement positif pour le pays d'accueil, et ambigu pour le pays de départ. Comment a-t-il fait son compte ? Heureusement, un autre invité, Gérard-François Dumont lui demande des comptes. Et là, on sombre dans le ridicule. En effet, ces 36 milliard d'euros sont calculés comme la somme des cotisations sociales et impôts payés par les personnes d'origine immigrée, moins la somme des allocations sociales, du coût du maintient de l'ordre et des dépenses de scolarisation pour l'année.
Cela ressemble certes à une simple analyse comptable. C'est une machine idéologique qui vaudrait un zéro pointé à un étudiant de première année de licence d'économétrie. Je passe sur les deux impostures les plus flagrantes :
- Supposer que la délinquance est le fait des seuls immigrés. Même s'il est vrai que la délinquance est proportionnellement plus importante chez les populations originaires d'Afrique (probablement aussi d'Asie, mais on en parle moins), cela ne signifie pas que la majorité des délinquants sont d'origine immigrée, et encore moins que cette délinquance n'existerait pas si ces personnes n'étaient pas en France.
- Supposer qu'en l'absence d'immigration, les ZEP n'existeraient pas : c'est le même sophisme dont il s'agit, qui consiste à supposer qu'en supprimant par une expérience de pensée telle ou telle population, on supprime le problème.
Mais là où on peut vraiment parler soir d'incompétence notoire, soit de mauvaise foi insigne, c'est quand on fait une analyse comptable pour une année donnée. Le seul moyen d'évaluer convenablement les conséquences de l'immigration sur un pays est de raisonner de manière dynamique. Il faut en effet prendre en compte les vingt à trente ans pendant lesquels la population immigrée était composée à 80% de jeunes actifs employés, payant beaucoup et recevant peu, ainsi que leur contribution, essentielle, à la croissance dans ces années. Pour être parfaitement équitable, il faudrait également prendre en compte la participation de ces populations à la croissance à venir, lorsque le vieillissement de la population « de souche » entraînera une pénurie de bras, déjà visible dans les métiers peu qualifiés (constatez l'appartenance ethnique de votre éboueur).
Prétendre donc qu'il faudrait renvoyer « chez eux » les personnes d'origine immigrée sur la foi d'un tel calcul revient à dire qu'il faudrait euthanasier les retraités, puisqu'ils coûtent bien plus à l'État (à bien différencier de la collectivité nationale) qu'ils ne rapportent.
En résumé, ce genre de bilan relève le plus souvent du calcul de coin de table, et quantifie plus les préjugés de son auteur qu'autre chose, les difficultés économétriques étant tout simplement insurmontables en l'état.
Publié le mercredi, décembre 7 2005, par Mathieu P. dans la catégorie : Réactions - Lien permanent
Commentaires
dimanche, décembre 18 2005
23:28
Bravo pour ce premier post, qui s'attaque à deux tares du débat national : la fascination pour les chiffres ne voulant rien dire, et la confusion entre nation et Etat. Cela dit, l'évaluation de l'effet sur l'économie française de l'immigration reste à faire.
— econoclaste-alexandrejeudi, janvier 5 2006
04:29
"Supposer que la délinquance est le fait des seuls immigrés. Même s'il est vrai que la délinquance est proportionnellement plus importante chez les populations originaires d'Afrique (probablement aussi d'Asie, mais on en parle moins), cela ne signifie pas que la majorité des délinquants sont d'origine immigrée, et encore moins que cette délinquance n'existerait pas si ces personnes n'étaient pas en France. "
— Mla majorité des détenus sont de culture musulmane....le souligner est ce etre raciste?
"Pour être parfaitement équitable, il faudrait également prendre en compte la participation de ces populations à la croissance à venir, lorsque le vieillisement de la population « de souche » entraînera une pénurie de bras, déjà visible dans les métiers peu qualifiés "
C'est marrant le Plan dit bien que la France n'a pas besoin d'immigration bas de gamme (non qualifié, islamiste, antifrancaise...)
Le pb c'est que la France exporte des bac +5 et importe des bac -5, le bilan est négatif..
Polygamie, crise d'identité, islamisme, sexisme, repli sur soi, délinquance, communautarisme, des émeutes ethniques...voilà ce qu'on a récolté....
Quant aux chiffres, quand on connait le % de personnes d'origine africaine au chomdu ou au RMI, il ne m etonne guere...36 Mds d 'euros par an c'est une somme tout de même...Un lourd investissement? Le résultat? une France balkanisée ou le racisme se développe comme jamais...
jeudi, janvier 5 2006
05:13
quant au rapport lisez le voilà le lien:
— Mwww.polemia.com/pdf/collo...
Une critique argumentée me satisfairait bcp
De toute façon, les européens n'ont plus la force de se reproduire. Une immigration massive est à prévoir. Ils n'ont plus leur sort entre leurs mains...
jeudi, janvier 5 2006
12:27
@M : Merci d'illustrer exactement les erreurs de raisonnement que je souligne dans mon billet. Voyons un peu :
« La majorité des détenus sont de culture musulmane....le souligner est ce etre raciste? »
Certes non : c'est un fait. Mais suggérer qu'ils sont en prison parce qu'ils sont musulmans est être raciste. C'est précisément cette ligne qui est trop souvent franchie. De la même manière, on pourrait souligner que la majorité des détinus n'ont pas le bac. Le rapport de cause à effet serait déjà plus intéressant en termes de politique publique. L'erreur est de confondre cause et corrélation. Dans l'exemple en question, la majorité des détenus ont des parents chômeurs. Beaucoup de musulmans sont chômeurs car ils sont peu qualifiés. Mécaniquement, il y aura beaucoup de musulmans parmi les détenus sans que la religion ait quoi que ce soit à voir avec le fait d'être détenu.
« C'est marrant le Plan dit bien que la France n'a pas besoin d'immigration bas de gamme (non qualifié, islamiste, antifrancaise...). Le pb c'est que la France exporte des bac +5 et importe des bac -5, le bilan est négatif.. »
Entendons-nous bien : nous parlons ici d'êtres humains, pas de marchandises. Je préfèrerais « peu qualifiée » que « bas de gamme ». Maintenant, ramenons les choses à la réalité : est-ce que, parce que 10% des Français sont xénophobes, on peut dire que les Français le sont. Évidemment non. De même, 10% d'islamistes n'autorise en aucune manière à dire que les immigrés dans leur ensemble sont islamistes. Merci donc, à l'avenir, de m'épargner cette réthorique de café de commerce.
Passons aux qualifications : il n'y a aucune realtion de cause à effet entre le départ des bac+5 et l'arrivée de personnes peu qualifiés. Ils ne sont aucunement en concurrence pour les mêmes ressources. Comparer ces deux flux pour en tirer un bilan est donc encore une imposture, avec de grosses ficelles. Que le bilan du départ de personnes qualifiées soit négatif, je n'en disconviens pas. Que celui de l'arrivée de personnes peu qualifiées soit négatif, je le conteste, et fortement. Il se trouve en effet que l'économie française a actuellement besoin de personnes pour exercer des métiers que trop peu de résidents actuels acceptent. Si les maîtres de chantier ou les société de nettoyage urbain emploient massivement des immigrés, ce n'est pas parce qu'ils les payent moins : ils touchent le même salaire qu'un autre. C'est parce que ce sont les seules personnes acceptant ces emplois nécessaires. On pourrait allonger considérablement cette liste des métiers ingrats, que les personnes de longue origine française n'acceptent pas d'occuper, le plus souvent parce qu'ils sont trop qualifiés pour cela.
« Polygamie, crise d'identité, islamisme, sexisme, repli sur soi, délinquance, communautarisme, des émeutes ethniques...voilà ce qu'on a récolté.... »
Dites, la provocation gratuite, c'est bien gentil, mais là ça commence à bien faire. J'aimerais des arguments à l'avenir, et je n'hésiterai pas à blaster à vue les commentaires ayant un rapport signal/bruit aussi faible. En l'occurrence, ce commentaire me désole, car il illustre un manque criant d'une culture historique minimale. C'est en effet, à la formulation près, les insultes qui étaient au début du XXe siècle adressés à mes ancètres, des « Ritals » et des « Métèques » (lire Italiens et Grecs), réputés machistes, religieusement inassimilables (ultramontains ou orthodoxes), etc. C'est cela le plus triste : à chaque nouvelle vague d'immigration, on a droit au même déferlement de bêtise. Et puis ça se calme, et on oublie les insultes jetées à la tête des Aznavourian et consorts.
« De toute façon, les européens n'ont plus la force de se reproduire. Une immigration massive est à prévoir. Ils n'ont plus leur sort entre leurs mains... »
C'est vraiment me rendre service que d'accumuler ainsi en deux commentaire une telle somme d'idioties. D'une part, la démographie européenne se porte raisonnablement bien, merci. Et pour tordre le cou à une idée reçue, la contribution des population d'origine immigrée à la natalité française est faible au point d'être quasiment insignifiante. Signe qui ne trompe pas : les femmes françaises filles de parents immigrés ont, statistiquement, le même comportement démographique que celles nées de parents français, un peu moins de deux enfants.
Quant au rapport, je suis en train de le parcourir. Force est de constater, dès les premières pages, que pour un travail que se veut scientifique, le nombre d'affirmations non-étayées et d'affirmations tendancieuses est allucinant. Quant à la comptabilité effectuée, elle est risible pour les raisons que je donne déjà dans mon billet : essentiellement, le fait d'attribuer les difficultés sociales des populations d'origine immigrée à leur seule origine immigrée, sans faire la part, considérable, les déterminants liés à leur position sociale et à une (non-)politique urbaine. Le seul commentaire que m'inspire ce rapport est qu'il ne vaut pas mieux que le discours Rivers of blood d'Enoch Powell. Y plaquer un semblant de comptabilité ne rendra pas ce type d'idées plus juste.
Tiens, d'ailleurs, dans les dernières pages, je vois mieux vos sources, bêtises comprises. Le texte dit en effet : « Le France a moins besoin d'aides soignantes, de balayeurs et de femmes de ménages que de cadres, d'ingénieurs et de techniciens de haut niveau. ». C'est cruellement faux. En niveau, la France a actuellement besoin des deux. En nombre, la France des deux décennies avenir, avec le vieillissement de la population, aura besoin de beaucoup plus d'aides soignantes et de femmes de ménages que d'ingénieurs. Ceci n'est pas un scoop : cela fait plus de dix ans que les économistes étudiant la composition de l'emploi en France le disent. En outre, on peut se demander par quel miracle avoir moins d'aides soignantes nous donnera plus d'ingénieurs ... surtout quand les impôts payés par les aides soignantes servent à financer la formation des ingénieurs.
— leconomistejeudi, janvier 5 2006
18:24
"Mécaniquement, il y aura beaucoup de musulmans parmi les détenus sans que la religion ait quoi que ce soit à voir avec le fait d'être détenu".
— Mtant que l on cherche pas à mesurer "l'effet propre" Islam on ne risque pas de trouver grand chose...Mais, bon en France c'est tabou...Peut être qu'à la prochaine émeute ou au prochain attentat, on pourrait faire un bilan de l'immigration arabe.. Les Etats Unis ont une approche décomplexée de l'immigration qui leur évite bien des erreurs..
"C'est en effet, à la formulation près, les insultes qui étaient au début du XXe siècle adressés à mes ancètres, des « Ritals » et des « Métèques » (lire Italiens et Grecs), réputés machistes, religieusement inassimilables (ultramontains ou orthodoxes), etc. "
Je me souviens bien, vous avez raison, des italiens qui posaient des bombes dans le métro, provoquaient des éméutes, pillaient des trains....Certains d'entre eux étaient même polygame...Oui, c'est tout à fait comparable..
De surcroit, le flux actuel des migrants est bien plus massif (250 000 par an) et la proximité culturelle est bien plus faible...et la France est exsangue...peu importe l'avis du peuple qui considère à plus de 60% qu'il y a trop d'immigrés en France, continuons à accueillir tout ceux qui se pressent à nos portes...
Le pb c'est que vous comparez des choses qui ne sont pas comparables..les rétraités, les non bacheliers et les immigrés....
En effet, avec un peu de volonté politique, on peut influer considérablement sur le flux de nouveaux entrants et donc à terme sur le nombre d'immigrés....Par exemple, si on abrogeait le regroupement familial ou si on reconduisait à la frontière tous les illégaux, des économies substantielles pourraient être réalisées...Sommes qui serviraient au soutien de la natalité..et qui donc permettraient de stopper le déclin démographique...J'ai la faiblesse de penser qu'il serait davantage bénéfique sur tous les plans (cohésion nationale, économie...) de soutenir la natalité française que de payer l'AME aux illégaux, ou de créer encore et toujours des classes de primo arrivants pour les enfants arrivés en France au titre du regroupement familial....
jeudi, janvier 5 2006
18:47
Voilà ce qu'a dit notre SEUL prix nobel d économie
— MOr le contrôle des flux d'immigration, est devenue pour l'Union une nécessité d'autant plus absolue que leur accueil exige d'importants efforts d'investissements pour seulement maintenir les conditions matérielles et les services nécessaires à l'intégration convenable des nouveaux immigrants : Comme le répète Maurice Allais, Prix Nobel 1988 : " Pour assurer le fonctionnement de son économie, un pays a besoin en effet de maintenir ses infrastructures : écoles, universités, hôpitaux, logements, routes, usines, bureaux…Or, dans tous les pays industrialisés, le montant global du capital national reproductible est égal à environ le quadruple du revenu national. Il en résulte que, pour bien intégrer un travailleur immigré, un pays doit mobiliser une épargne égale à environ quatre fois le salaire annuel de ce travailleur, afin de construire les équipements nécessaires à son accueil…(..)… Et si ce travailleur arrive avec sa femme et ses enfants l'épargne nécessaire devra représenter selon les cas de 10 à 20 fois son salaire annuel. ".
jeudi, janvier 5 2006
18:57
"Mais suggérer qu'ils sont en prison parce qu'ils sont musulmans est être raciste"
— Mben, si un modèle bien ajusté, montre que, toutes choses égales par ailleurs, les musulmans ont davantage tendance à être des délinquants, est ce être raciste que de le dire ?
jeudi, janvier 5 2006
19:21
« Je me souviens bien, vous avez raison, des italiens qui posaient des bombes dans le métro, provoquaient des éméutes, pillaient des trains....Certains d'entre eux étaient même polygame...Oui, c'est tout à fait comparable... »
Effectivement : le seul président de la République Française assassiné (Sadi Carnot) l'a été par un anarchiste italien, nommé Caserio. Italiens d'ailleurs au centre des émeutes d'Aigues-Mortes (1893, 8 morts officiellement), et régulièrement objets de chasses à l'homme dans les grandes métropoles. Donc oui, il y avait des Italiens qui posaient des bombes, assassinnaient des présidents et provoquaient des émeutes dont le bilan ne se comptait pas en voitures brûlées, mais en morts. Vous ajoutez d'ailleurs un argument du nombre. Comparer les flux en nombre est absurde : ce qu'il faut comparer est la proportion d'immigrés dans la population. Or, celle-ci est stable. N'oubions pas qu'en 1900, 1 marseillais sur 5 était Italien.
« Par exemple, si on abrogeait le regroupement familial ou si on reconduisait à la frontière tous les illégaux, des économies substantielles pourraient être réalisées »
Je suis peut-être un horrible économiste, mais j'estime que l'arbitrage coûts-bénéfices de l'immigration doit aussi prendre en compte les bénéfices de migrants. Ce sont tout autant des hommes que ceux qui ont eu la chance de naître en France. En ce qui concerne les économies, le coût des reconduites à la frontière est tel que je doute de la rentabilité de la mesure, sans dompter les drames humains qu'els suscite. De même pour le regroupement familial.
Faute d'argument de votre part, je supprime le mail d'insultes concernant la démographie. Les réclamations au nom de la liberté d'expression sont à adresser à /dev/null
En ce qui concerne la citation d'Allais, elle montre surtout que les meilleurs peuvent dire des bêtises indignes d'un étudiant de première année. Mettre un enfant d'immigré de plus à l'école coûte le prix d'une chaise et d'un bureau supplémentaire.
« ben, si un modèle bien ajusté, montre que, toutes choses égales par ailleurs, les musulmans ont davantage tendance à être des délinquants, est ce être raciste que de le dire ? »
J'attends de voir un tel modèle. Pour tout dire, je doute fort qu'il existe.— leconomiste
jeudi, janvier 5 2006
19:31
Je me suis un peu emporté car certains de vos arguments m'ont semblé idéologiques. Mais, bon c'est connu, les gens de gauche ont des réflexes pavloviens dès qu'ils entendent le mot "immigration"..
— MOublions cela et repartons sur un bon pied..
Je serais ravi si vous pouviez m'expliquer moi brièvement pkoi vous prétendez que:
"D'une part, la démographie européenne se porte raisonnablement bien, merci."
Les Chesnais, Sauvy, Cotta, Lafay auraient donc tout faux...je demande à voir...
ça mériterait même un nouveau fil..
jeudi, janvier 5 2006
19:49
Le débat sur la démographie est faussé pour deux raisons. D'une part, les indices utilisés ne sont fiables qu'en période raisonnablement stationnaire (en particulier l'indice de fécondité par femme). Or, nous sommes précisément dans une dynamique de transition vers des grossesses plus tardives. De ce fait, les femmes actuellement prises en compte par cet indice ont pris du retard dans la temporalité de leurs maternités par rapport à leurs propres mères. De ce fait, ce taux est notoirement sous-évalué. Ainsi, le 1,9 français doit vraisemblablement se lire comme supérieur à 2,1 seuil de renouvellement des générations.
D'autre part, ce débat semble partir de l'idée que la croissance démographique est une bonne chose en soi. Issu de siècles de forte mortalité où la puissance d'un pays se mesurait à sa population, cette idée est aujourd'hui discutable. La France de demain souffrirait-elle de rester à 60 millions de Français ? Le seul argument est celui du rapport entre actifs et retraités. La belle affaire : on ne parle là que d'une ou deux génération, et ce problème pourrait être largement réglé par une augmentation du taux d'activité des femmes. Bref, la croissance démographique ne doit pas plus être érigée en dogme que la croissance économique.
— leconomistevendredi, janvier 6 2006
01:39
"De ce fait, les femmes actuellement prises en compte par cet indice ont pris du retard dans la temporalité de leurs maternités par rapport à leurs propres mères."
— MIl s'agit d'une hypothese intéréssante mais ce qui compte c'est la profonde déformationde la pyramide des âges, porteuse de graves déséquilibres futurs. La France est moins sinistré que les pays voisins, c'est évident. Mais, pourquoi ne parlez vous pas des conjonctures italiennes et allemandes? Ces pays sont en quasi stagnation, à cause d'une demande insuffisante (manque de consommateurs)
ce qui compte ce n'est le nombre d'hommes mais la structure de la population..
D'un côté les pays vieillis et riches (G7) dont les femmes font la grèvesdes ventres:
Japon, Allemagne, Italie qui sont en stagnation économique (dette qui explose, croissance stimulée par les exportations .puisque la demande fait défaut..)
D'un autre coté, les pays moins vieillis et riches dont les femmes font des enfants (pas assez, mais c'est mieux que pour les pays précités..)
France, Angleterre, Etats Unis, Canada: ces pays ont tendance à avoir chaque année depuis une décennie une croissance moins anémiée que les premiers..
La corrélation entre croissance du PIB et indice conjoncturel de fécondité est si patente qu'il parait difficile de ne pas lier les écarts de croissance à l ampleur du vieillissement démographique.
Les pays les plus vieillis n'avancent plus, stagnent, sont exténués par les dépenses de santé et de retraites...Grace à son poids électoral, le lobby des cheveux gris empêche toute réforme de grande ampleur permettant un redressement futur, en taxant toujours plus les actifs...
Cette analyse est sans doute naïve pour vous, économiste réputé, mais elle a le mérite de décrire relativement bien l'évolution de la géoéconomie mondiale.
(marginalisation européenne (France et RU feront mieux que les autres), maintien des USA, déclin Japonais, come back chinois et Indien, décadence Russe, ....etc)
Je terminerais en citant M Réné Rémond:
dans Histoire de l'Europe
"La poussée démographique a été la clé de l'essor de l'Europe occidentale entre le 10e et le 13e siècle. A l'inverse les périodes de repli ou d effacement correspondent à des phases de régression démographique. Quel thème de méditation! Quel sujet d'inquiétude!
L'Europe est aujourd'hui un monde creux entourés de mondes pleins, comme elle fut elle même jadis un monde surabondant dominant des mondes vides. L'interrogation sur l'avenir de notre continent n'est pas séparable d'une interrogation sur sa démographie."
vendredi, janvier 6 2006
10:26
« Ces pays sont en quasi stagnation, à cause d'une demande insuffisante (manque de consommateurs) »
Si le manque de consommateurs suffisait à expliquer la stagnation des pays que vous citez, cela ferait longtemps que le problème serait résolu. L'Italie comme l'Allemagne souffrent avant tout de profond déséquilibres régionaux (Est vs Ouest, Nord vs Sud) qui freinent leur croissance, faute d'un développement équilibré du pays. Comme souvent en démographie, il est difficile de savoir dans quel sens va la causalité. On peut en effet dire aussi bien que la conjoncture est mauvaise faute de demande que dire que la démographie est mauvaise du fait de la conjoncture (les jeunes couples ont de mauvaises perspectives d'avenir, donc ne font pas d'enfants, etc.). En fait, les deux variables répondent probablement à un certain nombre de déterminants communs, en particulier les anticipations des ménages, sans qu'il y ait de lien direct entre les deux. Une fois encore, je pense que vous confondez corrélation et causalité.
Prenons d'ailleurs un autre exemple dans les pays cités : le Japon. Il sa trouve que ce pays semble en train de repartir économiquement au moment même où le problème du vieillissement de la population devient le plus aigu, et sans mouvement particulier de sa démographie, et encore moins de sa (très faible) immigration. Bref, la situation est très loin d'être aussi tranchée que vous la présentez. Les retraités peuvent certes être vus comme une « charge » sur les actifs, mais ils représentent aussi bien un très vaste marché pour les jeunes actifs.
En ce qui concerne René Rémond, vous remarquerez qu'il parle précisément des 10e et 13e siècles, ce qui ne nous rajeunit pas. Il est vrai que pendant très longtemps, les capacités de production et la puissance d'un pays se mesuraient à sa population. En effet, la loi de Malthus faisait que la population augmentair jusqu'aux limites de la capacité de production de l'économie. Et à ce titre, le pays le plus puissant au monde jusqu'au XVIIIe siècle était la Chine, ce qui se voit très nettement dans les flux économiques de l'époque (au XVIIIe siècle par exemple, les fourrures vendues par les trappeurs du Canada avaient souvent Pékin pour destination finale). Cette relation entre population et puissance cesse d'être vraie à partir de la révolution industrielle, car on peut alors substituer du capital à de la main-d'œuvre pour obtenir la même production. De ce fait, le niveau technologique devient un facteur de puissance bien plus important que la population. Et c'est ce qu'illustre l'histoire de la fin du XXe siècle. Le Japon a ainsi joué pendant toutes les années 1980 jeu égal avec les États-Unis, avec une population deux fois moindre, et une croissance démographique parfois négative.
Un dernier mot sur les États-Unis. Une des raisons fondamentale de la force de la demande américaine n'est pas sa population, mais son taux d'épargne. Là où les ménages français épargnent trop, les ménages américains épargnent trop peu, au point d'être pratiquement tous endettés. Ces emprunts, fondée le plus souvent sur la valeur de leurs maisons, alimentent la consommation, mais rendent également le pays très dépendant des étrangers qui acceptent de leur prêter. Si les banques chinoises ou les investisseurs japonais demandaient demain aux États-Unis de rembourser les emprunts dont ils sont détenteurs, la première puissance économique mondiale se trouverait dans la situation de l'Argentine il y a quelques années.
— leconomistevendredi, janvier 6 2006
13:01
Apparemment, il y a de quoi en faire un billet à part entière. J'y penserai. En attendant, on peut très utilement lire cet article général et cet article sur le cas japonais de The Economist, qui mettent en perspective les craintes quant à la dénatalité et au vieillissement de la population.
— leconomistesamedi, janvier 7 2006
01:53
Ce que j'ai du mal à comprendre c'est que des économistes brillantissimes puissent avoir des avis si divergents sur certaines questions cruciales.
— MPar ex:
_nature du déficit commercial américain (Todd, Rogoff d'un coté, Bernanke, Greenspan, Mankiw de l'autre)
_lien entre le vieillissement économique et le dynanimisme économique (Sauvy, Godet, Cotta, Chesnais d'un côté, Le Bras, votre article de the economist de l'autre)
_impact des délocalisations vers les émergents , notamment vers les géants démographiques asiatiques, sur le niveau de vie des pays riches (Paul Samuelson d'un côté, J. Bhagwati d'un autre)
Il n'y a pas 36 explications:
Soit les grandes tendances sont impossibles à prédire , soit beaucoup d'économistes tordent les faits de manière à conforter leurs préjugés idéologiques.
Quant au effet du vieillissement, ils ne seront perceptibles que dans les prochaines décennies..Puisque c'est seulement maintenant que les jeunes qui ne sont pas nés manquent alors que les classes importantes du baby boom quittent le monde du travail.
Quoi qu'il en soit, le vieillissement de la population nécessitera une grande capacité d'adaptation pour que la prospérité soit préservée. Ce que je crains par dessus tout c'est que le poids démographique des pré retraités et des retraités incite ceux-ci à abuser de leur position en exigeant par exemple des politiques qu'ils taxent davantage les actifs pour continuer à pouvoir bénéficier de retraites "en or massif". Le cynisme actuel des hommes politiques me confortent dans cette analyse. Ce cynisme se manifeste clairement dans le manque de volonté des gouvernants, notamment en Europe (à l'exception de la scandinavie), pour appliquer des mesures de bons sens. Ceux ci savent que les dépenses d'avenir (université, recherche, infrastructures..etc) doivent êtres augmentées (cf Lisbonne) mais préfèrent céder aux lobbys tout à fait hostiles à des coupes dans les dépenses de fonctionnement. (retraites, productivité de la fonction publique, train de vie de l'Etat...) Sans hausse significative de la productivité et avec une population active dont la croissance décélère, la croissance potentielle ne peut que baisser, menaçant le progrès économique.
samedi, janvier 7 2006
01:56
parmi les dépenses d'avenir (j'ai oublié les dépenses familiales..)
— Msamedi, janvier 7 2006
02:20
The economist est sans doute une bonne revue. Mais n'est elle pas trop "teintée idéologiquement" pour qu'elle puisse faire autorité?
— MCiter un article d'un Samuelson ou d'un autre économiste de premier plan pour conforter votre point de vue aurait bien plus de force.. Face à de tels "monuments", on ferme sa gue***.
Promis, j'arrete maintenant de trop squatter votre blog...
mardi, janvier 10 2006
10:05
The Economist est un magazine qui assume totalement son orientation libérale, et c'est ce qui fait sa qualité : les articles séparent bien ce qui est du domaine du fait et du domaine de l'analyse. Comme en outre elle se distingue par son honnêteté intellectuelle (elle n'occulte pas un fait gênant), c'est une excellente source.
— leconomisteQuant à l'idée de se taire face à une référence, fut-elle Samuelson, la recherche ne fonctionne pas de cette manière, encore moins quand la « référence » parle hors de son domaine de compétence propre.