Changement de cap
J'ai signé aujourd'hui un contrat pour travailler à partir de la rentrée à la Société Générale, au sein de la Direction des risques, dans l'équipe s'occupant des tests de résistance bancaire (stress tests). Quelques mots sur ce changement de cap.
Quitter le monde académique
Il y a quelques semaines encore, j'étais tout entier occupé par les auditions pour les concours aux fonctions de Maître de conférences. Je n'envisageais donc pas d'autre carrière qu'universitaire. Je pensais sincèrement que mon dossier me permettrait d'obtenir un poste, même si pour des raisons de compatibilité géographique, j'avais fait l'impasse sur deux des postes correspondant le mieux à mon profil. De fait, à la faveur d'un désistement, un poste m'est proposé dans une université de province, agréable et bien cotée.
Entre-temps toutefois, deux éléments circonstanciels sont intervenus : d'une part, et un peu contre toute attente, ma femme, elle aussi candidate à un poste de Maître de conférences (en lettres et langue françaises), est retenue pour un poste très intéressant, mais à l'autre bout de la France par rapport à ce que nous avions anticipé. D'autre part, l'université m'ayant donc classé deuxième ne m'en informe pas tout de suite (les usages varient en la matière). Je pense donc initialement n'avoir été classé nulle part, et me mets à chercher hors du domaine académique.
L'annonce que, finalement, je pourrais être Maître de conférences arrive donc après quelques jours où je me suis longuement interrogé sur ma vocation de chercheur et où j'ai commencé à explorer les autres possibilités. Ma thèse montre, je crois, ma capacité à produire de la recherche sur les sujets qui m'intéressent, et ceux-ci ne manquent pas. toutefois, je suis également renvoyé au fait que j'ai pris beaucoup plus de plaisir à rédiger l'opuscule sur le prix unique du livre qu'à réaliser mes articles de recherche. Réflexion faite, je pense que mon avantage comparatif réside plus dans l'analyse, la synthèse et la diffusion que dans l'exercice que constitue la production d'articles de recherche.
J'en suis donc à ce point quand j'apprends que finalement je pourrais avoir un poste. À mes hésitations sur ma vocation vient s'ajouter l'incompatibilité géographique entre ce poste et celui de ma femme. Même si la pratique du turbo-prof est courante, voire la norme dans beaucoup d'universités, je décide à ce moment-là que celle qui se propose de m'accueillir mérite mieux que quelqu'un qui s'interroge sur sa vocation de chercheur et qui, habitant loin, ne pourra pas s'investir efficacement dans les activités d'enseignement et d'administration, qui demandent de la présence sur place.
Il me reste encore, certes, une (très faible) chance de continuer dans l'enseignement et la recherche, dans un cadre privilégié et avec des chercheurs partageant très largement mes centres d'intérêt. Cette chance ne se réalisant pas, je décide d'abandonner la voie académique.
Le public et le privé
Entre-temps, j'ai découvert que s'offraient à moi plus d'opportunités que je ne le pensais de prime abord : je trouve assez rapidement sur la Bourse interministérielle de l'emploi public des offres de CDD sur des sujets qui m'intéressent. Je passe ainsi plusieurs entretiens, qui finissent par déboucher sur une offre ferme pour travailler sur les sujets de l'économie numérique, à commencer par le livre numérique.
Dans le même temps, un ami travaillant à la Société Générale, à qui j'ai fait part de ma situation, me dit que cette banque recherche des économistes pour la gestion des risques et que mon profil pourrait les intéresser. Renseignement pris, je découvre un champ d'activité très intéressant, transversal, et correspondant effectivement à ce que je pense être mes points forts.
Les deux offres sont attrayantes, tant intellectuellement que matériellement, et de fait je passe en quelques jours d'une option à l'autre, puis reviens à la première (d'autant plus que l'institution publique, informée de l'autre option, avait fait un effort sur le salaire proposé). La place donnée à mon expérience de docteur a, je crois, été déterminante.
En CDD dans une institution publique en effet, ma carrière était essentiellement conditionnée au fait de passer un concours où à l'ouverture d'un poste dans une structure pouvant offrir autre chose qu'un CDD. Or, les concours de la fonction publique ont ceci de particulier que les passer de manière externe (ce que j'aurais fait pour diverses raison) vous place au premier échelon du corps concerné, indépendamment de votre trajectoire antérieure. Si cela ne porte guère à conséquence dans le domaine universitaire (tout le monde a une thèse), il n'en va pas de même pour les autres corps, où cela signifie que l'expérience de la thèse ne compte pour rien.
De fait, c'est bien ce qui m'a été dit en entretien : « Vous n'avez pas d'expérience professionnelle », là où non seulement cette expérience était une raison majeure pour laquelle mon profil intéressait la Société Générale, mais en plus celle-ci voyait comme un plus les activités d'enseignement, d'administration et de diffusion réalisées pendant mon monitorat et mes ATER (y compris ce blog, d'ailleurs). Un élément essentiel de mon choix s'est donc joué là, dans la difficulté de faire valoir les compétences et l'expertise issues de mon doctorat dans un cadre public, alors que cette valorisation était évidente pour le recruteur privé, où pourtant la pertinence de mes connaissances en matière d'économie numérique est moindre.
Je vais donc rejoindre à la rentrée la Société Générale, au sein d'une équipe qui m'a déjà chaleureusement accueilli.
Et le blog ?
En conséquence, je ne sais pas trop ce que va devenir ce blog, ni de quoi je vais y parler. Ne vous étonnez donc pas trop si je me mets à causer de sujets plus macro-économiques ou financiers. Vous saurez d'où ça vient.
Publié le mardi, juillet 12 2011, par Mathieu P. dans la catégorie : General - Lien permanent
Commentaires
mercredi, juillet 13 2011
12:02
Je risque de regretter vos billets culturels et médiatiques qui avait l'avantage d'être rédigés par un économiste mainstream "chercheur publiant", pour reprendre les qualificatifs de l'AERES, un profil trop rare en France, ce qui est regrettable (je n'ai pas le temps de développer et pense que vous voyez ce que je veux dire).
Bonne continuation ! :)
— Moggiomercredi, juillet 13 2011
12:04
(Un profil trop rare dans ce domaine-là, bien sûr, celui des activités culturelles et médiatiques.)
— Moggiomercredi, juillet 13 2011
17:24
Félicitations :) beau changement de cap! en te souhaitant une meilleure réussite qu'un certain Jérôme...
— sylvainvendredi, juillet 15 2011
15:59
Bon, d'abord, félicitations, tu vas avoir un vrai job ! ;-) Enfin, un vrai job... Tu vas bosser dans une banque... Ce qui m'amène à conclure que tu auras le temps d'encore publier ! En tout cas, je le souhaite.
— éconoclaste-stéphanevendredi, juillet 22 2011
15:27
Félicitations, et tous mes voeux de réussite !!
— VilCoyotelundi, juillet 25 2011
08:57
En faisant du classement, je viens de retomber sur ceci :)
http://www.presseurop.eu/files/imag...
Bonne rentrée des classes.
— Henri Tournyol du Clossamedi, août 6 2011
08:34
Excusez-moi de poster un commentaire si tard, mais j'ai tendance à alléger mes listes de suivi. Du point de vue de la science économique, à mon avis vous avez fait un choix intéressant. En effet le secteur banque finance monnaie est un des coeurs de la réflexion actuelle et, cela devrait rester le cas pendant un temps certain. C'est également un des domaines où il est possible que des changements majeurs soient, sinon mis rapidement en application, du moins étudiés. Si vous êtes intéressés par l'enseignement c'est également un secteur qui vous permettra d'intervenir dans de nombreux établissements. Enfin, s'il vous reste un peu de temps, n'oubliez pas une encyclopédie en ligne où à mon sens les articles sur la monnaie, la création monétaire ne sont pas au top.
— FFuucxdimanche, septembre 4 2011
02:46
félicitations, et bon courage pour la suite,
— Arthurtrès intéressant billet pour faire comprendre les difficultés a être chercheur en France, je trouve...
mercredi, novembre 2 2011
15:13
oups, je vois tout ceci un peu tard... Si l'équipe est dynamique et la direction capable, les projets et le champ de travail seront intéressants. J'espère que la rentrée s'est bien passée et que vous vous plaisez dans vos nouvelles activités.
— sophiemercredi, novembre 2 2011
15:13
oups, je vois tout ceci un peu tard... Si l'équipe est dynamique et la direction capable, les projets et le champ de travail seront intéressants. J'espère que la rentrée s'est bien passée et que vous vous plaisez dans vos nouvelles activités.
— sophie