Les livrets, produits d’appel

Gizmo remarque à très juste titre que si les livrets réglementés étranglent trop les marges de manœuvre des banques, elles peuvent ne pas les proposer. Si elles les proposent, relève-t-elle, c’est qu’ils agissent comme des produits d’appel.

Cet argument mérite d’être développé jusqu’à son terme : si les banques proposent ces livrets, c’est qu’ils conduisent les clients arrivant au plafond à placer leur argent sur d’autres supports, plus intéressants pour la banque soit en termes de liquidités (épargne à long terme), soit en termes de rémunération. Le relèvement du plafond des livrets réglementés réduit cet effet, à la fois instantanément (décollecte sur les autres produits) et dynamiquement. C’est donc la marge à long terme de ces activités qui est affectée, à un moment où la rareté des fonds propres pose des questions d’allocation entre activités au sein des banques diversifiées.

De la gestion de la liquidité

Gizmo rappelle que les banques sont là pour faire de la transformation de maturité, et elle donne deux facteurs d’arbitrage : d’une part la rémunération relative des différentes échéances, et d’autre part les contraintes réglementaires. Il me semble utile d’en ajouter une troisième, la gestion des risques. Indépendamment des contraintes réglementaires en effet, les banques peuvent vouloir limiter l’ampleur de leurs transformations de maturités afin de rassurer sur leur profil de risque. Il s’agit d’un motif puissant à un moment où, pour des raisons effectivement réglementaires, les banques cherchent à allonger l’horizon de leurs financements, et donc doivent séduire les investisseurs avec un rapport rendement/risque plus attractif.

Les assurances-vie

Troisième point qu’il me semble utile de souligner, la position de l’assurance-vie. Si en effet l’épargne liquide échappe aux banques par le biais des livrets réglementés, l’épargne longue leur échappe également dans une large mesure, du fait du traitement fiscal préférentiel de l’assurance-vie. Les sommes collectées au titre de l’assurance-vie relèvent en effet de filiales assurances des banques, qui relèvent d’une réglementation prudentielle différente. Les banques ne peuvent donc pas utiliser cette épargne longue comme moyen de prêter à plus long terme, et ce d’autant moins que la réglementation évolue en direction d’une séparation stricte entre les activités de banque et d’assurance (la structure de la bancassurance, typique des conglomérats français, est vue avec beaucoup de suspicion par les autres pays).

La question des livrets réglementés, si on l’aborde par ses conséquences sur les banques, ne peut donc à mon avis se traiter de manière complètement indépendante de celle de l’assurance-vie, qui constitue en quelque sorte son pendant à long terme.

Aller plus loin

Pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin, je recommande le rapport du Conseil d'analyse économique intitulé Épargner à long terme (mai 2009). Shorter : les incitations fiscales spécifiques (Livrets, assurance-vie, mais aussi investissements sectoriels du type DOM, énergies renouvelables, PME, sociétés cotées, etc.) devraient être uniformément supprimées au bénéfice d'une fiscalité uniforme soumise à un abattement forfaitaire.