Je vais essayer de faire un peu de live blogging depuis l'ACEI. Par la force des choses, ce ne sera pas forcément dans l'ordre. Je passe donc sur la réception initiale d'hier soir pour parler directement de la journée du mercredi 10 juin.

Matinée

La matinée a été consacrée aux sessions plénières introductives. Elles se tenaient dans un magnifique auditorium (le Danemark est de fait un des pays du design, et ça se voit), ce qui a fait dire à ma voisine, qui connaît l'état des universités françaises, qu'il faudrait qu'on ait des amphis comme ça en France.

La première intervention fut celle de Gilian Doyle, présidente actuelle de l'ACEI. J'avoue n'être pas bien réveillé à ce moment-là, mais son propos m'a semble plus relever du domaine de l'école de commerce que de celui de l'économie académique. Sur le fond, il s'agissait d'une description du changement de modèle des télévisions en « médias 360° », dont les sites d'émission ne sont pas que des relais des émissions, mais influencent les émissions elles-mêmes, et où les nouveaux projets comprennent dès leur conception une dimension d'interaction avec les spectateurs. Avec; pour l'instant, des résultats mitigés en termes de génération de revenus, apparemment. Une de ses remarques conclusives fut que l'intérêt croissant pour les industries culturelles fournissait une importante fenêtre d'opportunité pour les économistes de la culture de faire connaître leur travail auprès du secteur, des politiques et de leurs collègues économistes. Cependant, disait-elle, la question des méthodes et des concepts doit rester importante dans les programmes de recherche. Je suis d'accord avec elle sur la lettre, mais probablement pas sur l'esprit. Le risque de ne pas réfléchir au développement de méthodes et de concepts propres à l'économie de la culture me semble moins important que celui de répondre à la demande par des travaux méthodologiquement faibles. J'attends de voir si les papiers présentés en conférence infirment ou confirment cette impression.

L'intervention suivante fut menée par Bruno Frey, sur le thème du patrimoine mondial de l'Humanité, au sein d'une session menée de main de maître par David Throsby (qui me fait irrésistiblement penser à Gandalf, allez savoir pourquoi). Le propos de B. S. Frey était centré sur l'idée que la composition de cette liste est hautement biaisée vers l'Europe, principalement, selon lui, du fait qu'elle repose sur des avis d'experts (plutôt que sur des valuations du public en général), qui sont dans leur immense majorité des européens. Il soulignait en outre un certain nombre de problèmes liés à la liste des sites classés :

  • Son caractère arbitraire : des monuments très connus ou considérés par les experts comme incontournables (la Tour Eiffel, des temples perchés au Bouthan) ne figurent pas dans la liste.
  • Son extension excessive, que la promesse de Sarkozy d'y faire classer la cuisine française illustre assez bien.
  • Un effet de substitution entre sites proches : au Tessin, le classement des Châteaux de Bellizone a drainé des moyens importants, drainant, selon lui, des moyens qui auraient permis de mettre en valeur les magnifiques églises des environs, datant pour la plupart de l'époque carolingienne.
  • Elle peut entraîner des dégradations, désignant les sites comme cibles privilégiées dans un contexte de guerre ou de menace terroriste, ou simplement par sur-fréquentation touristique des sites.

Il fait également remarquer que face à des sites à mettre en valeur, il existe des alternatives à l'inscription sur la liste du Patrimoine mondial : classements nationaux, mise en valeur dans les guides touristiques, etc, mieux à même de bien servir des sites déjà connus et assez robustes (Grande muraille de Chine, p. ex.) ainsi que ceux présentant peur d'externalités (châteaux isolés). L'inscription au niveau mondial lui semble ne s'imposer que pour les sites peu connus et sous-exploités manquant des moyens matériels, scientifiques et techniques de préserver et mettre en valeur ce patrimoine. Typiquement, des sites dans les pays pauvres, c'est-à-dire à peu près l'inverse de la composition actuelle du registre.