Un problème essentiel est peu ou prou le même que l'année dernière : l'idée que les politiques économiques sont l'alpha et l'omega de l'économie, au détriment de l'analyse des comportements des agents. Voire : cette année, un sujet leur donnait l'opportunité de réfléchir, sur la base d'un court extrait d'Aglietta, sur les conséquences de la financiarisation de l'économie dans le cadre d'une comparaison avec le système des Trente Glorieuses (que je vois le plus souvent écrites 30 glorieuses). Que lis-je ? La régulation par les monopoles des Trente Glorieuses, c'est BIEN, c'est la recette de la croissance, alors que la financiarisation, c'est MAL, les entreprises n'investissent plus et licencient, et ne font du profit que pour les Méchants Actionnaires représentés par les diaboliques ZinZins (Investisseurs Institutionnels), aidés par l'Antéchrist Friedman et sa horde d'abjects monétaristes.

À la première copie, je me dis que je suis tombé sur l'idéologue du lot. "Pourquoi pas", au moins, il essaye de faire quelque chose de son cours. À la dixième copie qui me ressert ça, je commence à penser que quelque chose cloche du côté de l'enseignement. Je me doute bien que, comme l'an dernier, il n'est pas besoin de beaucoup d'efforts pour convaincre les élèves de telles thèses : ils arrivent tout persuadés. Or, il me semble que les documents de la brochure de TD mettent l'accent sur le fait que la fin de la période de forte croissance n'est pas l'oeuvre de machiavéliques idéologues, mais d'un changement profond des fondamentaux, qui oblige à chercher de nouvelles solutions.

D'expérience, il n'est pourtant pas bien difficile de remettre les choses dans l'ordre, et de leur faire comprendre que les politiques de rigueur ne sont pas la cause de la crise, mais une tentative, par bien des côtés pertinente, de réponse à la crise. En ce qui concerne la financiarisation, il est plus délicat, mais encore possible, de souligner qu'il y a un arbitrage entre la gestion à long terme du capitalisme bancaire et familial et l'efficacité allocative du capitalisme financier, qui permet de récolter plus d'épargne, de mieux diversifier les risques et sélectionner les projets. Là où j'ai sans doute échoué à les convaincre, c'est sur le fait que si la concurrence pèse sur les salaires, elle pèse aussi sur les prix, au point que le pouvoir d'achat de tous les déciles de revenus est en augmentation constante depuis 1970.

Là où la situation me semble plus grave que l'an dernier, c'est que cette année, je retrouve les mêmes formules stigmatisant le capitalisme financier dans toutes les copies. Pire, je suis bien incapable de dire si ce biais est dû au cours magistral ou à l'influence d'un chargé de TD en particulier. Heureusement, dans l'université où je travaille, il y a une double correction. Sans quoi je serais bien en peine de noter ces copies.