Si je ne suis pas complètement convaincu par l'idée d'une stérilisation de l'innovation matérielle par une régulation assise du un certes fumeux principe de précaution, il me semble qu'il y a quelque chose de pertinent dans l'idée qu'une régulation plus stricte de la production physique par rapport à la production numérique a fourni une incitation à plus d'innovation dans ce dernier domaine. Il me semble effectivement juste que des innovations importantes (moteur à explosion, antibiotiques, pilule contraceptives) ne pourraient que difficilement émerger aujourd'hui, en raison de l'ampleur de leurs effets collatéraux nocifs, en particulier dans les premiers temps de leur utilisation. De ce fait, l'innovation radicale devient plus difficile qu'elle ne l'était dans un environnement où il n'était pas requis de faire la démonstration préalable de l'innocuité d'une nouvelle technologie.

Je suis en revanche assez convaincu par l'idée d'une société devenue collectivement plus averse au risque, du moins dans les pays riches, et qui préfère investir dans des actions de préservation de l'existant et l'innovation incrémentielle que dans l'innovation radicale. Le vieillissement des populations concernés n'est probablement pas étranger à ce déplacement. J'en viens d'ailleurs à me demander si le choix massif de l'austérité dans la crise actuelle ne constitue pas une manifestation majeure de cette aversion au risque, préférant une sûre récession à une possible relance.