Le ratio actif/passif

Prenons pour simplifier le propos le modèle de la banque le plus simple possible : les actifs de la banque sont formés de l’ensemble des crédits qu’elle a octroyés. Le montant de ces crédits est typiquement nettement supérieur à celui des fonds propres : a priori, seule une fraction des crédits octroyés ne seront pas remboursés (ou alors la banque a vraiment un problème dans la sélection de ses clients), les fonds propres doivent être calibrés pour couvrir des pertes à la hauteur de cette fraction.

La plus simple manière de calculer les actifs d’une banque est ainsi de les traiter tous de la même manière : pour chaque euro prêté, la banque doit avoir un certain montant de fonds propres. Cette conception a présidé aux accords de Bâle I, avec le ratio de Cooke : les fonds propres doivent représenter 8% du total des crédits. C’est encore la représentation qu’en ont les investisseurs anglo-saxons : une approche simple, qui indique que plus le ratio est élevé, plus la banque est sûre.

Sauf que c’est assez manifestement faux : imaginez deux banques ayant le même montant de crédits, les mêmes fonds propres. L’une ne fait que du crédit renouvelable, l’autre que du prêt immobilier pour cadres supérieurs. La première est très manifestement beaucoup plus fragile que la seconde, les crédits renouvelables étant des produits intrinsèquement risqués, et avec un faible espoir de récupération si le client ne paie pas (on dit qu’il fait défaut). Les ratios de fonds propres sur l’actif brut ont donc le défaut d’être insensibles au profil de risque de la banque, et donc de ne pas bien refléter la solidité des établissements.

Pire, ces ratios fournissent une incitation à la prise en risque. En supposant que plus un crédit est risqué, plus il rapporte (les intérêts sont plus élevés), les banques ont intérêt à aller vers les produits les plus risqués à ratio constants pour maximiser leur rentabilité. Inversement, les établissements spécialisés dans les activités peu risquées affichent des rentabilités décevantes, ce qui renchérit le coût de leur capital.

Les actifs pondérés

Pour pallier cela, les accords Bâle II ont introduit la notion d’actifs pondérés du risque. Pour chaque crédit, on définit ainsi un poids correspondant à son niveau de risque. Plus un actif est risqué, plus le poids est élevé et plus il faut disposer de capital à mettre en face. On obtient ainsi des risk-weighted assets, ou RWA, qui forment le dénominateur du ratio de fonds propres (en fait, il y a de nombreuses surcharges, dont je parlerai dans un futur billet).

Ces poids conduisent à réduire la charge en capital sur les crédits les plus sûrs. Supposons que le ratio reste de 8%. Avec un ratio non pondéré, l’octroi d’un crédit de 100€ vous oblige à mettre 8€ en réserve. Si le crédit est pondéré à 50%, vous n’avez plus besoin que de mettre 4€ en réserve.

Les banques dont les crédits sont les plus sûrs ont ainsi une charge en capital moindre. À coût du capital constant, cela augmente leur rentabilité, et compense en partie l’effet pervers noté plus haut.

Les approches : Standard

Pour simplifier (si vous voulez le détail, vous pouvez consulter le texte consolidé des accords de Bâle II), il y a deux approches pour calculer les RWA. Dans l’approche dite Standard, les poids sont définis en fonction du type de crédit et de celui de votre client : 35% pour un prêt immobilier avec hypothèque, 50% pour un prêt à une entreprise bien notée, 100% pour une entreprise moins bien notée.

L’approche Standard a l’avantage de présenter une sensibilité certaine au profil de risque général de la banque. Cela reste toutefois un outil peu délicat. Les classes de produits sont en effet larges. Par exemple, cette approche classe dans la même catégorie le prêt personnel et le prêt à l’achat d’une voiture. Le premier est utilisé en cas de difficulté financière (on l’espère) passagère, ou pour faire face à une dépense ponctuelle imprévue. Autant dire que si la difficulté persiste, c’est un des premiers crédits que la personne va cesser de rembourser. Le crédit automobile est pratiquement à l’extrême inverse. D’une part il est simple de saisir une voiture, et d’autre part la personne en a le plus souvent un besoin impératif (pour se rendre au travail ou en chercher). C’est donc un des derniers prêts sur lesquels on fait défaut (le dernier est le crédit immobilier), et la banque récupère de toutes manières la valeur d’occasion de la voiture.

Pourtant, ces deux types de crédit ont le même poids en approche Standard. On retrouve à plus petite échelle le problème de non-comparabilité et d’incitation à la prise de risques. Fixées réglementairement, les pondérations Standard sont très rigides, et s’accommodent mal d’un environnement mouvant. Comme, par exemple, quand les idées sur la sécurité de la dette souveraine changent radicalement. Enfin, cette approche s’appuie énormément sur les évaluations des agences de notation. En sus des doutes qu’on peut avoir sur la fiabilité de ces dernières, elles pénalisent le prêt aux entreprises non notées (PME) ou situées dans des pays où il est plus difficile d’obtenir une note (Afrique).

Les approches : Méthode avancée

La réponse est une méthode, dite Avancée, qui repose sur l’idée que l’agent disposant de la meilleure information sur le risque du prêt (après l’emprunteur, qui a un intérêt à ne pas la révéler) est la banque elle-même. D’où l’idée de calculer la charge en capital sur la base des paramètres de risque que la banque estime pour son propre compte. Ce sera l’objet du prochain billet.