Un cursus opaque

Plantons le décor : la plupart des CV que nous recevons passent d'abord le filtre du service RH. Comme nous sommes un service identifié quant, cela donne soit des profils d'école d'ingénieur et mathématiques financières, soit le trio Dauphine - Laure Élie - El Karoui. Parfois nous arrivent des profils un peu plus originaux.

Le plus souvent, le candidat (ou la candidate, hein) a eu la bonne idée de faire la liste des cours suivis. Le plus souvent, cette liste, formée d'intitulés très généraux, donne envie d'en savoir plus sur les contenus. On a alors trois possibilités, aussi peu satisfaisantes les unes que les autres.

La première est de faire une liste interminable de questions pour l'entretien. Sauf qu'en entretien, on a tout un tas de choses à évaluer, et sauf à faire des procédures fleuves (les procédures actuelles sont déjà longues), on ne peut que faire un sondage très partiel. De plus, si le candidat ne connaît pas un élément, est-ce qu'il n'a pas écouté ses cours, ou que les cours ont couvert d'autres points auxquels nous n'avons pas pensé ?

La seconde est d'aller regarder sur les sites des formations en question. Sauf le le plus souvent, on ne trouve pas beaucoup plus d'information que sur le CV. Quand on a de la chance, il y a en plus de l'intitulé un plan de cours sommaire (le Master de l'UMPC, malgré le design très 1.0 de son site web, fait figure de bon élève), qui ne nous renseigne que peu.

La troisième, solution par défaut dans de nombreux endroits, est de ne retenir a priori que les CV provenant de formations connues, limitant drastiquement l'asymétrie d'information mais aussi la profondeur et la diversité du pool de candidats.

Donner une visibilité sur les cursus et les parcours

Du coup, je me demande s'il ne serait pas productif de donner aux recruteurs potentiels une visibilité sur ce point. Serait-il coûteux de créer un site où un recruteur potentiel pourrait accéder à un descriptif complet des cours suivis pas un candidat ?

L'infrastructure informatique ne me semble pas un gros problème. Par le biais des Environnements numériques de travail (les ENT - souvent sur le moteur Moodle), les université disposent des structures nécessaires. Les données étudiant par étudiant existent dans la base centralisée APOGEE, qu'on peut doter des APIs nécessaires (et qui existent sans doute déjà).

La confidentialité ne me semble pas un problème non plus : l'interrogation de la base pourrait être soumise à l'entrée d'un code de validation à durée limitée, transmis par l'étudiant à son recruteur potentiel (en laissant la possibilité au candidat de n'afficher qu'une partie de son cursus en réponse à un code donné).

Le plus gros problème, probablement, est la charge de travail supplémentaire pour les enseignants-chercheurs, qui croulent déjà sous des tâches administratives, faute d'administratifs compétents pour les exécuter[1]. Il me semble toutefois qu'en pratique, ceux qui s'investissement un minimum dans leur enseignement disposent déjà des descriptifs et plans de cours nécessaires, ne serait-ce que pour attirer les étudiants et planifier leur propre enseignement.

Il me semble qu'une structure de ce type, si elle était interrogeable par les étudiants, leur donnerait également une meilleure visibilité sur leur propres parcours. J'ai été surpris, puis blasé, de constater que pour beaucoup d'entre eux, le programme d'un cours pouvait être considéré comme un pré-requis pour ceux du semestre ou de l'année suivante, et que non, on n'allait pas reprendre tout de zéro - ce que font en pratique pas mal de cours, avec des recouvrements d'un semestre ou d'une année sur l'autre allant jusqu'à la moitié du programme du cours.

Note

[1] Arrivant dans une université, ma femme a reçu le code secret de la boîte mail par mail, envoyé sur la boîte en question. Dans le même genre, c'est un enseignant-chercheur qui effectue toutes les requêtes non-triviales dans APOGEE, les secrétaires n'ayant pas été formées à l'utilisation du logiciel.