Le phénomène est assez simple. Les grands groupes bancaires ont pour la plupart des filiales à l'étranger. Si ces filiales sont suffisamment importantes et complexes dans leurs activités, le cadre de Bâle II impose qu'elles soient soumises simultanément à la régulation du pays dans lequel elles sont enregistrées et à la régulation s'appliquant à la maison-mère, via leur consolidation dans le bilan de cette dernière.
Or, face à la crise financière, certains régulateurs, ici le régulateur portugais, ont décidé de durcir les exigences. Dans un contexte où l'accès au capital est particulièrement difficile pour les banques européennes, qui doivent de plus faire face à un durcissement général des ratios de fonds propre, certaines banques ont transformé leurs filiales en branches, ces dernières étant considérées comme faisant intégralement partie de la maison-mère, et donc soumis au seul régulateur de la maison-mère.
L'application de régulations différenciées est ici doublement contre-productif. D'une part, les banques portugaises se retrouvent désavantagées par rapport aux ex-filiales de groupes internationaux car elles ne peuvent pas contourner la régulation plus stricte. D'autre part, l'avantage d'une filiale est la limitation de la responsabilité de la maison-mère, qui peut laisser une filiale faire faillite sans avoir à éponger l'intégralité des pertes. Dans le cas d'une branche, la maison-mère est responsable des pertes sans limitation. Les ex-filiales s'en retrouvent renforcées mais au prix d'un accroissement du risque systémique et du phénomène du too big to fail des banques concernées.
Il faut donc souhaiter que le régulateur européen (l'EBA) rappelle aux régulateurs nationaux que l'Europe, et la zone euro en particulier, n'est pas un ensemble où chacun peut établir des règles indépendamment de celles fixées par les autres.
2 réactions
1 De Pierre André - 02/12/2011, 17:15
Question idiote que j'ai dans la tête depuis longtemps mais que je pose ici faute d'endroit plus approprié: vu que les marchés financiers européen sont très intégrés et que les états ont du mal à jouer le rôle de prêteurs en dernier ressort en ce moment, pourquoi la régulation bancaire n'est-elle pas une compétence communautaire et le rôle de prêteur en dernier ressort (pour les banques...) n'est-il pas assuré par la BCE?
A part ça, j'espère que tu te portes bien à la Sogé (a minima, j'imagine que la direction des risques n'est pas concernée par de potentiels plans de dégraissage...)
2 De Mathieu P. - 05/12/2011, 10:45
Le rôle de la BCE est au centre du problème actuel. Dans les traités, il est explicitement stipulé que la BCE ne doit pas servir de prêteur en dernier recours et que son seul et unique objectif est de garantir la stabilité de l'euro, quoiqu'il puisse arriver aux pays membres. En pratique, tout le monde s'attendait qu'en cas de crise la BCE s'asseye sur les traités et joue ce rôle. La panique a commencé quand face à la crise grecque elle a d'abord commencé par acheter de la dette grecque (donc à se comporter en prêteur en dernier recours) avant de faire volte-face et de revenir à la lettre des traités.
Après, la régulation bancaire n'est pas une compétence communautaire essentiellement parce que les États n'ont initialement pas voulu abandonner leurs régulateurs nationaux. L'EBA est de fait un régulateur européen indépendant. Il est peut-être d'ailleurs bon que cette régulation ne soit pas sous la coupe des politiques.
Concernant la Sogé, la Direction des risques n'est effectivement pas directement impactée par les réductions d'effectifs. En revanche, le contexte signifie que nous avons énormément de travail.