Les fondamentaux de ce débat sont connus[1] : la publicité pour les livres à la télévision pourrait attirer plus de lecteurs, en particulier les grands consommateurs de télévision (on parle souvent des jeunes, mais il semblerait que les gros consommateurs de télévision soient surtout des seniors), mais le coût d'une publicité est hors de portée des petites maisons d'éditions, et cette publicité risquerait avant tout de renforcer la concentration des ventes sur quelques best-sellers.

Arash Derambarsh ne revient pas vraiment sur ces points. Il part du constat du recul des émissions littéraires à la télévision et propose que soit programmée à leur place de la publicité. Et, pour contrer les critiques ci-dessus, pas n'importe comment : sous la forme d'un quota partagé entre les éditeurs. De la publicité gratuite, en somme, ce qui au prix actuel des écrans publicitaires représente une coquette subvention du budget de promotion de l'édition par les chaînes concernées.

À tout le moins, je suis étonné par cette proposition. Il ne me semble pas évident qu'il s'agisse là d'une manière efficace d'attirer de nouveaux lecteurs. Mon intuition est qu'on assisterait à un déplacement de la demande vers la poignée de titres mis en avant, ce qui va à l'encontre de l'objectif culturel poursuivi. Ensuite, je vois mal pourquoi ce serait aux chaînes de télévision de financer le secteur de l'édition par le biais d'une subvention de ce type. S'il y a lieu de soutenir les petits éditeurs (ce qui en soi n'a rien d'évident), il est certainement plus efficace de le faire directement par le biais d'un transfert direct de fonds publics, ou indirectement, par la programmation sur les chaînes de services public d'émissions littéraires de qualité, qui auraient un objectif plus ambitieux que faire vendre des livres (en remettant aussi en valeur des textes du domaine public, par exemple).

Par ailleurs, mes recherches sur le marché du livre (voir mon second chapitre de thèse) suggèrent qu'augmenter la publicité pour les livres est de nature à nuire à la fois aux libraires, à la diversité et à la qualité de l'appariement entre lecteurs et titres. Il s'agit là de ma part d'une extrapolation des résultats du modèle, le motif de promotion n'étant pas (encore) explicitement présent, mais l'intuition tirée du modèle est qu'une réduction de l'incertitude sur le devenir d'un titre conduit à des stratégies de prix plus agressives qui nuisent à tous les autres titres.

Comme Françoise Benhamou, il me semble donc que la publicité pour le livre à la télévision est une fausse bonne idée, et qu'elle devient clairement une mauvaise idée quant elle fait l'objet comme ici d'une revendication de subvention publique.

Notes

[1] On peut consulte par exemple ce billet de Françoise Benhamou et celui-ci de Pierre Assouline.