Comme beaucoup de gens n'ayant pas spécifiquement étudié ces accords, j'étais resté sur la double idée qu'ils concernaient essentiellement le cinéma et qu'ils comportaient des clauses imposant la diffusion de films américains en France. C'est d'ailleurs plus ou moins cette vision que donnait l'article de Wikipédia dans sa version d'alors.

L'émission m'a détrompé sur le second point : l'accord ne comporte aucun traitement de faveur du cinéma américain. Au contraire, il réserve pratiquement un tiers de l'année aux seuls films français et constitue une protection plus forte que le contingentement en place entre 1933 et 1939, qui lui imposait un nombre minimal (et élevé) de films américains. Certes, comparé au monopole qu'avaient les films français pendant la guerre, l'entrée de tout concurrent, quel qu'il soit, est de nature à affecter le secteur. De fait, faisait remarquer les intervenants de l'émission, l'opposition vint plus des techniciens que des acteurs ou des réalisateurs, à l'exception des sympathisants communistes, déjà engagés dans une logique de guerre froide.

Une chose qui m'a frappé est à quel point les arguments entendus en 1946 sont identiques à ceux entendus aujourd'hui. En particulier l'idée que le cinéma américain était mauvais et clinquant (arrivaient sur les écrans français des films aussi bassement racoleurs et culturellement nuls que Citizen Kane ou Les Raisins de la colère) alors qu'il n'y avait de cinéma français que de qualité. Ce discours se doublait d'ailleurs d'un autre qui résonne tout autant aujourd'hui, celui selon lequel il y a un bon cinéma américain, mais qu'il devrait être réservé aux seuls cinéphiles, le commun des mortels étant incapable de faire la différence (vous avez dit Gran Torino ?). Cette posture ne laisse décidément pas de m'interloquer : chaque fois que j'en entends une déclinaison, j'ai l'envie de pouvoir demander à l'intervenant s'il ne pense pas que lu public va voir des films divertissants parce qu'il cherche le divertissement, et de quel droit il prétend lui imposer ce pourquoi il paye (cher) sa place.

Voyant ensuite le piètre état de l'article de Wikipédia, j'ai essayé tant bien que mal de réunir des éléments pour l'améliorer. Et là, je me suis rendu compte que le cinéma n'était, tant en termes d'importance réelle que symbolique, qu'un élément mineur de cet accord. C'est pourtant l'élément principal qu'on en retient, non seulement (logiquement) dans une émission dédiée au soft power mais aussi dans un dossier pédagogique de l'Académie de Versailles, présentant le cinéma comme la seule contrepartie du prêt américain.

Les sources que j'ai trouvées portant essentiellement sur le reste des accords, j'invite ceux qui disposeraient de meilleures bases (par exemple des histoire du cinéma français) à signaler les sources possibles sur la page de l'article. À cette heure, je n'ai pas encore trouvé d'explication claire sur comment l'accord sur le cinéma, finalement très protecteur pour le cinéma français, avait pu s'entourer d'une aussi mauvaise réputation.