La difficile réforme des droits d'auteur
D'abord, je souhaite une bonne et heureuse année 2011 à tous mes lecteurs.
Cette année sera sans doute à nouveau fort riche en actualité liée au livre numérique. Je n'ai pas encore vu passer de chiffres de vente confirmant ou infirmant la position des tablettes de lecture comme cadeau phare de Noël, mais l'arrivée du FnacBook tend à indiquer que ces outils ont vocation à passer au marché de masse. Ce qui signifie que la chaîne du livre ne pourra faire longtemps l'économie d'une adaptation à cette manière d'acheter et de lire des livres.
En ces premiers jours de janvier, c'est Numérama qui s'y colle, commentant le refus du Ministère de la Culture et de la Communication de lancer un chantier de refonte du droit d'auteur. Il ne manque pourtant pas d'analyses (celle de Lionel Maurel sur NonFiction, par exemple) qui démontrent que le contrat actuel n'est pas adapté aux fondamentaux de l'édition numérique. Ainsi que le souligne l'article de Numérama, son paradigme même est celui de la production d'exemplaires papier et lie à cette dimensions toutes les obligations incombant à l'éditeur. Il n'est alors pas très étonnant dans ce contexte que les éditeurs préfèrent l'existant, toute réforme étant de nature à les obliger à rendre des services plus substantiels aux auteurs, sans parler de la disjonction des droits d'exploitation physique et numérique du texte.
Pour autant, je ne suis pas non plus persuadé que la voie législative soit actuellement la plus adaptée. Pas plus, d'ailleurs, que la négociation interprofessionnelle, d'ailleurs : le terme, en France, exclut quasiment par principe les acteurs les plus importants du marché (Amazon, Google, Apple), conçus comme extérieurs à l'interprofession du livre et comme une menace plutôt que comme de nouveaux partenaires difficilement contournables. De fait, je suis assez sceptique sur la capacité de l'interprofession du livre à aboutir à une proposition convaincante sur la question des droits d'auteur et de la répartition des recettes. Sous une efficace unité de façade, le secteur présente en effet de nombreux clivages et les pratiques commerciales sont souvent éloignées de l'image de défense de la culture et d'attachement au circuit traditionnel du livre.
De ce fait, je m'attends plus à des évolutions poussées par la pression des acteurs extérieurs, en position d'inciter les auteurs qu'ils veulent attirer à ne pas accorder aux éditeurs traditionnels de droits numériques sans compensations supplémentaires substantielles et proposant d'eux-mêmes des conditions d'exploitation de ces droits. De fait d'ailleurs, le secteur de la bande dessinée n'a pas attendu pour se lancer dans la pratique de tels accords plutôt que d'attendre une hypothétique unanimité du secteur aux intérêts, au fond, bien divergents.
À mon sens donc, le point de rupture arrivera au moment où de nouveaux acteurs mettront en place des offres strictement incompatibles avec les principes de 1957 (par exemple en proposant des possibilités d'édition en continu du texte sans en référer systématiquement à l'auteur) qui mettront en évidence l'impossibilité d'appliquer ce cadre à un livre numérique non strictement homothétique du livre papier. Il n'est pas impossible que nous voyions cela arriver dès cette année.
Publié le mardi, janvier 4 2011, par Mathieu P. dans la catégorie : Économie de la culture - Lien permanent
Commentaires
mardi, janvier 4 2011
19:23
Merci ! Bonne année à vous aussi ! :)
J'ai survolé au café ce matin (dans Le Figaro, j'crois bien) que les tablettes en question n'ont pas eu en France le succès escompté en matière de ventes pour Noël par rapport aux "prévisions". En même temps, j'accorde assez peu d'intérêt à ce genre d'information... (Il se trouve qu'en la matière le Père Noël m'a laissé une très bonne surprise cette année dans mes souliers, qui m'a permis d'apprendre qu'il existe non seulement une "App" iBooks pour mon nouveau gadget-joujou (dont un petit survol de l'offre proposée m'a déçu, à première vue), mais aussi une "App" Kindle et une "App" Fnacbook ! Si vous connaissez d'autres "Apps" pour des livres numériques, je suis preneur !)
Je partage votre analyse sur ce qui nous attend dans un futur proche quant à l'impulsion qu'on peut attendre de "nouveaux entrants" dans l'industrie en question. À suivre...
— Moggiomercredi, janvier 5 2011
15:36
Le quotidien Libération disait à peu près la même chose ce matin quant au succès des tablettes à Noël en France.
— Moggiojeudi, janvier 6 2011
10:56
En termes d'applications, j'utilise sur mon téléphone portable Aldiko, qui est très configurable et m'a permis de lire sur un très petit écran des livres d'une longueur certaine (Moby Dick, par exemple).
— Mathieu P.