En ces premiers jours de janvier, c'est Numérama qui s'y colle, commentant le refus du Ministère de la Culture et de la Communication de lancer un chantier de refonte du droit d'auteur. Il ne manque pourtant pas d'analyses (celle de Lionel Maurel sur NonFiction, par exemple) qui démontrent que le contrat actuel n'est pas adapté aux fondamentaux de l'édition numérique. Ainsi que le souligne l'article de Numérama, son paradigme même est celui de la production d'exemplaires papier et lie à cette dimensions toutes les obligations incombant à l'éditeur. Il n'est alors pas très étonnant dans ce contexte que les éditeurs préfèrent l'existant, toute réforme étant de nature à les obliger à rendre des services plus substantiels aux auteurs, sans parler de la disjonction des droits d'exploitation physique et numérique du texte.

Pour autant, je ne suis pas non plus persuadé que la voie législative soit actuellement la plus adaptée. Pas plus, d'ailleurs, que la négociation interprofessionnelle, d'ailleurs : le terme, en France, exclut quasiment par principe les acteurs les plus importants du marché (Amazon, Google, Apple), conçus comme extérieurs à l'interprofession du livre et comme une menace plutôt que comme de nouveaux partenaires difficilement contournables. De fait, je suis assez sceptique sur la capacité de l'interprofession du livre à aboutir à une proposition convaincante sur la question des droits d'auteur et de la répartition des recettes. Sous une efficace unité de façade, le secteur présente en effet de nombreux clivages et les pratiques commerciales sont souvent éloignées de l'image de défense de la culture et d'attachement au circuit traditionnel du livre.

De ce fait, je m'attends plus à des évolutions poussées par la pression des acteurs extérieurs, en position d'inciter les auteurs qu'ils veulent attirer à ne pas accorder aux éditeurs traditionnels de droits numériques sans compensations supplémentaires substantielles et proposant d'eux-mêmes des conditions d'exploitation de ces droits. De fait d'ailleurs, le secteur de la bande dessinée n'a pas attendu pour se lancer dans la pratique de tels accords plutôt que d'attendre une hypothétique unanimité du secteur aux intérêts, au fond, bien divergents.

À mon sens donc, le point de rupture arrivera au moment où de nouveaux acteurs mettront en place des offres strictement incompatibles avec les principes de 1957 (par exemple en proposant des possibilités d'édition en continu du texte sans en référer systématiquement à l'auteur) qui mettront en évidence l'impossibilité d'appliquer ce cadre à un livre numérique non strictement homothétique du livre papier. Il n'est pas impossible que nous voyions cela arriver dès cette année.