Blog of Trust
Jean-Édouard, qui est plus au fait de l'actualité des blogs que moi (euphémisme) m'a fait part de ses craintes quant à la qualité moyenne de la blogosphère économique. De fait, il se passe rarement une semaine sans qu'un de nos cobureaux nous signale un billet ou un blog prétendant « expliquer » l'économie du haut de sa totale ignorance en la matière. La mauvaise monnaie serait-elle en train de chasser la bonne ?
Quelque part, je me dis que j'aurais dû m'attendre à un tel phénomène. Pour en revenir à une de mes marottes, les éditeurs n'existent pas par hasard, mais parce que l'offre de manuscrits est plusieurs ordres de grandeur supérieure à la capacité du marché, et que la quasi-totalité des manuscrits en question sont d'une nullité à peu près totale. Il n'y a pas de raison pour qu'il en aille différemment avec les blogs. Donc, à un moment donné, on devrait voir émerger un agent qui proposera un service de tri dans cet offre.
À ce point, je me dis qu'il doit y avoir un moyen de s'en tirer par nous-mêmes (on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, n'est-ce pas), sur le modèle du Web of trust. Autrement dit, il s'agit de trouver un signal qui permettrait d'identifier les blogs considérés comme sérieux ou intéressants par une personne dont le sérieux est lui-même connu, et se déplacer le long d'une telle chaîne. La solution directe serait un système de recommandations (sous formes d'étoiles, au hasard), qu'on appliquerait à un blog donné. Cela semble assez difficile à mettre en place : pour qu'un blog ne puisse pas usurper une recommandation, il faudrait que celle-ci soit authentifiée d'une manière cryptographiquement sûre, ce qui amène à une artillerie assez lourde de clefs PGP et autres dont je doute qu'elle puisse être déployée dans le court terme.
De ce fait, chacun ne dispose à court terme que d'instruments hébergés sur son propre blog. À commencer par la blogroll, évidemment. D'où une question que je pose à mes lecteurs : pensez-vous du système de recommandation suivant : je m'engage à ne mettre dans ma blogroll que des blogs dont je pense qu'ils sont de très bonne qualité, et je signale sur mon blog ? Cela vous semble-t-il faisable ? Robuste ?
Publié le jeudi, juin 11 2009, par Mathieu P. dans la catégorie : General - Lien permanent
Commentaires
jeudi, juin 11 2009
20:16
On peut lire un billet, ou est-ce une communication entre vous deux ?
— gedeSur le fond, je suis d'accord avec toi, même si je ne comprends pas bien pourquoi, dans le cas des livres, tu penses que cela passe par des éditeurs ou des librairies (si je me souviens bien de tes billets passés) : il me semble qu'un modèle entièrement neuf de signalement de la qualité est possible.
Il me semble d'ailleurs qu'il est déjà en partie à l'uvre : je tombe rarement sur de mauvais blogs, puisque je vais de blog en blog, à travers les hyperliens et les blogrolls. En partant d'un bon site, on retombe généralement sur de bons sites !
Mettre un site en blogroll, ou en lien, c'est opérer un processus de signalement, non ?
jeudi, juin 11 2009
20:37
je suis d'accord. Sinon le marché va disparaitre, c'est la leçon de notre père G.Akerlof. Il faut pallier au problème en se signalant (M.Spence)...Donc d'accord avec vous...Evidemment des suggestions venant de partout peuvent toujours conforter votre opinion ou la changer...
— MacroPEDjeudi, juin 11 2009
20:55
Que dire de blogs en inactivité?
— MacroPEDjeudi, juin 11 2009
22:36
Ce n'est pas une si mauvaise idée. Cependant quelques interrogations me viennent à l'esprit. Sachant que les blogs français sont assez restreints, que Econoclaste est pour le moment la pierre angulaire de ces blogs, sachant que les auteurs de blog tendent souvent à très bien se connaître; peut-on ne pas y voir une contrainte d'insider/outsider? Je veux dire, Econoclaste s'entend très bien avec Gizmo, qui poste à sa convenance et assez rarement depuis certains mois, ce même Econoclaste qui s'entend avec mafeco qui s'entend avec vous-même: peut-on s'attendre à ce que la sélection soit si rude que ces 5-10 blogs éclipsent les autres blogs désireux de trouver des visiteurs à leur compte? Dans votre cas et lisant votre blog depuis pas mal de temps je pense bien que cette sélection ne devrait pas tenir cet objectif mais peut-on l'exclure pour autant? Par exemple, les liens économiques du site renvoient à 8 blogs d'économie, ce sont souvent les mêmes cités ailleurs alors que pourtant beaucoup d'autres blogs existent. Je pense que ça pourrait poser problème car imaginer que Econoclaste refuse de soumettre un blog, pensez-vous sincèrement que ce dernier arrivera à percer?
— romainCette barrière à l'entrée est une suggestion, je pense bien que votre site n'est pas touché par mes critiques d'autant plus que vous précisez bien que l'actualité des blogs n'est pas votre principal intérêt.
Enfin, en tant que lycéen en terminale ES les blogs sont pour moi une manière d'apprendre l'économie. Aussi votre billet m'intéresse particulièrement car il m'avertit des risques d'être trop naïf. Le problème est que je ne sais pas quel blog ou quel billet est à l'origine de votre discussion? Je pense exclure mafeco, econoclaste ou ecopublix qui me semblent très serieux.
vendredi, juin 12 2009
16:17
Cette discussion est intéressante. Je me pose une autre question : dans la mesure où le blog est une forme nouvelle d'expression qui n'a pas forcément de modèle unique, pas de format imposé, les billets peuvent, si le posteur n'est pas lui-même rigoureux, varier en qualité. Comme le nombre de visiteurs est, je pense, corrélé avec la fréquence de publication, on peut être amené à poster souvent pour garder son "lectorat" sans toujours avoir le temps de soigner la qualité. En cela il est vrai que la mauvaise monnaie chasse la bonne.
— Pierre MCe qui serait intéressant de savoir c'est si les blogs de qualité, tels celui-ci et les 8 qu'on trouve dans la blogroll par exemple, reçoivent plus de visites du fait qu'ils sont référencés dans les blogrolls, ou bien par la recherche sur moteur de recherche. Si les visites émanent des liens, alors on peut penser que l'effet de réseau l'emporte, au détriment des nouveaux, mais en faveur de la qualité. En même temps, un nouveau de qualité ne tarde pas à être reconnu par les autres et à se faire intégrer dans les listes... donc comme en économie, il s'agit de savoir quel effet prend le pas sur l'autre.
dimanche, juin 14 2009
12:41
D'accord avec Gede : en suivant les liens des blogs que je apprécie je tombe rarement sur des blogs inintéressants.
— FourminusJe note d'ailleurs que vous même ne connaissez pas personnellement ces "mauvais" blogs puisqu'il a fallu que d'autres vous signale ce danger.
Enfin attention à ne pas verrouiller l'espace de liberté qu'est internet. Tout post peut receler sa part de vérité, d'intérêt, de questionnement des savoirs établis...
Alors : vive la liberté !
dimanche, juin 14 2009
15:38
Fourminus : vous notez abusivement. Il n'est pas très difficile de trouver sur ce blog même au moins un billet où je parle de tels blogs. Si je ne cite personne, c'est que je n'aime pas clouer les gens au pilori.
Par ailleurs, je n'empêche personne de dire n'importe quoi, même si je pense qu'il existe des posts qui n'ont aucun intérêt, et qui ne font que faire perdre du temps à ceux qui les lisent, quand ils ne les induisent pas en erreur.
— Mathieu P.lundi, juin 15 2009
21:05
@Fourminus : votre inquiétude sur la liberté du Net est légitime, néanmoins penser a priori que permettre à n'importe qui de publier n'importe quoi et d'appeler ça de l'économie restera sans conséquences néfastes me semble d'un optimisme légèrement naïf. De mon point de vue peut-être réactionnaire, en économie tout post ne recèle pas une part de vérité, et le questionnement des savoirs établis est souvent le fait de gens qui n'ont au mieux qu'une idée très vague de ce que peuvent être ces savoirs.
— J-ELes blogs qu'on peut trouver sont animés par des personnes très différentes, d'abord par leur formation (universitaires / économistes dilettantes mais avec une certaine culture économique / buses complètes qui pensent tout savoir sans avoir jamais étudié l'économie...) et ensuite par leur but (transmettre des connaissances ou des idées, motivation obscure / avoir plein de lecteurs pour se sentir important / faire de la propagande...). Il en va de même pour les lecteurs : certains veulent s'informer ou sont intéressés par l'économie, d'autres cherchent des blogs qui disent ce qu'ils veulent entendre.
Il faudrait idéalement que les lecteurs qui cherchent à s'informer trouvent les blogueurs qui cherchent à informer, et que ceux qui veulent des blogueurs qui les caresse dans le sens du poil trouvent des blogueurs qui cherchent juste à être lus par beaucoup de gens. Ce que l'on peut craindre, c'est que les "bons" lecteurs soient lisent des blogs qui racontent n'importe quoi en pensant qu'ils représentent la communauté des économistes, ou ne lisent aucun blog en sachant qu'ils ont des chances de tomber sur n'importe quoi.
Quant à la solution proposée, je ne sais pas du tout dans quelle mesure les lecteurs suivent les blogrolls. Je suis très flatté qu'Emmeline et moi soyons sur celle de Mathieu (on ne peut même pas me soupçonner de l'avoir forcé à le faire, vu son niveau en aïkido), mais tous les lecteurs y voient-ils le gage de notre sériositude ? Se méfient-ils de blogs qui ne sont pas dans les blogrolls ? Ce qu'il faudrait c'est probablement que le rôle des blogrolls soit plus clair : répertorient-elles des sites que l'hôte aime bien (y compris peut-être des blogs intéressants mais pas toujours très scientifiques) ou bien des blogs qu'il reconnaît comme sérieux (y compris peut-être des blogs qu'il trouve parfaitement inintéressants) ? Faut-il répartir en deux catégories ?
mardi, juin 16 2009
09:33
Il faut sans doute que je précise ici que je n'ai pas été très rigoureux dans la gestion de ma propre blogroll : elle ne contient pas des blogs que je suis et dont de pense beaucoup de bien, et inversement, elle contient des blogs que je ne lis plus.
— Mathieu P.mercredi, juin 17 2009
16:50
La question que je me pose, c'est en quoi ce problème de qualité est différent de celui que l'on rencontre dans les médias mainstream, dans lesquels on lit très souvent n'importe quoi en économie alors qu'ils disposent, en théorie au moins, de mécanismes de filtrage. Certes, n'importe quel pékin peut inventer sa propre théorie et la publier au monde entier sur internet, ce qu'il ne peut faire que plus difficilement dans les médias traditionnels. Mais le lecteur sur internet est sensé savoir ce genre de choses et faire preuve d'un peu plus de circonspection lorsqu'il est sur un blog. L'offre est une chose, mais que fait la demande? C'est à mon avis le plus important.
— econoclaste-alexandreD'expérience, les gens qui vont se référer à un blog vont commencer par essayer de savoir "qui parle". La section "qui sommes nous" est très lue chez nous (après les blagues). Les diplômes universitaires sont de ce point de vue considérés comme un gage de sérieux et jouent ce rôle de filtre. Il y a également une dimension "dialogue" : machin, bien doté en capital sérieux, cite truc, lequel dispose aussi d'un capital sérieux, cela conforte l'ensemble. Au passage, quand machin, considéré comme sérieux, se fait rabrouer par truc, considéré également comme sérieux, cela contribue à améliorer la connaissance, mieux que les "pour ou contre" qu'on trouve dans les MSM.
Ce qui manque à la blogosphère française, ce sont de grosses pointures qui bloguent et jouent ce rôle de sélection. C'est aussi le fait que l'économie soit de façon générale prise un peu plus au sérieux. Mais je vois mal une dynamique de la sous-qualité se mettre en place sur les blogs économiques, pour lesquels il est possible de trouver des mécanismes référents extérieurs (universitaire...); ce que l'on n'a pas par exemple pour les blogs politiques.
jeudi, juin 18 2009
11:02
Le fait d'avoir fait des cours d'info à des étudiants en économie m'incite fortement à ne pas trop me fier à la circonspection du lecteur moyen. J'en veux pour preuve la qualité abyssale des blogs de lecteurs publiés en première page du Monde. Les blogs « officiels » du Monde ne valent d'ailleurs guère mieux. J'en déduis que les compétences pour faire un filtrage pertinent ne sont pas assez répandues, ni dans le grand public ni dans les rédactions des différents médias. Ergo, tant que les économistes eux-mêmes n'auront pas en partie pris la chose en main, la mauvaise monnaie chassera la bonne. Pour moi, la dynamique de sous-qualité est déjà en place, et dépasse le domaine des seuls blogs.
Comme je le disais plus haut, la position universitaire est, en France, un indicateur assez peu fiable en matière d'économie. D'une part parce qu'il faut savoir si la personne parle de son domaine ou non, et surtout pour des raisons historiques : fut un temps où le contexte idéologique et la pénurie de vocation faisait qu'une thèse en exégèse du Capital suffisait pour avoir un poste universitaire, et à la longue être professeur. Le bon indicateur est, à mon sens, le CV de recherche, qui est beaucoup plus difficile à décrypter quand on n'est pas du domaine, et qui est inopérant pour ceux qui sont trop jeunes pour avoir un CV étoffé ou dont l'avantage comparatif est dans l'enseignement et la vulgarisation plutôt que dans la recherche.
Je sais que l'idée qu'il faudrait de grosses pointures pour faire cette sélection te tracasse depuis un moment. J'avoue ne pas être totalement convaincu, ne serait-ce que parce que les grosses pointures en question ont un coût d'opportunité de leur temps élevé (et donc autre chose à faire que de lire les blogs qui naissent régulièrement). Plutôt qu'une solution top-down (certification par une autorité qui pour l'instant n'existe pas), je préfère envisager une solution décentralisée : qui serait prêt à supporter le coût éventuel de dire « je ne lie pas untel parce que je pense qu'il raconte n'importe quoi » ? C'était là la motivation de ce billet.
— Mathieu P.