Dans un précédent billet, j'expliquais la réforme et les nombreux problèmes qu'elle pose. Je ne vais donc pas le refaire ici. Ce qui m'interroge aujourd'hui, c'est le très mauvais traitement de cette question par les médias.
Pendant tout le début du conflit, cet élément de revendication était tout simplement passé sous silence, occulté par la question du statut des EC. Il a fallu une grande réunion à la Sorbonne, organisée par les présidents d'universités, pour que les journaux se rendent enfin compte que cet élément était au moins aussi important que le statut aux yeux des grévistes. Le Monde a à la suite de cela fait paraître quelques articles, assez médiocrement informés, sur la réforme des concours, et suggéré qu'elle occupait une grande place dans la mobilisation. Depuis, peu de chose, si on néglige de lamentables reprises de communiqués ministériels parlant de « gestes » ou « d'avancées » quand, à la lecture de l'article, on se rend compte que ce qui est proposé est identique à ce qui avait été initialement avancé, à des détails cosmétiques près (mais si, on vous le dit, les journalistes vérifient leurs informations). Dans la même veine, le Direct Matin que j'ai trouvé dans le tram ce matin parle de la mastérisation en étant des plus laconiques sur les deux points qui posent problème : l'absence de vrai stage (jamais le nombre des stages proposés par le gouvernement n'est mis en relation avec le nombre - considérablement plus grand - de candidats aux concours) et l'abaissement des exigences disciplinaires. Apparemment, ailleurs, c'est pire. Les étudiants eux-mêmes, pourtant les premiers concernés dans certaines filières, sont tout aussi mal informés, malgré les nombreuses conférences à ce sujet organisées par les EC en grève active.
La seule explication que je trouve à l'heure actuelle est une forme de dissonance cognitive partagé par les journalistes et une partie de la population. Reconnaître que la formation et le recrutement des enseignant exige un niveau élevé de connaissances et de formations va à l'encontre de l'image commode de l'enseignant incapable et fainéant la plus souvent utilisée. J'imagine qu'il y a d'autres explications, bien plus convaincantes, ayant trait à la complexité du sujet au regard des contraintes de temps et de format des journalistes, mais je peine à comprendre comment elles peuvent conduire à négliger à ce point ce qui est depuis plusieurs semaines maintenant le ressort essentiel de la mobilisation des universitaires et un enjeu de taille pour toutes les personnes qui vont être concernées, directement ou indirectement, par le système scolaire dans son ensemble.
4 réactions
1 De bowyerte - 17/03/2009, 23:13
Peut-être y a t'il aussi un élément de réponse dans l'image que se font la plupart des gens des professeurs et des chercheurs. Je suppose que certain paramètres du métier d'enseignant (18h de cours par semaine, périodes de vacances importantes) couplés à des lacunes perçue dans leurs qualifications (notamment en ce qui concerne les évolutions de leur matière ou les outils informatiques) font qu'une part de la population les imagine fainéants et incapables. Ma mère, mon oncle et ma tante étant profs à différents niveaux, je sais que ce n'est généralement pas le cas.
A l'inverse, l'image du chercheur est souvent vue comme celle d'un petit génie sous payé dans un sous-sol d'un bâtiment du CNRS limite insalubre, en train d'inventer les technologies du futur. Cette image est alimentée par de nombreux reportages sur les conditions de travail de certains chercheurs et par le consensus général sur le manque de moyens malgré l'importance capitale de la recherche dans notre pays.
Ainsi, je pense que le biais de traitement des médias est plutôt dû à un soutien de l'opinion ou de la presse plus important du coté "chercheur" des enseignants-chercheurs, dont le statut et l'évaluation du travail de recherche reste la principale inquiétude aujourd'hui. La problématique des concours ou des niveaux de recrutement ne concernant que le coté "enseignant", ces questions passent donc au second plan car moins succeptibles d'amener l'adhésion.
2 De éconcolaste-stéphane - 18/03/2009, 00:40
Je pense qu'il y a là encore une manifestation sournoise de l'idée que le secondaire et le primaire prennent trop de ressources qui n'en valent pas la peine. Cela fait des années que le gouvernement va dans ce sens sans jamais oser le dire clairement.
Le problème, évidemment, c'est qu'on n'a pas d'assurances à ce jour que ce soit une bonne idée (ou une mauvaise).
3 De Passant - 18/03/2009, 12:32
Le débat de terrain sur l'école n'a jamais été aussi riche et dense que depuis internet, la familiarisation des enseignants avec ses techniques, et les revendications nombreuses et à peu près continues du corps enseignant depuis 2002, les nuits des écoles et autres débats. Et je parle bien d'un dialogue direct entre enseignants et parents.
Je crois du coup qu'il est très imprudent de parler de manque d'information du public. Ou de manque d'intérêt d'une fraction très significative de la population pour l'éducation, c'est à dire l'avenir de leurs enfants, c'est à dire le leur. Par exemple, je crois au contraire que le public dispose certainement d'une opinion bâtie sur la confrontation de très nombreux éléments dont certains jouissant d'une très grande autorité quand à l'apport du système de sélection des enseignants à la qualité de l'éducation reçue par leurs enfants.
4 De Passant - 18/03/2009, 16:57
J'admets bien volontiers qu'en ce qui me concerne, la lecture même très superficielle des manuels qu'on impose aux enfants dont je me fais un devoir de surveiller la scolarité me semble suffire à comprendre quel est le rôle de parent que le soin que j'ai à apporter à mon intérêt me dicte.
Mais il est vrai que je ne vois pas de raison de m'intéresser aux mécanismes de sélection ou de formation des enseignants puisque les enseignants dispensant l'enseignement aux élèves qui m'intéressent s'imposent à moi comme les programmes qu'ils subissent : dès lors, je perdrais du temps que je pourrai employer à des fins plus profitables à comprendre quelque chose auquel je ne peux rien changer.