À ma connaissance, un enseignant est, à l'heure actuelle, propriétaire du texte de son cours, protégé par le droit d'auteur. Un étudiant a naturellement le droit de prendre des notes, mais il ne peut ni les vendres ni les publier, puisqu'il s'agit d'une œuvre dérivant d'une œuvre elle-même protégée. La dissémination d'un cours est donc de facto reduite, le plus souvent à une université, voire à une division quand les cours sont assurés par des enseignants différents. Parallèlement, l'édition de cours, sous la forme de manuels (dont l'achat peut être plus ou moins imposé si l'étudiant veut avoir son examen), constitue un domaine d'activité non-négligeable pour les enseignants. Je parle là en termes de titres, n'étant pas sûr de la rentabilité de la chose. Le fait est, cependant, que pour un enseignant qui a fait un bon cours et à qui on propose de faire un manuel, l'essentiel du travail est déjà fait, et donc le rendement marginal du travail d'édition du cours important.

Au niveau de la collectivité, il y a une perte qui me semble assez évidente. Chaque enseignant fait son cours dans son coin, conduisant à une multiplication de l'investissement que cela représente par autant d'enseignants et parallèlement, les étudiants sont coincés entre le cours (gratuit) de l'enseignant, et le recours (payant) aux manuels. Voyant cela, l'économiste a envie soit de mutualiser les moyens, soit de trouver une manière de faire jouer la concurrence entre enseignants. La seconde option paraît difficile et très centralisatrice : il faudrait dessaisir les enseignants de la rédaction des sujets d'examen au profit d'un sujet unique, au détriment de la flexibilité apportée par la liberté pédagogique.

La perte doit être relativisée. Pour faire un bon cours, il faut s'approprier la matière. Tout chargé de TD sait combien il est difficile de faire un cours « clef en main » quand la manière de faire de l'enseignant diffère un peu de la sienne propre. Toutefois, on peut penser que la duplication du travail pour faire des cours de base ainsi que la baisse du coût d'accès pour les étudiants à du matériel pédagogique de qualité peuvent présenter un intérêt.

Plus fondamentalement, on pourrait se demander s'il n'est pas gênant par principe qu'on puisse recevoir une rémunération supplémentaire pour quelque chose qui procède d'une activité pour laquelle on est déjà rémunéré par la collectivité. Et de me prendre à imaginer une organisation de l'enseignement supérieur où les cours faits par les enseignants seraient statutairement sous une licence permissive, du type GFDL ou CC-BY-SA. De telles licences ferait que même si un enseignant ne veut pas ou ne se donne pas la peine de mettre son cours à disposition, les étudiants auraient toute latitude de le faire. Évidemment, cela passerait par une augmentation de la rémunération des enseignants (pour compenser en partie la perte des revenus liés aux manuels) ainsi qu'à un mécanisme d'incitations qui valoriserait une activité de production de matériel pédagogique.

Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas ce genre de raisonnement qui a incité le gouvernement américain à mettre dans le domaine public tout ce qui est produit par les agents de l'État fédéral.

Bon je rêve, je rêve, mais il me semble qu'à moyen terme, il n'est pas impossible que l'accès à des cours de qualité sous des licences libres soit la norme dans l'enseignement supérieur.

Si quelqu'un pense « chiche ! », qu'il aille voir ici (rubrique « Exercices »), ou .