Réussite en licence
Cette année, l'université dans laquelle je donne des cours a décidé de mettre en place un système de détection des étudiants en difficulté pour les orienter vers les mécanismes de tutorat. Une bonne idée, mais qui souffre de quelques problèmes d'implémentation.
L'idée de départ est intéressante. Partant du constat que les élèves les plus en difficulté ne bénéficient en général pas du système du tutorat, le responsable pédagogique de l'UFR a proposé une méthode pour les détecter le plus tôt possible dans le semestre, et les orienter vers ce système d'appui. Le moyen : au cours des trois premières séances de TD, les chargés de TD doivent relever toutes les préparation et les corriger, afin de fournir à la fois une incitation à préparer les TD et de repérer les étudiants qui n'ont pas les fondamentaux.
Certes, les blocages liés à la LRU ont perturbé ce dispositif, mais les discussions avec mes camarades ayant des TD au premier semestre font apparaître un effet induit assez négatif de la méthode choisie, ainsi qu'une limite. La limite réside dans le problème de relation : mis en face de leurs difficultés, les étudiants semblent d'autant moins enclins à aller voir les tuteurs que c'est un chargé de TD qui le leur conseille. Ils se sentent stigmatisés, et rejettent la faute sur l'enseignant, ou sur des facteurs extérieurs. Le fait de passer par les chargés de TD, plutôt que par un processus moins personnalisé, est probablement à ce niveau une erreur.
Erreur composé par le fait que cette méthode représente pour les chargés de TD un surcroît de travail considérable. Or, qui sont les chargés de TD de premier semestre de L1 ? Essentiellement des moniteurs, des ATER et des vacataires, autant dire des personnes dont l'activité d'enseignement est très peu, voire pas du tout valorisée, et n'ont aucune incitation à faire plus que le service minimum, tout temps consacré à l'enseignement étant autant pris sur leur thèse. Ceux que je connais se sont exécutés, ayant le sens du devoir, mais sont unianimes : l'an prochain, ils feront leurs TD au second semestre, dans le seul but d'éviter cette charge de correction. Autant dire donc que cette charge va retomber l'an prochain d'une part sur ceux qui n'auront pas eu la chance de trouver un enseignement au premier semestre, et surtout sur les entrants dans le système, les moniteurs de première année, donc ceux les moins à même de percevoir les difficultés auxquelles sont confrontées les étudiants, et qui connaissent le moins les dispositifs susceptibles de les aider.
La gestion d'étudiants qui ont besoin d'aide, mais ne connaissent pas les dispositifs, voire ne sont pas conscients d'avoir besoin d'aide est certainement une question à la fois importante et difficile. Mais je pense que les enseignants ont fait fausse route en faisant peser l'essentiel du poids du dispositif sur les « petites mains » du système universitaire. Une réunion sur le sujet à lieu bientôt. Je ne sais pas si je vais y assister, mais je me pose la question suivante : serait-il opportun de faire plutôt un « Bilan des acquis », sous la forme d'une épreuve passée par tous les étudiants la première semaine ? Il pourrait prendre une forme assez simple, un exercice de mathématiques, une question d'histoire économique contemporaine et un court commentaire d'un texte économique. Il prendrait donc peu de temps, et la charge de correction pourrait être étalée sur de nombreux correcteurs. L'harmonisation ne serait pas un problème, puisque lle seul but serait de repérer les étudiants qui ne maîtrisent pas les bases nécessaires. Éventuellement, le commentaire pourrait être remplacée par une question économique portant sur des documents distribués en début de semaine, l'épreuve ayant lieu quelques jours plus tard (on repère ainsi les étudiants qui n'ont pas compris l'importance du travail personnel).
Que pensez-vous de cette idée ?
Publié le mardi, février 5 2008, par Mathieu P. dans la catégorie : Enseignement - Lien permanent
Commentaires
mardi, février 5 2008
17:21
Ce serait une stratégie de type "enseignement secondaire". Ce que tu décris est un équivalent fonctionnel des tests qui se remplissent à l'entrée en sixième pour repérer les élèves qui vont nécessiter plus d'efforts (alternativement, les tests servent également à justifier le redoublement lorsque les parents râlent dans le privé).
— Fr.L'orientation intra-diplôme n'est plus le fait des enseignants dans le supérieur, les étudiants sont priés de s'auto-diagnostiquer. Je ne connais pas les raisons de ce ''rationale'', je sais simplement qu'il s'applique. Pour ma part je prie pour n'avoir jamais à dire à un étudiant de reprendre un cours dans l'année inférieure, voire le diplôme inférieur.
mardi, février 5 2008
19:25
J'aime assez votre idée. Cependant, elle semble s'adresser clairement aux ex-élèves de ES, alors que vous avez probablement vraiment de tout dans un 1er semestre de L1 d'AES ou éco... une épreuve adaptée à chaque public, peut-être ?
— Emmelinejeudi, février 7 2008
08:01
Je trouve l'idée assez bonne mais ne suis pas d'accord avec Emmeline : teste-t-on les connaissances ou teste-t-on les capacités des étudiants ? Les pré-requis en L1 ne sont pas forcément de s'y connaitre sur les auteurs ou sur les mécanismes de formation des prix... bref, moi je pense que pour juger "objectivement" les étudiants doivent être traités de la même manière...
— Aalexandremais c'est sur un autre point que je voudrais revenir.... l'arbitrage entre les td répartis sur l'année entière ou concentrés au second semestre : ayant été tour à tout vacataire puis ATER (pas la chance d'avoir été moniteur), j'ai toujours eu a effectuer un service complet de 96 heures. J'ai testé également les deux possibilités : répartir ces 96 heures sur l'année entière (soit 2 fois 45 heures plus 6 heures d'exam et correction) ou concentrer sur un semestre pour cause de terrain en Afrique.
Et bie nje dois dire que la seconde solution est très difficile à gérer : plus de temps pour la thèse, on est submergé de travail.
Alors je pense que la première explication est "fausse" (si je puis me permettre) : li est irrationnel de refuser de faire ces évaluations pour cause de surcharge de travail (ce qui en soi est vrai) en regards à la surcharge de travail quand les cours sont concentrés au second semestre...
Sinon l'initiative du directeur d'UFR va dans le très bon sens !
alex
jeudi, février 7 2008
11:32
oui vu sous l'angle du moniteur la rationalité est plus évidente...
— Aalexandrepar contre la-dessus je suis plus réservé : "Il pourrait prendre une forme assez simple, un exercice de mathématiques, une question d'histoire économique contemporaine et un court commentaire d'un texte économique."
enfin je me demande ce que tu cherches à mettre en évidence ? une question d'histoire économique contemporaine est biaisé comme le dit Emmeline : les S ou les STT ne sont pas forcément au courant du plan de rigueur de Mauroy au début des années 1980 ou des conséquences sociales desastreuses du thatcherisme en Angleterre...
Je pense donc que ce n'est pas le niveau de connaissance qui pêche mais un problème plus systémtique de compétences et de capacités à l'apprentissage. Il se peut qu'un étudiant sortant de ES réussisse bien la question d'histoire mais qu'il soit incapable de faire une dissertation... et là tu ne le détectes pas ...
jeudi, février 7 2008
12:45
et que penser d'une remise a niveau en septembre ?
— Aalexandrejeudi, février 7 2008
13:30
Non mais sinon dès le mois de septembre, on organise un "examen" avec les pré-requis nécessaires à la compréhension de la premiere année de licence d'éco puis on intègre les plus mauvais étudiants dans des tutorats
— Aalexandrejeudi, février 7 2008
15:02
Il me semble qu'il existe une solution plus économique que la création d'un examen à l'entrée à l'université : s'appuyer sur les résultats obtenus au Bac pour identifier les élèves les plus en difficulté.
— Overzelusjeudi, février 7 2008
16:02
bon ca n'a rien à voir mais si déjà les CIO au lycée faisait leur job on aurait moins d'étudiants uqi n'ont rien a faire en fac... et si les BTS et IUT n'était pas trusté par des étudiants qui raccrochent les wagons des études longues, ils pourraient absorber cette quantité d'étudiants qui n'ont rien à faire à la fac...
— Aalexandredonc la sélection à l'entrée ne servirait à rien si on pré-sélectionnait plus tôt et si on orientait efficacement et intelligemment...
jeudi, février 7 2008
21:55
En même temps, si on pousse votre idée au bout, à la place d'un tutorat on fait des cursus différents adaptés et pour trier les étudiants on étudie leur dossier ou on leur fait passer des épreuves.
— WilliamJe ne suis pas du tout contre, mais il faut l'assumer, ça s'appelle la sélection et la hiérarchisation des établissements ;-)
jeudi, février 7 2008
23:57
Dites, Overzelus, je sais que vous avez passé du temps de l'autre côté de la Manche, mais faut arrêter de vous croire en Irlande ! (sérieusement, je suis d'accord avec vous).
— EmmelineMathieu, je suis certaine que les universités ont accès aux résultats du bac : il faut fournir sa "collante" afin de pouvoir s'inscrire dans l'enseignement supérieur. En revanche, comme elles n'ont pas le droit de refuser l'inscription, l'effet est le même pour la sélection stricto sensu...