Mais qu'allais-je faire dans cette galère ?
Il y a quelques temps, j'ai été invité pour faire une conférence d'une heure sur le thème de l'exception culturelle dans le cadre d'un événement artistique. Comment ils en sont arrivés à me contacter est assez anecdotique (mais pas inintéressant dans le contexte), le tout est que j'ai accepté. J'ai donc pris ma plus belle plume, lu les chapitres pertinents du Handbook of the Economics of the Arts and Culture, relu Richard Caves et les incontournables Économie de la culture et Les Dérèglements de l'exception culturelle de F. Benhamou (merci au passage à SM pour cette note), et pondu ceci. J'avais conscience de ne pas arriver en terrain conquis, et de jouer le méchant économiste de service. Ce à quoi je ne m'attendais pas, c'était à la présence dans la salle de l'intervenant suivant, Yann Moulier-Boutang.
J'avais pourtant tenté de mettre de l'eau dans mon vin : les chapitres du Handbook étant à mon goûts très orientés par une aversion à l'intervention publique, j'avais préféré citer les analyses de Françoise Benhamou, que je pensais plus consensuelles. Sachant également que Pierre-Michel Menger était loin de faire l'unanimité, j'avais également abordé seulement de biais son argumentaire. Cependant, arrivé à la moitié de mon exposé, je ne peux m'empêcher de remarquer une personne dans la (petite) salle qui manifeste bruyamment sa franche désapprobation, en particulier dès que je parle d'abus du statut des intermittents du spectacle ou de recours au marché comme mode de régulation des marchés de l'art.
Vient donc le moment des questions. Enfin, questions, c'est beaucoup dire : à part des accusation de naïvetés, d'erreurs grossières et d'accusation de n'être là que suite à une intolérable méprise de la part des organisateurs, je n'arrive pas à extraire de cette personne le moindre argument. Heureusement, la parole passe d'abord à un plasticien, qui me fait à juste titre remarquer que mon exposé manque d'une définition précise du statut d'artiste. C'est en effet un problème en soi, et je me suis servi comme proxy pour la France du statut des intermittents, qui effectivement laisse de côté les plasticiens. Il me fait également une remarque sur le côté nécessairement idéologique de toute démarche, ce à quoi je n'ai guère de réponse sauf à dire que le biais de l'économie est sans doute de vouloir faire confiance au choix individuel. Réagissant à la critique de l'évaluation des politiques culturelles à l'aune de leurs retombées économiques locales, un programmeur du secteur culturel me fait à juste titre remarquer que ce que j'en dis (c'est un indicateur pauvre, l'essentiel des retombées profitant à un tissu culturel beaucoup plus large) est inaudible pour un élu local. Il a parfaitement raison, et je n'ai pas eu la présence d'esprit de signaler que la conséquence logique de cela était qu'il y avait probablement une trop grande décentralisation des financements de la culture.
Reste à savoir qui est donc ce contradicteur qui me juge si naïf qu'il ne trouve pas utile d'argumenter sa position. Seule solution : rester écouter son exposé. Il s'agit donc de M. Yann Moulier-Boutang, dont j'avoue ne jamais avoir entendu le nom. À l'écoute de son exposé, je m'apaise quelque peu : manifestement, toute personne ne partageant pas son opinion se voit immédiatement gratifié d'un épithète sonore, « imbécile » étant sans doute le plus flatteur. Je dois donc avouer que me trouver mis dans le même sac que Jean Tirole ou Daniel Cohen, fût-ce pour être parmi les naïfs qui croient dans la recherche économique orthodoxe, n'est pas pour me déplaire. Car en effet, Y. Moulier-Boutang se révèle très rapidement être un spécimen de choix de ce que l'hétérodoxie (il refuse ce qualificatif, naturellement, se désignant comme hétérodoxe par rapport aux hétérodoxes, comme la plupart des autres hétérodoxes d'ailleurs) à la française abrite dans ses universités.
À vrai dire, et je l'ai pourtant suivi avec attention, je serais bien en peine de dire en quoi consistait le propos de son exposé (le fait qu'il n'ait pas jugé utile de le communiquer par avance aux organisateurs ne m'a pas aidé). Passant sur les trois quarts de l'exposé, qui révélaient une culture certaine de l'histoire des technologie de réseau et des idées sur l'écologie beaucoup plus discutables, mais n'avaient guère de rapport ni avec le sujet, ni entre ses différents éléments, je pense que l'essentiel de son propos était le suivant : les technologies de mise en réseau entraînent l'apparition d'externalités issues des relations entre utilisateurs de ces technologies (et pas entre utilisateurs et producteurs, ou entre producteurs). Si une partie de ces externalités sont capturables par les entreprises détenant les plates-formes (Google), une large partie leur échappe. De ce fait, pour ne pas tuer la poule au œufs d'or, le « capitalisme cognitif » conduirait à un effondrement des structures de la propriété intellectuelle et de la production matérielle dans les pays développés, la Chine servant d'atelier gigantesque pour une Europe toute entière dédiée à la production d'idées. Bref, le Grand Soir, sauf pour les Chinois.
À ce point, j'ai compris que le dialogue entre nous était tout simplement impossible. De mon point de vue, il est passé à côté de plus de trente ans de recherche en économie, et comme la plupart des hétérodoxes, juge l'économie mainstream à l'aune de ce qu'elle était au moment de sa formation. En effet, l'économie des réseaux ainsi que la littérature sur les marchés bifaces ont montré comment les outils de l'économie mainstream permettaient d'analyser les ressorts de relations économiques fondées non pas sur l'échange de biens matériels, mais sur l'existence d'externalités liées à la mise en relation d'un grand nombre d'agents par l'intermédiaire de plates-formes ou de réseaux décentralisés. Du coup, je trouve son argument d'un changement radical entre le capitaliste industriel et le capitalisme de la connaissance absolument pas convaincant. Son exemple favori, par exemple, était la journée de liberté laissée par Google à ses salariés. Mais à y réfléchir, en quoi cette journée est-elle différente de celle laissée par Toyota, emblème du capitalisme matériel, à ses salariés dans les années 1980 ? Ou encore en quoi n'est-elle pas simplement expliquée comme une forme de salaire d'efficience, prime destinée à fidéliser les salariés dans un marché où le turn-over est rapide, et où on veut éviter que les salariés n'exportent dans les autres entreprises les méthodes qui font le succès de celle dans laquelle il travaille ? Pour moi, il réinvente donc la roue, et tant qu'à faire décide qu'elle sera carrée. De son point de vue, je représente une école de pensée pétrie d'idéologie méchante-libérale, attachée comme une moule à son rocher à des notions de propriété ou à des concepts de distinction obsolètes, incapable de penser la complexité des situations réelles.
Comme le corbeau de La Fontaine, me voilà donc à jurer, un peu tard, qu'on ne m'y reprendra plus. Pour ceux que cela intéresse, voici le texte de mon intervention.
Publié le dimanche, février 17 2008, par Mathieu P. dans la catégorie : Economistes - Lien permanent
Commentaires
mardi, février 19 2008
10:40
Sur votre mésaventure, permettez-moi de vous conseiller - très humblement - de ne pas perdre trop de temps dans ce type de conférence réunissant des professionnels et quelques chercheurs. Je crois savoir que vous êtes en études doctorales. Concentrez-vous peut-être plutôt sur vos investigations doctorales en y consacrant la majeure partie de vos temps et énergie... Il ne s'agit pas bien sûr de vous couper du monde mais plutôt de vous demander si ce type de conférence vous sera vraiment utile aujourd'hui pour améliorer la qualité de vos recherches. Attention ! il ne s'agit que d'un conseil, disons, amical ; merci de ne pas le prendre mal... En complément, et dans le même registre de conseil amical, ne vous laissez pas impressionner par certaines réactions de professionnels aux intérêts bien compris et qu'ils cherchent à faire (mieux) entendre. À ce sujet, vous connaissez sans doute la citation attribuée à Upton Sinclair : "It is difficult to get a man to understand something when his salary depends upon his not understanding it."
— MoggioSur Pierre-Menger Menger, n'est-il pas regrettable d'avoir "abordé seulement de biais son argumentaire" ? Son analyse du "problème des intermittents" n'est-elle pas la seule analyse économique solide du sujet, en mobilisant notamment nombre d'outils de l'analyse économique (offre, demande, théorie des contrats, information imparfaite, etc.) et même s'il n'y a pas de modèle théorique proprement dit ? Bien que sociologue, c'est un chercheur qui a vraiment pris le temps de maîtriser ces outils pour mieux expliquer ce qu'il observait sur le sujet. Et je sais qu'il a déjà dit regretter de n'avoir pas plus étudié l'économie de manière générale. On peut bien sûr se demander si sa "solution" au "problème des intermittents" est suffisante ou parfaitement adaptée au problème mais c'est, je crois, un (vrai) chercheur de qualité dans le domaine de l'économie culturelle.
Sur la question des abus du système d'indemnisation chômage des "intermittents" (unique au monde, je crois bien !), il en existe évidemment pour tout système d'indemnisation chômage. La question est plus de connaître l'ampleur (relative) de ces abus par rapport au volume d'abus qu'on peut "logiquement" attendre d'un système d'indemnisation. L'autre question est de savoir jusqu'au peut-"on" accepter de voir se creuser le déficit concernant ce régime d'assurance chômage.
Sur le "recours au marché comme mode de régulation des marchés de l'art", même chose : c'est une bonne observation de votre part. Là aussi, ne vous laissez pas impressionner ! Vous connaissez le livre de William D. Grampp publié en 1989 (Pricing the Priceless), celui de Tyler Cowen publié en 1998 (In Praise of Commercial Culture) dont une partie traite de la peinture occidentale au cours des derniers siècles (passionnant !), et vous avez peut-être lu l'intéressant entretien dans Télérama du sociologue Alain Quemin, spécialiste des marchés de l'art, en octobre 2007... Ces point de vue seront bien sûr taxés de "libéraux" voire d'"ultralibéraux" par ceux qui trouveront des bénéfices intellectuels, émotionnels et/ou matériels à l'affirmer, mais ces points de vue méritent d'être connus et, je crois, diffusés.
Sur la question des retombées économiques locales d'un équipement ou d'un événement culturel, la question est bien sûr ici celle du territoire que l'on choisit pour faire l'analyse : la ville ?, l'agglomération ?, le canton ?, le département ?, etc., sachant qu'il est probable qu'un coefficient multiplicateur sera plus faible pour une petite zone qu'une plus grande car, généralement, une zone plus petite tend à ne pas bénéficier d'interdépendances sectorielles suffisantes pour faciliter la rétention des sommes non locales dépensées durant le "premier tour" de dépenses.
Je ne connais pas Yann Moulier-Boutang mais pense que de se retrouver "dans le même sac que Jean Tirole ou Daniel Cohen" est tout à votre honneur ! Et votre rapide analyse de ce que cet économiste a pu dire au cours de cette conférence me fait me ranger - à première vue - de votre côté !
Je vais tenter de lire vos onze pages... et vous ferai peut-être part de mes observations, si j'en ai le temps...
mardi, février 19 2008
11:15
Bonjour,
— Heu...Je ne connais pas non plus ce Mr. Moulier-Boutang et, à première vue, cela à l'air d'être un clown. Je rejoins également le premier intervenant sur l'intérêt de ce genre de conférence et sur la qualité des débats qu'il peut en ressortir. C'est vrai qu'il est une bonne chose que les économistes sortent de leur "tour d'ivoire", mais je ne suis pas sur qu'il y ait un véritable retour sur investissement.
Je voulais intervenir sur l'idée qu'il y a en filigrane dans ce post : le caractère piteux de l'hétérodoxie française. Premier élément : je ne pense que ce monsieur soit très représentatif puisque, manifestement, il se considère comme outsider parmis les outsiders. S'il est vrai que les hétérodoxes ont des débats parfois virulents entre eux, ces querelles de chapelle n'empêche pas la production de travaux parfois intéressant. Du reste, il me semble plutôt sain qu'il y ait des débats au sein d'un paradigme.
Deuxième point : l'hétérodoxie ne se limite pas à l'hétérodoxie française. Il y a quelques très bons économistes hétédoxes français (Orléan, Boyer, Aglietta, Coriat et quelques autres). Maintenant, soyons clairs, la grande majorité des travaux hétérodoxes de qualité se trouvent dans le monde universitaire anglo-saxon. Et, contrairement à ce que l'on pourrait croire, certains des travaux hétérodoxes provenant de ces contrées ne sont pas véritablement coupés du mainstream. Non pas qu'ils adoptent les mêmes principes méthodologiques ou que les thèses défendues soient communes, mais il y a l'émergence de véritables objets d'études communs qui permettent l'instauration de débats fertiles. C'est notamment le cas en théorie de la firme ou en analyse institutionnelle.
Je pense qu'il est donc nécessaire de nuancer l'image très marginale (et farfelue) que vous donnez de l'hétérodoxie.
mardi, février 19 2008
11:19
Je précise juste ma dernière phrase qui n'est pas claire : les termes de "marginale" et "farfelue" s'appliquent à l'hétérodoxie bien sur, pas à l'image que vous en donnez (je ne me permettrais pas).
— Heu...mardi, février 19 2008
18:02
Quelques rares observations, en vrac :
— MoggioSur les "arguments consensuels" :
Sur votre point 2.1.1, je ne suis pas sûr de bien comprendre... : parlez-vous ici de biens (culturels) sous tutelle (merit good) pour lesquels les pouvoirs publics chercheraient à encourager la consommation ? Dans l'affirmative, n'êtes-vous pas alors sorti de l'économie car l'argument (paternaliste) des biens sous tutelle n'est pas un argument économique et repose sur un jugement de valeur ?
Même sentiment pour le point suivant (2.1.2). Êtes-vous bien ici dans le registre de l'équité ?
Pour le point 2.1.3, il y a ici un argument (global) économique avec l'existence supposée de ces valeurs doption, de legs, etc., valeurs qui viennent compléter (s'ajouter à) la demande globale privée, d'où motif a priori à la subvention publique, lorsque la "vraie" demande globale (complète) est prise en compte dans l'analyse en termes de bien-être social. L'argument a toutefois été critiqué par des économistes comme W. Grampp (1989, dernier chapitre) et A. Peacock, (Fiscal Studies, 21, 2 2000) et les éléments empiriques disponibles pour fonder sa pertinence sont assez rares.
La partie 3 reprend une partie de l'analyse de Fr. Benhamou dans son dernier livre publié en octobre 2006. Un reproche qu'on peut lui faire, c'est que, assez souvent, ses analyses ne sont pas économiques ou pas seulement, celles-ci relevant alors plus, disons, de l'essai au sens large (avec points de vue personnels), ce qu'on peut regretter de la part d'une économiste. Attention peut-être à ne pas avoir ce travers dans vos écrits scientifiques en utilisant toujours un vocabulaire neutre (malgré votre probable amour des arts !).
Point 3.2.2 : Comme vous le savez, l'"argument" de la maladie des coûts associée à W. Baumol et W. Bowen n'est pas un argument économique au soutien public de l'industrie du spectacle vivant (pas de défaillance de marché). Le problème est que cela n'est pas dit dans votre texte et votre lecteur, s'il n'est pas spécialiste, pourrait penser que c'est le cas.
Partie 4, introduction : Économiquement, oui, le fait de "garantir les conditions économiques d'une création artistique dynamique" (on pourrait reformuler) est important (on parle d'efficacité économique dynamique). C'est notamment et en partie le rôle des droits de propriété littéraire et artistique (leur seconde fonction est de, disons, faciliter les échanges). Mais votre autre objectif ("augmenter la part de la consommation culturelle de la majorité de la population") est-il un objectif économique ? Je ne crois pas.
Sur votre point 4.1, en guise de complément, auriez-vous lu le livre de Tyler Cowen publié en 1998 ? Si ce nest pas le cas, prenez peut-être le temps de le lire, ainsi que sa book review par D. Netzer (J. of Cultural Econ., Nov. 1999) et les reviews sur le site de Harvard University Press.
Sur le même point, la question des "vouchers in the arts" m'intéresse. Je suis preneur de toute information !
Point 4.2.1 : Certains économistes ont défendu l'éducation artistique financée sur fonds publics en expliquant qu'elle peut permettre d'élargir la qualité des choix (voir par exemple A. Peacock 2000 IV ; mais jugement de valeur), et aussi (apparemment J. M. Keynes et peut-être T. Scitovsky ; voir aussi A. Peacock dans son livre Paying the Piper) en expliquant que les subventions à l'éducation artistique devraient être importantes mais seulement temporaires, le temps de "former suffisamment les goûts des citoyens" pour que les activités culturelles deviennent finalement (miracle ! et bureaucratie battue !) autosuffisantes et n'aient plus besoin à terme de subventions publiques pour perdurer.
Sur votre point 4.2.3, je suis preneur de toute information solide et indépendante démontrant clairement l'existence des défaillances de marché dont vous parlez. Est-il abusif de dire que, pour l'instant et sauf erreur, il n'y a malheureusement pas grand-chose de disponible ?
vendredi, février 22 2008
13:13
Souvenirs...
— TyrandODans le milieu des années quatre-vingt, un jeune économiste présente un papier au séminaire de la direction de la Prévision sur le premier bilan de la loi Lang sur le prix unique du livre. Il s'agit d'un papier plutôt technique, qui relève de l'économétrie des données de panel et qui examine si la loi Lang tient les promesses qui avait été les siennes lors du vote au Parlement.
Débarque alors dans la salle, de façon ostentatoire et bruyante, un groupe échappé du ministère de la Culture. C'etait sans aucun doute le premier séminaire d'Economie auquel ils assistaient... Il y avait en particulier un vieil homme, très bobo avant que ce soit la mode, habillé d'une grande cape et d'un chapeau, une longue barbe soigneusement entretenue et qui était manifestement le "leader" du groupe.
Alors que le séminaire démarre et que le jeune économiste présente ses résultats, le vieil homme commnence à ponctuer d'une voix forte chacune des phrases de notre jeune économiste par un "lamentable", répété environ toutes les 20 secondes.
L'exposé se termine et arrive le moment fatidique des questions. Le vieil homme prend alors la parole et la monopolise en disant que tout ce qu'il vient d'entendre est parfaitement "lamentable" tout en se gardant de préciser ses objections sur la méthodologie ou les données utilisées. Apparemment, le seul fait de conclure que la loi Lang ne tient pas ses promesses suffit que pour le jeune économiste soit "lamentable" !
A un moment, dans sa logorrhée, le vieil homme utilise un argument de la Comptabilité nationale qui fait sursauter tout le monde à cause de l'énormité qu'il affirme péremptoirement. Il se trouve qu'il y a parmis les participants à ce séminaire, des "cadors" de la compta. nat. et, dans une touchante naïveté, notre jeune économiste s'attend à ce que ces cadors remettent sèchement à sa place le vieil homme.... Mais non.... notre jeune économiste connait alors un grand moment de solitude.
Le séminaire se termine enfin et le vieil homme se dirige alors vers notre jeune économiste en lui disant bien fort pour que tout le monde entende dans le brouhaha des chaises déplacées : "lamentable.... lamentable... vous êtes lamentable !" avant de tourner les talon suivi de sa troupe du ministère de la Culture comme un seul homme.
Depuis, notre jeune économiste a toujours conservé une dent contre les cadors de la compta nat qui n'étaient pas intervenus et le fait que l'un d'entre eux soit devenu ensuite le patron de l'INSSE ne change rien à l'affaire. ;-)
vendredi, février 22 2008
15:28
À TyrandO : même question que Mathieu P. : ce jeune économiste n'aurait-il pas publié les résultats de sa recherche dans Économie et Prévision en 1988 ?
— MoggioCombien de jeunes économistes, en plus de Mathieu P. et ce "jeune économiste" dont parle TyrandO, ont-ils connu une telle expérience en France, dans le champ d'étude de l'économie culturelle ? En tout cas, ils sont plus de deux ! Je me souviens avoir participé il y a quelques années à un séminaire ou un colloque sur les questions culturelles et "locales" dans une jolie salle de conférences au ministère de l'Équipement à l'intérieur de l'Arche de la Défense. Un jeune économiste y présentait une communication qui rappelait les précautions à prendre dans l'évaluation des retombées économiques locales d'un équipement culturel ou d'une manifestation culturelle. Pendant sa présentation, l'auditoire râlait doucement, commentait à voix basse, à certains moments. À un moment, l'orateur a eu le malheur, la maladresse de dire (de rappeler) que les économistes se soucient principalement du bien-être matériel des individus. Aïe ! Une partie de l'auditoire, composé de beaucoup de "cultureux" ayant sans doute une certaine opinion d'eux-mêmes, est partie dans des commentaires à haute voix à travers toute la salle... et il a fallu au moins une minute avant que le jeune économiste ne puisse reprendre la parole !
samedi, février 23 2008
19:33
Oui, le papier a bien été publié ds Economie et Prévision en 1988.
— TyrandOSur le fond du problème, tant que l'Economie restera, pour le "grand public" une question d'opinion, tant que le milieu artistico-brancouille restera rebelle à la démarche scientifique et plus encore à la réflexion analytique ds les sciences humaines en général et ds la science économique en particulier, je continuerai à fuir comme la peste ce genre de confrontation. Il n'y a que des coups à prendre et ceux que l'on pourrait donner restent sans effet...
jeudi, février 28 2008
01:46
Pouah... un vrai calvaire, en effet.
— éconcolaste-smQuant à YMB, eh bien, ça ne m'étonne pas que tu aies eu du mal à comprendre ce qu'il racontait ou voulait raconter. Il fait partie des gens qui me font penser que je suis intellectuellement limité par une incapacité à décoder en temps réel la pensée des gens. Aglietta m'a parfois donné ce sentiment aussi...
jeudi, février 28 2008
12:23
Je ne connais toujours pas Yann Moulier-Boutang mais au cours d'un tout récent déjeuner, j'ai appris qu'il est apparemment apprécié dans, disons, les milieux culturels ou du moins certains d'entre eux.
— Moggiovendredi, février 29 2008
16:44
Je pense que la réponse à la question que vous dites vous poser tient en trois syllabes : a-li-bi
— PassantBon courage pour la suite et merci pour l'intéressante lecture.
vendredi, mars 14 2008
10:20
Dans la série "les économistes tentent de parler aux professionnels des arts et ça ne passe pas", voir aussi la section "Two Worlds" (pp20-21) du chapitre I du livre édité par l'économiste néerlandais Arjo KLAMER intitulé The Value of Culture: On the relationship between economics and arts (1996). (On peut lire ces deux pages sur books.google.fr. Merci Google !)
— MoggioKlamer y parle (c'est lui l'auteur du chapitre) de ce qu'il a subi à chaque fois qu'il s'est adressé, avec sa casquette d'économiste, à un public d'artistes...
jeudi, août 7 2008
13:48
Je corrige un peu mon affirmation du 22 février dernier comme quoi les études empiriques sur les valeurs d'option, d'existence, de legs, etc. dans le domaine culturel sont "assez rares". Je viens de consulter l'ouvrage de Jeanette D. Snowball intitulé Measuring the Value of Culture: Methods and Examples in Cultural Economics publié chez Springer cette année. Elle cite pas mal d'études empiriques visant à mesurer ces valeurs dans plein de domaines différents, avec notamment l'évaluation contingente de dispositions à payer de non-usagers ou usagers dit passifs en termes de (valeur de) consommation (d'où effets externes de consommation positifs, d'où demande de non-marché, etc., etc., jusqu'à une jolie subvention à la Pigou). Je n'ai pas lu ces différentes études, donc ne connais pas leur valeur scientifique (et ce, d'autant plus que les méthodes d'évaluation contingente sont, disons, assez controversées chez les économistes ; voir par exemple les chapitres 4-5 notables de Snowball) et ne sais donc pas si elles confortent sérieusement ou pas la théorie (qui a ses faiblesses, d'ailleurs), mais, en tout cas, il y a d'assez nombreux économistes qui se sont intéressé à la question dans le domaine culturel, ce qui est plutôt bien.
— Moggio