On a donc eu droit ce matin à Maris en grand délire, qui nous dit que la société de demain est une société d'artistes et de chercheurs, qu'il faut protéger les pauvres entreprises françaises contre le dumping social, que l'ennemi à battre, c'est l'Allemagne, et que la coopération est la seule source de richesse. Ne cherchez pas de cohérence : il n'y en a pas, Maris est au-dessus de cet argument d'esprits étroits.
Tout cela n'aurait pas justifié ce billet si, Ali Badou mis à part, les chroniqueurs des Matins n'avaient pas unanimement laissé leur cerveau au vestiaire, et encensé Maris. Il nous dit qu'il faut arrêter la course à la consommation, que nous sommes en train de détruire la Terre. Mais il est très content quand on lui dit que son livre est sur papier glacé, avec une riche iconographie. Je suppose que le processus de blanchiment et les arbres abattus sont autant de morts pour la cause. Qu'Olivier Pastré voit dans la description que fait Maris de l'économie comme une science molle, où les chiffres ne veulent rien dire et où domine le discours, cela ne m'étonne pas : ces deux larrons sont du même tonneau. Qu'Alexandre Adler ne relève pas le vaste complot sino-américain pour appauvrir l'Europe, passe encore. Mais que même Slama, pourtant peu tendre habituellement avec les altermachins, ne ramène pas Maris à la réalité, j'en reste soufflé. Même son vieux fond conservateur ne se rebiffe pas quand Maris dit qu'il n'y a personne de plus stupide qu'un militaire (au passage, si Maris avait dit homosexuel, musulman ou juif à la place de militaire, on aurait un procès médiatique de plus).
Que dit donc Maris ? N'importe quoi, et c'est bien le problème. Mieux, il défend l'idée que l'économie est n'importe quoi, puisqu'il refuse les chiffres (qui ont le mauvais goût de le démentir), les théories (la cohérence intellectuelle est beaucoup trop contraignantes pour ses élucubrations en chaîne) et l'étude précise, au profits de grands discours dont il n'est pas difficile d'identifier l'origine. Quand il dit que celui qui crée de la richesse, c'est le créateur, l'inventeur ou le chercheur, et qu'ensuite, le capitalisme organise l'exploitation du créateur par le méchant marchand, qui ne crée rien mais vole la création, on croit entendre un marxiste de la grande époque. Le capital, c'est le vol. Oui, il en est encore là. On pourrait décortiquer ainsi point à point ses délires. Ils n'en valent seulement pas la peine.
De manière évidente, le but de l'opération était de vendre son Antimanuel d'économie, tome 2, disponible dans toutes les librairies. Mon conseil, laissez-le où il est, et regardez plutôt Les nouvelles Géographies du capitalismeet L'Economie sans tabou, sans oublier la toujours excellente FAQ d'Econoclaste, qui vous permettra facilement d'épater vos amis en explosant les absurdités des Maris en herbe.
29 réactions
1 De Duncan - 29/11/2006, 13:58
C'est marrant j'avais exactement la même discussion avec un journaliste de Libération sur le bigbangblog : www.bigbangblog.net/artic...
Je vous invite à venir participer à la discussion qui gagnerait ainsi à s'enrichir d'un point de vue d'un vrai économiste.
2 De leconomiste - 29/11/2006, 14:41
J'y suis allé, mais je ne pense pas que cela serve à grand'chose. Maris est incompétent, mais il fait d'autant mieux illusion qu'il dit ce que les alterploum ont envie d'entendre - ce qui au passage révèle bien le fonds anarcho-marxiste de leur pensée - et que, contrairement à un chercheur, il n'a pas le souci de la vérité et de la nuance. Or, j'ai peur que Libé ne puisse trop bousculer ce public au risque de le perdre.
3 De thomas - 29/11/2006, 18:03
et dire qu'il y a des étudiants qui l'ont comme prof...
4 De Fr. - 29/11/2006, 19:22
Maris dans le texte :
– "Un boulimique, un de ces confituriers, comme disait Keynes"
– "Il est ce cupide qui finit «homme le plus riche du cimetière», disait Max Weber"
– "«la rivalité mimétique» que dénonce René Girard"
– "c'est la «manducation», disait Georges Bataille"
– "On se réfugie dans le futile, relevait déjà Pascal."
– "«Je vois des chercheurs, pas des trouveurs», disait de Gaulle."
Comme disait Freud, à ce niveau-là , c'est pathologique.
Ma connerie favorite reste : "Si on avait cherché l'Internet, on ne l'aurait pas trouvé." Et si l'on n'avait trouvé Maris, il aurait fallu l'inventer ?
5 De econoclaste-alexandre - 29/11/2006, 19:39
Le premier livre de Maris que j'ai lu était les 7 péchés capitaux des universitaires, dans lequel il expliquait que la profession était composée intégralement de fainéants, lascifs, ignares, népotiques, et grotesques. Le second était "des économistes au dessus de tout soupçon" dans lequel il expliquait que les économistes sont des menteurs, des ignorants, des idéologues qui racontent n'importe quoi, que les experts qui parlent dans les journaux disent toujours n'importe quoi.
Aujourd'hui, Maris est universitaire, professeur d'économie, et commentateur économique dans divers journaux et médias, et est considéré comme un gourou dans le milieu alter. Sa carrière est une vaste prophétie autoréalisatrice.
6 De Coujou - 29/11/2006, 19:51
J'avais lu le premier tome de Maris (en complément d'un certain nombre de lectures comme l'Economie sans tabou ou le blog d'Econoclaste) et j'avais pris ça comme un livre sur l'alter-mondialisme à peu près modéré.
J'envisageais de lire le tome 2 j'apprends en lisant la présentation de l'éditeur que le tome 1 était censé être la version réaliste de l'économie et que la suite "se situe aux frontières ou au-delà de l'économie."
Ah oui ? Donc ma limite au niveau "un autre monde est possible" c'était son point de départ ? J'ai l'impression que sur I-Tele aussi, il s'éloigne un peu plus du monde réel à chaque apparition dans "Y a pas que le CAC".
7 De Olivier Simard-Casanova - 30/11/2006, 14:34
Personne n'a lu sa merveilleuse Lettre ouverte aux gourous de l'économie qui nous prennent pour des imbéciles ? Parce que s'il y a des gens intelligents dans le coin, qu'ils le lisent : ils vont bien se fendre la gueule !
8 De leconomiste - 30/11/2006, 17:46
Mais si, tout a déjà été dit sur Econoclaste (c'est à se demander à quoi sert le présent blog, d'ailleurs). Ceci dit, j'ai l'impression que Maris est comme un vin qui a dépassé le moment de le boire : il s'aigrit en vieillissant.
9 De CAVEAT EMPTOR - 01/12/2006, 02:01
Bernard Maris, un économiste contre les économistes
Ca barde contre le chroniqueur-économiste-écrivain Bernard Maris, alias Oncle Bernard. Poum, voici l’interview qu’il a donnée à Libération éreintée sur le blog de Daniel Schneidermann. Et re-poum, voilà Léconomiste, sur son blog , ...
10 De FrédéricLN - 01/12/2006, 22:52
Bonsoir,
votre billet me donne l'occasion de lire cet article, donc pour la 1ère fois la prose de M. Maris. Mais ce n'est pas si mal, dites donc ! Bien sûr, ce n'est ni "universitaire" ni "économiste", mais c'est de la plaisante poésie en prose, je trouve.
11 De Passant - 05/12/2006, 07:15
Maris a quand même été très utile pour fournir une compréhension superficielle, mais tout à fait satisfaisante, de la manière dont fonctionne la régulation économique contemporaine dans le vrai monde. Et sans sa volonté de nuire aux "gouroux cosmo-grabataires", jamais l'explication n'aurait été aussi lisible par le profane.
12 De leconomiste - 05/12/2006, 08:36
@Passant Je dois avouer que votre prose est ici similaire à celle de Maris : une suite de mot qui ne fait absolument pas sens pour moi.
13 De pvdg - 05/12/2006, 12:29
Un tel déferlement de haine me laisse pantois. Regardez-vous, les zéconomistes-dans-la-ligne-du-parti-de-l'argent, vous avez la bave aux lèvres. Moi, qui ne suis pas économiste, j'aime bien Maris parce qu'au moins je reconnais la réalité que je vis dans ce qu'il dit. J'ai l'impression de vivre sur la même planète que lui.
Et les économistes que vous trouvez convenables, ils disent quoi d'intelligent, ils proposent quoi pour sortir de cette merde où nous fait sombrer chaque jour l'économie de marché ?
N. B. : Le coup du "si vous n'êtes pas d'accord, vous êtes un kommuniste", ça va bien. Traiter les gens de marxiste quand on n'est pas d'accord avec eux, ça va finir par être contreproductif. Vu d'où vient l'injure, ça va finir par être un titre de gloire.
14 De leconomiste - 05/12/2006, 13:52
@pvdg : La première règle de la méthode scientifique est de se méfier de ce quon voit bien tous les jours : on voit bien tous les jours que la Terre est plate, que le soleil lui tourne autour et que les basanés sont tous délinquants (et réciproquement). Bref, ça ne prouve rien, au contraire. Si vous vivez effectivement sur la même planète que Maris, je vous plains. Ce qui est sûr, c'est que cette planète ne correspond pas à l'image qu'en donnent des outils d'observation fiables.
Au niveau réthorique, se plaindre, à tord, voir le billet suivant, que j'emploie "marxiste" comme une discalification du discours de marxisme, et dans la foulée me traiter de suppôt du "parti de l'argent " (je vous conseille de chercher dans quel contexte cette expression a été employée historiquement : à votre place, je ne sentirais assez gêné), cela manque un peu de cohérence.
En ce qui concerne les propositions des économistes que j'estime, justement, ils n'ont pas de solution toute faite pour Sauver le Monde, mais des éléments de réponses précis, à des problèmes précis. Et surtout, ils ne commencent pas par désigner telle institution ("l'économie de marché") ou tel groupe de personnes ("les méchants patrons") comme responsable, et s'intéressent de près à l'action de chacun des agents en jeu.
15 De pvdg - 05/12/2006, 17:01
J'ai l'impression que j'ai appuyé là où ça fait mal, vu que j'obtiens une réponse qui part dans tous les sens en évitant soigneusement le vrai sujet.
D'abord, bravo pour la leçon de science. Ça ne mange pas de pain et vous permet de briller, de prendre de la hauteur. Cela dit, votre démonstration est un peu mal ficelée, parce que je ne vois pas le rapport entre les préjugés raciaux et la scientificité. Et puis vos histoires de terre plate et de soleil tournent autour de la question des repères, de l'échelle, problèmes qui ne se posent pas dans notre affaire : je n'ai pas besoin de grimper dans une fusée pour observer l'économie de mon quartier, de mon pays, ni même du monde. Surtout, ce que je disais, moi, c'est que Maris, par exemple dans cette interview qui vous débecte, raconte la planète que je fréquente, alors que d'autres discours économiques nous parlent de la planète Mars.
À propos de marxisme, je réagissais à ce passage de votre prose :
"le capitalisme organise l'exploitation du créateur par le méchant marchand, qui ne crée rien mais vole la création, on croit entendre un marxiste de la grande époque."
Est-ce que vous n'êtes pas là en train d'insinuer que Maris serait un archaïque, un peu neuneu ? Pourtant une majorité de gens, j'en suis sûr, sera grosso modo d'accord avec cette phrase, parce qu'elle correspond à leur vécu. Tous les jours je vis cela. Pas vous ? Vous habitez où ? Peut-être ne sommes-nous pas d'accord sur le sens des mots, vous et nous, les gens…
Vous connaissez des économistes qui ont des réponses précises à des problèmes précis. Dont acte. C'est une bonne nouvelle. Ne reste plus qu'à les sortir de leur trou. Ils n'ont pas de baguette magique pour sauver le monde. Je m'en doutais, je n'en demandais pas tant.
Et vous ajoutez : "Et surtout, ils ne commencent pas par désigner telle institution ("l'économie de marché") ou tel groupe de personnes ("les méchants patrons") comme responsable"
Classique : vous faites dire à votre adversaire ce qu'il n'a pas dit pour mieux le rosser. Je ne crois pas que Maris ait jamais tenu des propos aussi simplistes. Il a sûrment une longue liste de responsables, ou de causes, de nos maux. Et désigne sûrement des entité plus abstraites et pas seulement les "méchants patrons".
Bref, vous nous égarez.
Venons en à ce que je voulais dire dans mon premier commentaire. On verra bien si j'obtiens un début de réponse, cette fois. Pourquoi tant de haine ? Qu'est-ce qu'il vous a fait ce Bernard Maris, pour que vous lui vomissiez dessus comme s'il avait rayé votre BMW ?
16 De leconomiste - 05/12/2006, 17:22
Commençons par la fin : si Maris m'énerve, c'est qu'en essayant de légitimer ses délires politiques en se drapant du titre "d'économiste", il fait du tord à tout ceux, moins idéologues que lui, qui essayent d'étudier de vrais problèmes. Il discrédite l'ensemble des économistes en se faisant passer pour l'un d'eux. De mon point de vue, c'est exactement comme si un astrologue se faisait passer pour un astronome.
En ce qui concerne la leçon de science, je constate qu'elle était non seulement bienvenue, mais nécessaire, puisque vous en remettez une couche :
. Malheureusement si. Pour observer l'économie ne serait-ce que de votre quartier, il vous faut des outils matériels, des statistiques, et des outils théoriques, ceux précisément que donnent l'économie. Sans cela, vous en êtes réduits à étaler vos préjugés sur ce point.Passons à l'exploitation du créateur par les marchands. Là , vous tombez vraiment mal, puisque l'économie de la culture fait partie de mes centres d'intérêt. Or, ce qu'on constate, c'est que l'artiste spolié est un mythe. L'agent littéraire ou l'éditeur fournissent à l'artiste un ensemble de service ayant une grande valeur pour l'artiste, le moindre n'étant pas de lui dire si sa production va intéresser quelqu'un. Le mieux est que les artistes le savent bien : si le discours de certains (et encore plus souvent le discours qu'on tient pour eux) vise à les faire plaindre, leurs actes montrent qu'ils ont parfaitement intégré ce fonctionnement, et qu'ils valorisent ces services. Menger ne s'est pas fait que des amis en mettant cela en évidence, d'ailleurs.
Pour les réponses précises à des problèmes précis, le site du Conseil d'analyse économique me semble un bon point de départ pour les chercher.
Avec Maris, je n'ai vraiment pas l'impression de brûler un homme de paille. Ses remarques dans Libé sont suffisemment simpliste pour qu'il soit difficile de les caricaturer. Maris n'est pas neuneu, non, certainement pas. Il a bien compris que servir une soupe idéologique enrobée de termes pseudo-économique lui assurerait une audience toute prête à penser que "c'est la faute au système" (de marché, bien sûr), ce pour un rapport coût/bénéfice nettement meilleur que s'il avait dû faire de la vraie recherche.
Enfin, une lecture des précédent billets de ce blog vous aurait appris que je suis loin, très loin d'avoir les revenus nécessaires pour m'acheter une voiture, quelle qu'en fût la marque.
17 De Deor - 05/12/2006, 21:53
>"La première règle de la méthode scientifique est de se méfier de ce quon voit bien tous les jours : on voit bien tous les jours que la Terre est plate, que le soleil lui tourne autour et que les basanés sont tous délinquants (et réciproquement)."
Euh, ça sort un peu du sujet, mais:
- Si la terre était plate, il y aurait une conséquence bien visible: le jour tomberait et se lèverait en une poignée de fractions de secondes.
- Je n'ai jamais remarqué, visuellement, que les délinquants était d'abord des basanés (le seul et unique personnage qui m'ait jamais agressé avait les fesses de la même couleur que celles de Chirac).
>"Ce qui est sûr, c'est que cette planète ne correspond pas à l'image qu'en donnent des outils d'observation fiables."
Le débat est vieux, et repris par Maris dans le premier anti-manuel, mais justement, une des thèses est que ces outillages économiques reposent sur un postulat qui les décrédibilise: le déterminisme des agents économiques. D'autres scientifiques (beaucoup de sociologues, notamment) rejettent catégoriquement le caractère scientifique de l'économie, notamment pour cette raison.
Et ce qui est marrant, justement, c'est que votre phrase correspond typiquement à la remarque de Friedman, précisée elle-aussi dans l'antimanuel premier du nom, selon laquelle ce n'étaient pas ses théories qui étaient foireuses, mais la réalité qui était fausse (!).
Pour ce qui est du qualificatif "d'anarcho-marxiste" que vous employez, je ne vois pas tellement en quoi de telles bases décrédibiliseraient les propos de qui que ce soit. Si vous voulez être rigoureux, expliquez-donc en quoi le fait de se baser, par exemple, sur le marxisme est infamant/ridicule/etc..? Même le "grand" Alain Minc, lors d'une petite présentation de l'économie et de ses différents mouvements à la télévision, admettait qu'aucune analyse n'avait dépassé celle de Marx.
18 De Nicogeek - 05/12/2006, 22:47
"Même le "grand" Alain Minc, lors d'une petite présentation de l'économie et de ses différents mouvements à la télévision, admettait qu'aucune analyse n'avait dépassé celle de Marx"
Oui, mais la vraie question, c'est "qu'en pense le grand Jean-Marc Sylvestre" ?
19 De pvdg - 05/12/2006, 23:02
leconomiste : "Il discrédite l'ensemble des économistes en se faisant passer pour l'un d'eux."
Merci pour cette réponse. Alors là , mes excuses les plus plates. Je n'avais jamais entendu parler de cette fâcheuse usurpation de qualité : Bernard Maris ne serait pas économiste. Et moi qui croyais qu'il enseignait l'économie ! Mais soyons précis : vous voulez dire qu'il a produit de faux diplômes pour devenir enseignant ?
Ou bien juste qu'il n'a pas le Nobel, qu'il ne publie pas, qu'il n'est pas chercheur ? Auquel cas, est-il coupable de se faire passer pour ce qu'il n'est pas ?
Moi je ne l'ai jamais pris pour un chercheur mais pour un enseignant et vulgarisateur. Si c'est bien son statut, ne n'ai pas été trompé sur la marchandise.
Et pour vulgariser l'économie, je ne vois pas pourquoi il faudrait être l'un des meilleurs chercheurs du pays. Bien des chercheurs, soit dit en passant, sont de mauvais vulgarisateurs. Et je sais de quoi je parle.
Vous précisez : "si Maris m'énerve, c'est qu'en essayant de légitimer ses délires politiques en se drapant du titre "d'économiste", il fait du tort à tout ceux, moins idéologues que lui, qui essayent d'étudier de vrais problèmes."
Vous dites "délires politiques", c'est typiquement ce que dit un ultralibéral qui vitupère contre un anti-libéral, non ? Moi pareil, d'ailleurs : quand j'entends parler un patron du CAC 40, je me dis "délires politiques". Question de goûts et de couleurs, pratiquement. Disons que Bernard Maris est un peu à gauche.
"Il fait du tort…" vous en parlez comme si on se le tappait matin et soir sur toutes les chaînes. Or justement, si on le remarque, Maris, c'est parce qu'il est une exception. J'en déduis que pour vous, un dissident, ce serait trop. Vous voudriez que l'on se tappe que des Le Boucher ?
Bref, vous confirmez ma première impression : vous n'êtes pas d'accord avec lui. Je veux dire, avec ses opinions non ultralibérales. Moi je pense que tout le monde a le droit de vulgariser l'économie, même ceux qui pensent qu'il faut remettre le "marché" à sa place. Et puis, pour faire le libéral : chacun fait son choix, non, on achète son livre, ou le vôtre.
Votre dernière lesson de science-fiction : vous mélangiez déjà les questions de préjugés et d'échelles, maintenant vous touillez avec l'outillage théorique et les stats. Moi j'aime beaucoup les outils en général et les stats en particulier, ai-je dit le contraire ? Mais si la fusée peut m'aider à constater la rotondité de la terre, je n'en ai pas besoin pour étudier l'économie des terriens. Vu ?
À propos de créateurs. Voilà typiquement un cas où le discours économique me semble venir d'une autre planète. OK, vous mettez en avant les quelques artistes que le système marchand trouve rentables et qui vont pouvoir trouver une audience de masse. Moi je pense immédiatement au fait que ce sont les marchands qui font leur shopping, qui fabriquent la notoriété, qui décident de jouer au 80/20, et surtout de nos jours qui fabriquent de la demande. Il y du coup une sélection de l'artiste souple qui sait se plier à la logique de l'offre et de la demande. Et les autres ? Quand le système marchand invente des "créateurs" comme les Bogdanov, qui, eux, se font des thunes, combien d'auteurs potentiels sacrifie-t-il ?
Je note qu'il n'est pas convenable, selon vous, de dire que "c'est la faute au système". C'est votre droit de le trouver au poil. Moi il me révulse, et nous sommes quelques-uns dans ce cas.
Je ne prétends pas le moins du monde être capable d'évaluer la valeur scientifique des écrits de Bernard Maris. Et donc, je suis prêt à entendre des points de vue là -dessus, voire à lire des explications, des mises en garde argumentées à ce sujet. Et prêt, le cas échéant, à m'intéresser à d'autres auteurs vulgarisants. Mais en guise d'arguments, je vois un lynchage en règle d'un homme qui semble avoir tous les suppots du CAC 40 aux basques. Cela ne risque pas de me convaincre qu'il a tort.
Maintenant, c'est vrai, je ne sais rien de votre discours économique à vous. Oui, j'aurais du commencer par là . Promis, je vais essayer de lire votre blog. Et toutes mes excuses pour la BMW. C'était gratuit et injuste.
20 De Un prof - 06/12/2006, 07:42
Je n'ai pas lu Maris mais ce n'est certainement pas un tel article, haineux et sans argument, qui va le discréditer.
21 De leconomiste - 06/12/2006, 10:01
Eh bien non, Maris n'a plus le droit de se prétendre compétent en économie, dans la mesure où il ignore manifestement ce qui s'est fait en recherche les vingt dernières années. Du coup, il se bat contre des théories qui sont elles-mêmes dépassées, et accrédite l'idée que l'économie en est encore là . Bien sûr, il n'est pas nécessaire de faire de la recherche pour être un bon vulgarisateur, mais à tout le moins, il faut être au courant de ce qui se fait (voir là encore l'exemple de Robert Boyer). Ce n'est pas le cas, loin de là , de Bernard Maris.
Ensuite, je remarque que pour vous, il y a ceux qui sont d'accord avec Maris, et les ultralibéraux. Là , je crois que vous oubliez à peu près 90% des économistes. Pour rester dans le seul cas français, je suis certain que ni Daniel Cohen ni Thomas Piketty ne sont d'accrod avec ce que dit Bernard Maris, et pourtant, vous aurez bien du mal à les faire passer pour des ultralibéraux.
En ce qui concerne les artistes, vous mettez le doigt sur un point qui rend le discours altermachin insupportable à la plupart des économistes : en disant que les marchands (bel objet conceptuel non identifié) fabriquent de la notoriété, vous démontrez l'immense mépris que vous avez à l'égard des personnes qui achêtent ces produits. Je ne partage pas une telle opinion : je pars du principe que si un agent choisit d'acheter un bien, qu'il s'agisse d'une pomme ou d'un disque, il le fait un minimum en connaissance de cause. D'un point de vue social, on peut regretter que tel bien soit préféré à tel autre, et penser que c'est par manque d'information sur les biens. Mais faire appel à un grand complot marchand, c'est non seulement croire les agents plus influençables qu'ils ne le sont, mais en plus ignorer le mode de sélection des artistes. Là encore, je vous renvoie aux ouvrages de Menger, Benhamou et Richard Caves.
Enfin, concernant les pseudo-économistes médiatiques, Pastré ou Le Boucher se posent aussi dans la catégorie des gens qui font beaucoup de mal à l'économie. Le problème spécifique de Bernard Maris est que non seulement il jouit d'une certaine notoriété médiatique, mais que contrairement aux deux autres, j'ai vu ses thèses annonées par des militants se revendiquants alterploum comme parole d'évangile.
22 De Al - 06/12/2006, 11:09
"En ce qui concerne les artistes, vous mettez le doigt sur un point qui rend le discours altermachin insupportable à la plupart des économistes : en disant que les marchands (bel objet conceptuel non identifié) fabriquent de la notoriété, vous démontrez l'immense mépris que vous avez à l'égard des personnes qui achêtent ces produits. Je ne partage pas une telle opinion : je pars du principe que si un agent choisit d'acheter un bien, qu'il s'agisse d'une pomme ou d'un disque, il le fait un minimum en connaissance de cause. ... Mais faire appel à un grand complot marchand, c'est non seulement croire les agents plus influençables qu'ils ne le sont, mais en plus ignorer le mode de sélection des artistes. "
Je n'ai pas lu Menger, Benhamou ni Richard Caves. Et pvdg ne parle pas de complot (leconimiste, vous avez tendance a deformer les opinions des autres pour les ridiculiser. J'espere qu'il n'y a pas de mepris, ici, juste de la pedagogie "musclée"..?)
En production culturelle, les "agents" sont bel et bien influencables, sinon , pourquoi les meilleures ventes de disques (mais aussi de livres, cinema) s'alignent sur les investissements marketing, liés eux même à la présence des singles dans les heavy rotation de FM et MTV? Sous-entendez vous que les directeurs financiers des big five sont de dangereux communistes en laissant autant d'argent dans du marketing inutile? Une etude a aussi montre que si on a le choix dans un cataloque gratuitement, on va decouvrir les oeuvres les plus populaires ou présentées comme telles (cf les statistiques de youTube, pas besoin de prendre une fusée)
Vous partez d'un principe ideologique qui n'a rien de scientifique et qu'on peut demonter tres facilement. Ca vous revulse qu'on pense differement que ne le preconise votre ideologie de libre arbitre ou d'omniscience artistique de l'ensemble du public.
Je ne savais pas que demonter le systeme marketing des maisons de disque etait suffisant a faire de soi un keynesien , voire un altermondialiste... En tout cas, n'importe quel stagiaire d'une maison de disque a suffisement vecu pour refuter toute votre ideologie.
23 De pvdg - 06/12/2006, 11:22
"je pars du principe que si un agent choisit d'acheter un bien, qu'il s'agisse d'une pomme ou d'un disque, il le fait un minimum en connaissance de cause."
On dépense des milliards en publicité, mais ce n'est pas pour manipuler ?
"Mais faire appel à un grand complot marchand, c'est non seulement croire les agents plus influençables qu'ils ne le sont, mais en plus ignorer le mode de sélection des artistes."
Pas besoin de faire appel au complotisme (accusation gratuite) pour constater que la publicité opère. Et que c'est grave.
Aux dernières nouvelles, c'est jusqu'à la neurophysiologie et le scanner qui sont mis à contribution par les "marchands" (il vous pose un problème, ce mot ? Tout le monde le comprend) pour influencer, manipuler les esprits. Je l'ai inventé, le neuromarketing ?
Que l'économie actuelle glisse vers une "fabrication de la demande" est visible par tous. Mon gosse de 4 ans a déjà commencé à nous casser les pieds pour avoir des basket en plastic. Parce que Billy lui a expliqué qu'elles étaient nazes, ses chaussures en cuir. Bien sûr, je suis libre de "résister" à cette pression. Au prix de quelques larmes d'enfant. Et Nike est libre de dépenser des milliards pour nous casser les couilles à tous. Libre de foutre des idées à la con dans la tête de mes gosses. Libre encore de dézinguer littéralement tout un pan de l'activité humaine qu'était le sport (RIP). Et à part ça, bien sûr :
"je pars du principe que si un agent choisit d'acheter un bien, qu'il s'agisse d'une pomme ou d'un disque, il le fait un minimum en connaissance de cause."
J'aime beaucoup ce "minimum". Peut-être que vous devriez réviser un peu votre concept de "liberté". Et je répète : regardez un peu le monde dans lequel vous vivez. Merde, l'observation est la base de la démarche scientifique.
24 De leconomiste - 06/12/2006, 11:23
@ALLes ventes de disques sont corrélées avec les dépenses de marketing simplement parce que celles-ci sont concentrées sur les produits qui ont eux-mêmes le plus de chances de marcher. Vous confondez corrélation et causalité. Les directeurs de collection savent que sur dix disques, deux font des profits, deux sont juste à flot, et six font des pertes. Du coup, ils assurent à ceux qui ont le plus de chances de faire des profits la meilleure couverture publicitaire. Ce fonctionnement est très bien documenté dans L'économie du Star System de Françoise Benhamou.
@pvdg Vous n'avez pas inventé le neuromarketing. En revanche, j'attends de voir s'il marche à grande échelle, en particulier sur un public informé de son existence. En ce qui concerne la fabrication de la demande, je crois qu'il y a une certaine myopie historique à considérer cela comme un fait nouveau. Ce phénomène est déjà au centre des Illusions Perdues de Balzac, dont je vous recommande chaudement la lecture pour voir à quel point le système actuel de promotion des biens culturels (et des autres) a peu évolué qualitativement depuis le 19e siècle. Quant au monde, je l'observe autant que vous. Et mon observation est que la thèse de la manipulation de masse par la publicité ne tient pas comme règle générale régissant les comportements d'achat. Certains y sont sensibles, mais bien malin qui pourrait dire dans quelle mesure c'est la pure dépense publicitaire qui joue, ou si c'est l'information donnée par la publicité (par exemple, l'existence d'ordinateurs à bas prix dans telle ou telle enseigne).
25 De Al - 06/12/2006, 14:34
Bonjour, leconomiste
Je connais asssez bien la tarte a la creme correlation/cause. J'espere que vous n'irez quand meme pas jusqu'Ã demontrer inversement que le succes potentiel est la cause de l'investissement. ;)
Un autre exemple pour sortir de votre objection: une pub télé qui reprend une chanson d'un groupe osbcur, et les ventes décollent, alors que ce disque devait selon votre principe ne pas valoir grand chose (puisqu'il etait inconnu 6 mois avant).
Et vous ne repondez pas au cas youTube qui est non publicitaire.
Je constate aussi que vous ne repondez pas aux questions de fond de pvdg.
S'il y a investissement, des acteurs economiques rationnels attendent un ROI.
Et d'autant plus fort qu'il y a quand meme des albums/films/livre que meme la pub ne sauve pas... Bref, vous remettez en question l'economie telle quelle est aujourd'hui (je n'arrive plus a remettre la main sur le le montant global de la publicité dans le monde, toute ces depenses selon vous c'est du bullshit?) .Un vrai revolutionnaire à faire palir BM... J'en conclue que vous aller faire une croisade pour interdire la pub inefficace par essence, et reinjecter l'argent dans le circuit economique?
Désole, mais vous ne me convainquez pas, et ne pouvez prouver scientifiquement que votre "principe" de base ("si un agent choisit d'acheter un bien, qu'il s'agisse d'une pomme ou d'un disque, il le fait un minimum en connaissance de cause") est juste. Tout depend du minimum, bien sur. Et je suis malheureusement amené a croire que votre idéologie n'est pas tres sérieuse.
Il faudrait que je relise Menger, mais comme vous disiez ailleurs, est-ce raisonnable de lire des textes vieux de pres de 100 ans, alors que nos savoir ont du beaucoup avancer, surtout ces dernieres 20 années (avec l'informatique libre et le copyleft)... Avez vous des textes qui vont dans votre sens et traite de ces derniers phenomènes?
26 De leconomiste - 06/12/2006, 14:52
@AL: concernant YouTube, j'attends de voir s'il y aurait une demande à un prix positif, ou s'il fallait payer une petite somme pour voir les plus populaires, leur popularité ne s'effondrerait pas instantanément. L'argument essentiel, cependant, est de comparer la qualité moyenne de ce qui est édité, et de ce qui passe sur YouTube...
Les questions de fond de pvdg, je ne les vois pas, en tous cas. Le ne vois qu'une pétition de principe : tout le monde est manipulé par la méchante publicité qui invente des besoins (tiens, un concept-valise bien vide, il faudra que j'en fasse un billet). Je conteste cette pétition de principe.
Concernant la publicité, l'efficacité empirique des dépenses publicitaires au niveau agrégé est encore à démontrer. Cela ne suffit certainement pas à interdire la pub.
En ce qui concerne les livres, cela fait plusieurs fois que j'en cite dans mes commentaires. Vous pouvez aussi aller voir ceux que recommande Econoclaste.
Enfin, pour votre exemple, je ne vois pas en quoi il contredit ce que je montre. Je dis que les investissements de pub se focalisent sur les titres les plus susceptibles de marcher. Cela ne signifie pas que tous les titres à fort potentiels bénéficient de cette dépense, ni même que tous les titres pour lesquels sont consentis de forts investissements publicitaires fonctionnent. Vous commettez une faute de logique assez élémentaire, quand même.
27 De pvdg - 06/12/2006, 15:00
"l'information donnée par la publicité"
Je rêve ! L'info sur les produits, elle est à la rigueur dans "Que choisir" ou "60 millions". Ou encore dans les pages conso de la presse. Laquelle est cependant largement influencée par les budgets pub. Voir son intérêt subit pour chaque nouveau produit à gros budget de promo (cellulaire, jeu vidéo…).
Mais par rapport à cette information factuelle et comparative sur les produits, que fait la pub : elle cherche précisément à la tordre. Elle ferait n'importe quoi pour parasiter, perturber l'énoncé des faits. Pour faire croire qu'une bagnole serait "verte" quand elle pollue comme les autres. Pour faire croire à la "force des volcans" dans une eau remarquablement peu minérale. Pour créer des besoins de signes extérieurs de féminitude, de mâlitude, de culture et autres. Elle n'hésite pas à culpabiliser les femmes sur leurs rondeurs et leurs odeurs, les mecs sur tout ce qu'ils n'ont pas les moyens de s'offrir ou d'offrir à leur nana, et j'en passe. Bref, elle désinforme, il n'y a pas d'autre mot. Donc elle manipule. Elle fabrique massivement de la demande.
Si l'économie veut devenir une science, il faudrait qu'elle intègre un modèle de l'homme tel qu'il est et non une idéologie de "l'homme libre dans le poulailler ou rôdent les loups libres de l'économie".
Une science économique peut se construire sur les sciences qui observent l'homme et la société : anthropo, ethno, psycho, neurophysio, primato, socio… linguistique et j'en oublie. Elle ne peut que se planter si elle croit pouvoir s'appuyer sur un modèle de l'homme dès le départ plombé par des présupposés idéologiques aussi simplistes que "l'homme est libre". Et masquer cette erreur initiale derrière un brouillard d'équations aux dérivées partielles qui décrivent en fait des robots.
28 De wilco - 06/12/2006, 15:09
"Les ventes de disques sont corrélées avec les dépenses de marketing simplement parce que celles-ci sont concentrées sur les produits qui ont eux-mêmes le plus de chances de marcher. Vous confondez corrélation et causalité. Les directeurs de collection savent que sur dix disques, deux font des profits, deux sont juste à flot, et six font des pertes. Du coup, ils assurent à ceux qui ont le plus de chances de faire des profits la meilleure couverture publicitaire. Ce fonctionnement est très bien documenté dans L'économie du Star System de Françoise Benhamou."
C'est d'ailleurs comme ça que EMI a ramassé les Beatles à la place de DECCA qui ne les avait pas trouvé vendeur. Pour ne citer que l'exemple le plus connu.
29 De leconomiste - 06/12/2006, 15:15
@pvdg Une information fondamentale donnée par la publicité pour un bien donné est l'existence de ce bien, ce qui, étant donnée la diversité des biens disponibles, constitue une information non-négligeable. Encore une fois, vous dites "la publicité manipule", sans étayer votre thèse. Votre accumulation d'exemples, chacun contestables, n'aide en rien. Mais dire sérieusement quelque chose nécessiterait de faire appel précisément au cadre d'analyses que vous rejetez, c'est-à -dire ne pas prendre comme hypothèse ce que vous voulez démontrer.
Quant à la deuxième partie de votre message, on retombe dans le vieux débat l'économie est-elle une science ?, dont je vous recommande chaudement la lecture. Un extrait de la conclusion :
Vous pouvez aussi aller lire ce livre. Bref, l'économie prouve la puissance de son paradigme de la même façon qu'on réfute le paradoxe de Zénon : en marchant. Plus d'ailleurs, en remarquant que ceux qui refusent ce paradoxe, au lieu de le faire évoluer en le critiquant en connaissance de cause (voir, une fois encore ce billet) n'ont pas avancé d'un iota dans la construction d'un cadre d'analyse cohérent et vérifiable.Enfin, ce petit jeu me lasse. Je ferme les commentaires de ce billet, en notant au passage d'un jour faire un billet sur l'analyse économique de la publicité. Je ne saurais trop vous conseiller d'en faire un sur votre propre blog exposant votre conception du rôle de la publicité.