On a donc eu droit ce matin à Maris en grand délire, qui nous dit que la société de demain est une société d'artistes et de chercheurs, qu'il faut protéger les pauvres entreprises françaises contre le dumping social, que l'ennemi à battre, c'est l'Allemagne, et que la coopération est la seule source de richesse. Ne cherchez pas de cohérence : il n'y en a pas, Maris est au-dessus de cet argument d'esprits étroits.

Tout cela n'aurait pas justifié ce billet si, Ali Badou mis à part, les chroniqueurs des Matins n'avaient pas unanimement laissé leur cerveau au vestiaire, et encensé Maris. Il nous dit qu'il faut arrêter la course à la consommation, que nous sommes en train de détruire la Terre. Mais il est très content quand on lui dit que son livre est sur papier glacé, avec une riche iconographie. Je suppose que le processus de blanchiment et les arbres abattus sont autant de morts pour la cause. Qu'Olivier Pastré voit dans la description que fait Maris de l'économie comme une science molle, où les chiffres ne veulent rien dire et où domine le discours, cela ne m'étonne pas : ces deux larrons sont du même tonneau. Qu'Alexandre Adler ne relève pas le vaste complot sino-américain pour appauvrir l'Europe, passe encore. Mais que même Slama, pourtant peu tendre habituellement avec les altermachins, ne ramène pas Maris à la réalité, j'en reste soufflé. Même son vieux fond conservateur ne se rebiffe pas quand Maris dit qu'il n'y a personne de plus stupide qu'un militaire (au passage, si Maris avait dit homosexuel, musulman ou juif à la place de militaire, on aurait un procès médiatique de plus).

Que dit donc Maris ? N'importe quoi, et c'est bien le problème. Mieux, il défend l'idée que l'économie est n'importe quoi, puisqu'il refuse les chiffres (qui ont le mauvais goût de le démentir), les théories (la cohérence intellectuelle est beaucoup trop contraignantes pour ses élucubrations en chaîne) et l'étude précise, au profits de grands discours dont il n'est pas difficile d'identifier l'origine. Quand il dit que celui qui crée de la richesse, c'est le créateur, l'inventeur ou le chercheur, et qu'ensuite, le capitalisme organise l'exploitation du créateur par le méchant marchand, qui ne crée rien mais vole la création, on croit entendre un marxiste de la grande époque. Le capital, c'est le vol. Oui, il en est encore là. On pourrait décortiquer ainsi point à point ses délires. Ils n'en valent seulement pas la peine.

De manière évidente, le but de l'opération était de vendre son Antimanuel d'économie, tome 2, disponible dans toutes les librairies. Mon conseil, laissez-le où il est, et regardez plutôt Les nouvelles Géographies du capitalismeet L'Economie sans tabou, sans oublier la toujours excellente FAQ d'Econoclaste, qui vous permettra facilement d'épater vos amis en explosant les absurdités des Maris en herbe.