e ne vais pas vous refaire une présentation de l'économie politique : celle d'Éconoclaste. Abordons juste un article (je vous trouverai les références, promis) qui part de constat suivant : comment se fait-il que les déficits budgétaires américains les plus importants aient toujours eu lieu sous des administrations républicaines, chez des gens dont le discours est hostile au déficit ? La réponse des auteurs est la suivante. Ils partent des préférences des Républicains : pas de déficit. Or, s'ils perdent les élections, ils savent que les Démocrates qui vont les suivre vont faire autant de déficit que possible, pour payer leurs programmes d'aide sociale. Sachant cela, une manière d'empêcher les Démocrates de faire trop de déficit est de leur lier les mains en en faisant maintenant, plus précisément en faisant un déficit tel qu'il obligera les Démocrates à la rigueur budgétaire, et à renoncer à une partie de leur promesses, ce qui sera utiles aux Républicains à l'élection suivante.

L'avantage de cette explication est qu'elle produit une prédiction testable : le déficit encouru par les Républicains devrait être d'autant plus prononcé que leurs chances de perdre les élections sont fortes. Les auteurs font le test, et force est de constater que cela marche.

En quoi cela nous éclaire-t-il sur la situation française ? Prenon Jacques Chirac : il a une préférence marquée pour un Président gaullien : figure de la France à l'étranger, qui survole les sujets de politique intérieure pour ne donner que les grandes orientations. Quelles sont les préférences de ses successeurs potentiels ? Les socialistes sont fondamentalement des parlementaristes, et donc ont plutôt une préférence pour un Président plus faible. De l'autre côté, Nicolas Sarkozy a pour programme d'éliminer la fonction de Premier Ministre pour avoir un Président (lui) qui s'occupe de tout, un monarque constitutionnel comme peut l'être le Premier Ministre britannique.

Si Jacques Chirac pensait que les socialistes allaient gagner, son intérêt serait certes de rendre la présidence la plus forte possible, pour les obliger à prendre du temps pour l'affaiblir. Mais inversement, s'il pense que c'est Nicolas Sarkozy qui lui succèdera, alors son comportement s'explique. En sabordant la fonction présidentielle, il l'oblige à déployer beaucoup d'efforts pour pouvoir rendre crédible son programme de présidentialisation du régime. Temps au cours duquel la main sera au Parlement, au sein duquel Jacques Chirac a encore de l'influence.

Oui, c'est de l'économie politique de comptoir. Mais je trouve qu'avant de parler de république bananière, il ne faut pas se demander pourquoi un vieux routard de la politique comme Jacques Chirac comment si ouvertement de telles gaffes.