Ma perspective générale est simple, et probablement naïve : les principaux blocs de coût de la transition écologique vont probablement être :

  • L'énergie en général : on va sortir des énergies fossiles dans un contexte ou les énergies de remplacement sont, et resteront pour un certain temps, plus onéreuses. Cela va particulièrement impacter le transport individuel - les voitures, et les dépenses de chauffage et climatisation (il va y avoir des vagues de chaleur, donc ne pas oublier la clim, très énergivore).
  • L'alimentation : comme le montrent les analyses récentes de Our World in Data, le transport est marginal dans les impacts en termes de CO2. La pression va donc porter d'abord sur la consommation de viande, à commencer par la viande bovine. Sur un plan plus large, on voit mal comment nous échapperons à une baisse au moins transitoire des rendements agricoles, donc un renchérissement des aliments et à tout le moins un coût de changement des habitudes alimentaires, le temps de réadapter nos habitudes à la nouvelle offre.

Pourquoi cela concernerait-il particulièrement les classes moyennes ? Je me trompe peut-être, mais il me semble que le modèle d'habitation et de consommation des classes moyenne comporte une large part de ces biens. Je pense ne pas me tromper en disant que l'idée de ménage de la classe moyenne évoque un ménage habitant dans un pavillon ou une maison, et se déplaçant majoritairement en voiture - deux voitures le plus souvent. Avec la crise des Gilets jaunes, on a vu comment le budget alloué au transport représentait à court terme une dépense contrainte. Il ne me semble pas que cela puisse aller en s'arrangeant : à moins d'arriver à une énergie aussi facilement stockable et peu coûteuse, il sera de moins en moins raisonnable de déplacer une tonne de métal pour transporter 80 km d'humain. Concrètement, cela va accentuer la proximité avec des classes populaires plus utilisatrices de transports en communs, et la classe moyenne supérieure qui a les moyens de se loger à proximité de son travail. Tout cela, évidemment, est bien connu et identifié, il me semble.

J'ai moins clairement vu exprimé le fait que les mêmes causes vont renchérir le coût de l'habitat. Qu'on me corrige si je me trompe, mais une maison avec cinq parois en contact avec l'extérieur requiert plus d'énergie par personne à chauffer qu'un logement collectif, avec une ou deux parois extérieures. Certes, il y a des progrès à faire du côté isolation, mais les calculs que j'ai vus indiquent des gains, et donc des retours sur investissement, assez faibles. Des travaux de ce type seront d'autant plus difficiles à financer que le niveau de vie des ménages concernés sera déjà sous pression.

Si j'assemble ces deux éléments, il me semble difficile d'échapper à la prévision d'une dépréciation très sensible des maisons individuelles, particulièrement celles mal desservies par les transports. La classe moyenne se trouvera donc non seulement exposée à une baisse de son niveau de vie (flux), mais aussi à une baisse de son patrimoine (stock), l'immobilier étant la composante essentielle du patrimoine en question. Or, ce patrimoine est souvent mobilisé de manière prospective pour expliquer que les finiront par s'y retrouver en termes de richesse, ou pour financer la dépendance.

De manière plus hypothétique, j'imagine que l'évolution des habitudes alimentaires ne se fera pas sans coût. Le régime alimentaire à une charge symbolique forte, et je ne serais pas étonné qu'on assiste à une forme de crispation identitaire autour de ce thème lorsque la contrainte du prix se fera sentir.

Tout cela augure donc il me semble d'une période prolongée de difficultés structurelles pour les classes moyennes, qui me semble être les plus directement touchés par les conséquences anticipables de la transition. Je serais ravi qu'on me montre que ce pessimisme est mal placé.