Le financement public du cinéma en question
Le gouvernement britannique a annoncé, apparemment sans prévenir les principaux intéressés, la fin du UK Film Council, mis en place en 2000 par le gouvernement travailliste. S'il ne fait guère de doutes que la mesure est prise avant tout pour faire des économies (la culture dans son ensemble étant une cible privilégiée des coupes budgétaires en cours), l'événement fait ressortir des arguments intéressant sur la question du financement public du cinéma. Parmi ces arguments, quelques-uns auxquels le CNC serait sans doute bien inspiré de préparer une réponse solide.
Le UK film Council n'avait certes ni l'ancienneté ni le même mode de financement que le CNC. Sont site, toutefois, s'était distingué par la qualité de sa réalisation et surtout par sa communication statistique qui en a fait une référence pour le cinéma britannique, y compris dans la commande d'analyses et de rapports à des universitaires. Surtout, son aide au financement du cinéma britannique est présentée par ses défenseur comme le ciment de cette industrie. Si le débat dans son ensemble sera probablement intéressant à suivre, les deux axes d'attaque essentiels contre l'action de l'UK Film Council semblent déjà dessinés :
- La recherche du succès : cet article du Guardian (qu'on ne peut soupçonner d'être pro-gouvernemental) relève que le principal reproche fait à l'UK Film Council est d'avoir concentré ses moyens sur des films à gros budget, plus précisément des feel-good movies, au détriment de sa mission d'encouragement à la création. Une rapide recherche m'indique que Le Vent se lève a reçu du fonds £545 000, contre £945 043 pour Joue-là comme Beckham, sans correction pour l'inflation. C'est évidemment sans compter tous les projets qui n'ont pas été fondés. Ce type de reproche est également récurrent lorsqu'il s'agit du CNC, on se rappelle l'affaire du financement de Un long Dimanche de fiançailles. Le CNC semble toutefois avoir une politique nettement plus diversifiée, la critique inverse, celle du saupoudrage, étant tout aussi fréquente (sans que les deux soient exclusifs d'ailleurs, la conjonction de la concentration des moyens sur les grosses machines et le saupoudrage étant deux travers constants de financement de la culture en France).
- L'effet d'éviction : il semblerait également que l'action de l'UK Film Council, qui exerçait une pression forte sur la direction artistique des films subventionnés (décision du montage final, en particulier), ait activement découragé des investissements privés dans le cinéma. Dans le monde anglo-saxon, c'est une tare rédhibitoire, évidemment. La question se pose cependant aussi en France, plutôt sur le mode de savoir comment le fonctionnement des subventions du CNC affecte les incitations privées au financement du cinéma.
Je suis curieux de savoir si un débat sur la question traversera la Manche, ou se résumera à un satisfecit concernant le fonctionnement du cinéma français.
Publié le jeudi, août 5 2010, par Mathieu P. dans la catégorie : Économie de la culture - Lien permanent
Commentaires
vendredi, août 6 2010
19:08
1. Ah, les goûts et les couleurs... L'avantage du financement par '"argent privé", c'est que ce genre de reproche ne peut pas vraiment avoir lieu. Dès que l'argent du contribuable est utilisé pour financer des biens ou des services qu'il n'aurait pas nécessairement choisi de financer lui-même s'il avait pu le conserver, le (vaste) problème se pose. Bien sûr, nous sommes en démocratie représentative.
2. Pour le cas français, pas facile d'imaginer comment commencer à répondre à votre question tant l'industrie audiovisuelle et cinématographique en France repose fortement, pour ne pas dire entièrement, et depuis pas mal d'années voire de décennies sur le vaste système d'intervention publique au sens large existant (dizaines de mesures du Centre national du cinéma et de l'image animée, chronologie des médias, diverses autres réglementations (obligations d'investissement, obligations de diffusion, etc.), taxes, "copie privée", IFCIC, etc.).
Je suppose que les satisfecit seront les plus nombreux à se faire entendre.
— Moggio