Dans tout ce qui suit, je pars de l'idée que la distribution des revenus issus de la licence globale repose sur les principes suivants :

  1. Efficacité économique Du point de vue de l'économiste, le principe même du droit d'auteur patrimonial est de fournir aux artistes des incitations (matérielles) à exercer leur activité de création en leur donnant un monopole temporaire[1] sur leur création (alors que celle-ci est essentiellement reproductible à coût nul). Le mécanisme de redistribution de la licence doit donc s'attacher à fournir les incitations jugées socialement désirables.
  2. Diversité Faute de pouvoir définir ce qu'est de la musique de qualité, le système doit viser à permettre une création aussi diversifiée que possible, tant dans ses formes que dans ses contenus.
  3. Soutenabilité Le but de la licence globale n'est pas de créer une nouvelle classe de rentiers, mais de fournir un complément de revenu à des artistes de manière à ce qu'ils puissent vivre essentiellement de leur activité artistique.

Les deux premiers principes poussent dans le sens d'une licence globale redistributive, c'est-à-dire relativement plus généreuse pour les artistes modestes, car peu connus ou s'adressant à des marchés de niche, que pour les artistes établis, qui disposent déjà de revenus confortables. En termes d'efficacité économique en effet, l'effet incitatif marginal décroît avec le montant de la somme versée pour des revenus assez élevés : pense-t-on que les quelques milliers d'euros que Johnny tirerait d'un tel système augmente significativement son incitation à sortir un nouvel album, sachant que ce qu'il va retirer de cet album en termes de revenus directs (royalties) et indirects (concerts) est très nettement supérieur ? Cette faible efficacité à des niveaux de revenus élevés plaide pour une majoration des sommes tirées de ce système, ou pour une forme de substitution entre revenus tirés de la licence et revenus directs. L'argument de stabilité, me fait-on remarquer, plaide également pour un étalement dans le temps des versements, typiquement sur plusieurs années, afin de ne pas subordonner les revenus de l'ensemble des artistes concernés aux variations de l'offre et du succès une année sur l'autre.

Le même argument d'efficacité veut que le système soit également assez peu généreux avec les artistes vraiment marginaux (du type groupes de potes dans leur garage) dans la mesure où les faibles sommes qu'ils recevraient ne seraient de toutes manières pas suffisantes pour leur permettre une augmentation significative de leur activité artistique. Sur cette partie de la courbe, l'argument d'efficacité économique est concordant l'argument de soutenabilité[2].

En partant de l'idée que le montant distribué sera assis sur une mesure de la popularité des artistes concernés, il ressort de ces deux arguments que la courbe liant popularité et montant distribué doit être plate a début et à la fin, et relativement pentue au milieu. On m'a indiqué que la courbe de Gompertz, correspondait à cet objectif et pouvait être finement paramétrée.

La question est ensuite de savoir comment décider de ces paramètres. Pour ce faire, il faut disposer de données sur les revenus des artistes que je n'ai pas actuellement le temps de chercher. Si l'exercice est intéressant en soi, il faut connaître à la fois le montant de la licence et la distribution des revenus pour pouvoir dire quelque chose d'utile. Je passe donc sur cette question.

Il s'agit maintenant de trouver un indicateur de popularité qui pourrait servir de base à la répartition des revenus selon une telle loi. Ce sera l'objet du prochain billet.

Notes

[1] Oui, je sais, avec un copyright à mort + 70 ans, c'est un peu osé de parler de « temporaire ». C'est une autre discussion.

[2] On m'a suggéré que la subvention aux artistes les plus modestes pouvait se faire sous la forme d'accès à des salles de spectacles. Je suis assez réservé sur cette idée, dans la mesure où elle permettrait aux propriétaires de salles d'extraire une large partie de la subvention concernée, et aurait des effets très contrastés en fonction du type de musique concernée.