Sur les universités et la LRU

C'est à mon avis une assez mauvaise chose que l'abrogation de la LRU se soit agrégée aux revendications du mouvement en cours. D'une part, c'est probablement un but inaccessible (d'autant plus que les présidents d'université y sont favorables), et d'autre part cela reste, à mes yeux, une bonne réforme.

La réforme du statut a ensuite été présentée comme une conséquence logique de la LRU. Pourquoi pas. La modulation du service constitue à mes yeux une bonne idée, dans la mesure où les jeunes enseignants-chercheurs sont écrasés par la charge de cours les premières années, ce qui les coupe dans leur programme de recherche. Si on en était resté à la proposition d'une possibilité de modulation sur plusieurs années, encadrées par le conseil scientifique avec le conseil d'administration et le président comme recours en cas de difficulté, avec des modulations volontaires, cela aurait été une bonne chose. Sauf que le but initial, dégager du temps pour les jeunes chercheurs, a été totalement oublié au profit d'une logique purement répressive : on va utiliser la modulation pour faire peur à ceux qui ne produisent pas assez de recherche.

L'objectif comme le moyen sont profondément idiots : on augmentera la production totale de recherche en France en permettant aux EC de faire plus de recherche, pas en faisant la chasse à ceux qui n'en font pas. Le problème des EC qui ne font pas leur travail existe, je le reconnais, mais il est différent (et d'ailleurs, le problème ce sont plutôt les EC qui ne font ni recherche ni enseignement de qualité : j'en connais, et j'en ai entendu certains passer de temps en temps à la radio). Le moyen est tout aussi idiot : comment espérer de quelqu'un qui ne fait pas son travail de recherche qu'il fasse de bonne grâce un enseignement qu'on lui impose comme une sanction ? La modulation était une bonne idée, comme moyen de donner de la souplesse aux chercheurs, pas comme moyen de contrôle. Un délire managérial est ainsi venu entraver ce qui aurait pu être un progrès.

Sur les concours de l'enseignement

Il en va de même pour les concours de l'enseignement. Le recrutement actuel pose problème, et le moindre est peut-être que c'est le programme des concours qui fixe l'agenda de recherche d'une grande partie des chercheurs. Vouloir augmenter le niveau de qualification et de compétence des enseignants, et par conséquent leur rémunération, me semble plutôt une bonne chose, tout comme une certaine professionnalisation du cursus.

Sauf que là aussi, cette réforme n'a pas été implémentée dans ce sens (améliorer la qualité des personnels), mais purement dans celui de faire des économies. On a ainsi quelque chose qui se veut comme une formation professionalisante alors que le nombre de stages est dramatiquement inférieur à celui des candidats, qui garde les inconvénients du concours centralisé sans les avantages, et surtout qui vide de contenu la formation : les universités se sont aperçues qu'elles avaient tout juste les crédits pour faire l'enseignement de pédagogie, aucun moyen n'étant prévu pour les contenus disciplinaires.

Sur le CNRS

Sur ce point, la réforme me semble moins urgente : contrairement aux dysfonctionnements flagrants de l'université et de l'enseignement secondaire, non seulement le CNRS fonctionne bien (avec des chercheurs qui acceptent d'être sous-payés en échange d'une absence de charge fixe d'enseignement), mais en plus il concerne relativement peu de monde. C'est donc à mon sens essentiellement par idéologie que cette réforme est poussée en avant, le CNRS faisant obstacle au fantasme d'un pilotage de la recherche en fonction des lubies de l'exécutif.

En fait, le point commun à toutes ces réformes, et à bien d'autres menées par ce gouvernement semble-t-il, c'est l'écart entre l'objectif affiché de donner plus d'autonomie aux acteurs, et une implémentation qui cherche manifestement à rassembler tous les leviers entre les mains du pouvoir central, en réduisant au passage les moyens au maximum et sans considération pour la dégradation de la performance du système.