Protectionnisme et exception culturelle
Récemment, Econoclaste-SM s'est fendu d'une note de lecture très fouillée (comme d'habitude d'ailleurs) concernant le dernier livre de Françoise Benhamou sur l'exception culturelle. En ces temps ou des Todd et autres Sapir professent des énormités concernant la nécessité d'un protectionnisme européen, je voudrais revenir rapidement sur celui concernant les produits culturels.
Les biens culturels constituent, exception culturelle oblige, un des secteurs les plus protégés de l'économie. La protection est d'abord naturelle : il y a la double barrière de la langue et de la culture, sans lesquelles les produits culturels n'ont pas de valeur, donc pas de sens. Il serait absurde de déplorer ces barrières, puisqu'elles sont "naturelles". Quoique... force est de constater que certains pays, au premier rang desquels le Royaume-Uni ou la France, font très peu d'efforts pour promouvoir le plurilinguisme dans leur population, et encore moins l'éducation aux cultures étrangères. Ouvrez un manuel d'anglais ou d'allemand de lycée : l'essentiel du matériel est tiré d'articles de journaux, traitant de "sujets d'actualité", au détriment des extraits littéraires et des fondamentaux culturels. De même, il faut se garder de donner trop de poids à l'importance de la culture d'origine : des biens culturellement très marqués, comme Le Voyage de Chihiro (jugé à l'origine inexportable en raison de l'omniprésence de références au monde des divinités japonaises) sont l'exemple d'exportations réussies.
Passons maintenant au protectionnisme culturel. Pratiquement tout l'arsenal est déployé : quotas de diffusion, subventions à la production et à l'exportation,... Quelle justification pour cela ? L'argument essentiel est qu'en l'absence de ces protections, la demande se concentrerait sur quelques bien de consommation facile, culturellement pauvres, au détriment de biens plus difficiles d'accès. Pour un économiste normalement constitué, cet argument est difficile à avaler, car il repose in fine sur un jugement de valeur : il y a les "bons" biens culturels, exigeants, inaccessibles au profane, et les "mauvais", qui n'apportent que divertissement.
Un tel paternalisme culturel peut certes avoir un sens si les "bons" produits culturels présentent des externalités positives dont sont dépourvus les "mauvais": il est parfaitement argumentable que la lecture de Balzac est plus formatrice que celle de Guy des Cars. Mais alors, pourquoi ne pas le dire clairement, plutôt que faire la politique de saupoudrage culturel que dénonce Françoise Benhamou ? C'est que le secteur culturel franà§ais est atteint de schizophrénie. Il est déchiré entre son snobisme, qui prend comme critère de qualité le fait d'être rejeté par le grand public et acclamé par quelques happy few, et d'autre part la prohibition absolue de lier tout mécanisme d'encouragement à un jugement de valeur qui renverrait la politique culturelle à l'époque de l'art officiel et de la censure.
En d'autres termes, la question importante est de savoir qui est le juge. Et là , vous m'aurez vu venir : d'une manière ou d'une autre, c'est le marché. Qu'il s'agisse de petits marchés de niche (galeries d'art, politique d'achat de musées) ou de marchés très larges (pour les films), c'est au final la demande pour le bien culturel qui détermine son succès ou son échec. La meilleure preuve vient probablement du cinéma, où¹ le système d'aides le plus apprécié est celui des aides automatiques, conditionné au nombre d'entrées.
Pourquoi alors tant d'histoires ? c'est que non seulement, à force de saupoudrages peu efficaces, des sommes finalement importante soutiennent un système de clientélisme artistique peu efficace, mais surtout qu'on ignore tout de cout effectif des mesures non-tarifaires, quotas et prix unique du livre, et de leur impact sur la culture. En France, la vulgate sur ce point veut que l'amour de l'art soit tel que les consommateur de biens culturels, les vrais, les bons, ne soient pas très sensibles aux prix. Je ne suis pas convaincu.
Publié le mercredi, mars 28 2007, par Mathieu P. dans la catégorie : Propriété intellectuelle - Lien permanent
Commentaires
mercredi, mars 28 2007
18:28
Je pense que vous oubliez une justification du protectionnisme/exception culturelle dans votre propos : les biens culturels ne sont pas des "biens comme les autres", parce qu'ils ont une dimension symbolique et charrient, par conséquent, des normes et des valeurs.
— BadtzDerrière cet argument, il y a, bien sûr, la crainte d'une américanisation du monde et la lecture de la réception culturelle en termes "d'effet", dans la tradition de l'école de Francfort.
On peut estimer l'argument excessif ou considérer qu'il contient une part de vérité. Mais il me semble important de le rappeler.
mercredi, mars 28 2007
19:43
pour 30€ par mois on a accès à tous les biens culturels de la planète qui sont des biens comme les autres.
— sachmosamedi, mars 31 2007
10:05
Oulala...
— AJCPas d'accord, du tout.
Bon, déjà , me semble que les biens culturels ne peuvent être considérés comme tous de même valeur symbolique, si l'on utilise un langage Bourdieusien. (Ou proto-Bourdieusien, simplifié.)
Là où le problème se loge, c'est effectivement dans le fait qu'il y a un effet d'éviction des produits culturels "hauts de gamme" ou réellement construits autour de normes précises, d'une tradition, etc. au profit de produits culturels dont l'unique but est de faire de l'argent. Ces derniers sont terriblement plus pauvres sur de nombreux points, mais sont appréciés des masses.
Pose toi la question : et si l'on décidait de laisser la recherche des sciences sociales se décider par le marché ? Si les seuls auteurs qui pouvaient se faire entendre au sein du champ des sciences économiques, de la sociologie... étaient ceux qui pouvaient en vivre ?
Il resterait Sapir et quelques autres, justement. Maris ? Sûrement. Levitt ? Krugman ? Ils n'auraient pas de souci avec ça. Bref, que des "intellectuels médiatiques" à pauvre reconnaissance interne ou alors des "stars" de l'économie.
Mais les autres ? Ceux qui participent à l'effort de recherche sans pour autant publier de bouquins à tirage important ? Ben... évincés. Paf. Comme ça. Et sans aucun doute, la science économique tout comme la sociologie ou d'autres sciences molles stagneraient, car les "stars" ne pourraient pas tout faire toutes seules.
Et sans un champ suffisamment solide et défendu, on se retrouverait à comparer Krugman à Maris sans problème, en se disant qu'au final, le snobisme des "vrais économistes" on en a rien à carrer. (Ce qu'il se passe déjà , hein... mais là on pourrait parler d'une généralisation de cela : Krugman se vendrait sûrement moins que Maris en France, donc Maris serait plus important que Krugman. Wouhou !)
Le problème avec la culture est proche de celui de la recherche : on se retrouve avec un champ "central", important, qui considère ce qui est bon et ce qui ne l'est pas. Pas uniquement par snobisme, mais également pour définir des repères, des normes, des lois, des règles. Ces dernières, on peut soit les briser, soit les accepter. Soit être un hétérodoxe, soit entrer dans une forme d'orthodoxie assez calme.
Mais ces repères, il faut malheureusement les sauvegarder. C'est là que l'effort financier intervient, afin de protéger l'Académie Française, certaines productions locales, des associations littéraires, etc.
Le problème de la culture, c'est que beaucoup la considère comme divisée en deux : d'un côté des snobs, de l'autre des auteurs populaires mais méprisés par les élites.
Le fait est que s'il existe cette forme de polarisation, c'est bien pour une raison. Parce que ce n'est pas demain que ceux cherchant absolument à générer du fric (Et uniquement cela.) par le biais d'une culture produite industriellement (Les scénarii pré-formatés, les romans au schéma pré-établi, l'orientation des grosses boîtes de production privées...) iront innover pour la beauté de l'art et pour son évolution.
Dès que l'on détruit les normes d'un champ, dès qu'il y a anomie totale, les repères manquent et on peut tout juger de la même façon : Star Académie pourrait être autant artistique que Mozart, Werber pourrait être comparé sans complexe à Zola, etc. et au final, on irait jamais discuter les goûts et les couleurs, juste parce qu'on aurait aucun repère pour cela.
Après, si tu penses que tout cela n'est question que de snobisme lorsqu'il s'agit de différencier la "haute culture" de la "culture populaire", me semble que tu devrais -peut être- te lancer dans une re-culturisation de ta personne. :oD
Un peu d'histoire de l'art, de sociologie de l'art, et un peu de lecture d'analyses de textes, de films ou de musique, permettent de se rendre compte de l'importance des normes dans ces milieux... (Même si je suis contre le snobisme qui entoure les "élites" de ces champs : malheureusement, la possession de crédits symboliques et culturels importants, tout comme la possession de crédits économiques, va rarement de pair avec la modestie et la volonté de partager tout cela... :oS)
Amicalement,
AJC
samedi, mars 31 2007
18:01
J'ai un peu de mal à comprendre l'argument d'AJC autour de la comparaison avec la science. Que je sache, en sciences, il n'y a aucune forme de protectionnisme. Certains domaines scientifiques sont mêmes très nettement internationalisés, plus que certains domaines de la culture. Et pourtant, cela n'a pas empêché de grands scientifiques d'apparaitre et d'apparaitre encore. Pour reprendre le système bourdieusien, il n'est pas évident que l'ouverture internationale du champ lui ait fait perdre de son autonomie - car c'est là l'enjeu. Le champ culturel peut garder une relative autonomie même internationalisé. Si on s'en reporte au petit repère de Benhamou, justement, le secteur économique de la culture est de type "oligopole avec frange concurrentielle". Rien n'empêche que l'innovation culturelle et les oeuvres de qualités se développent dans la frange concurrentielle - les labels indépendants par exemple - avant, éventuellement, de se diffuser plus largement par le biais des majors. Le secteur musical marche ainsi depuis assez longtemps et n'a pas empêché de grands artistes d'apparaitre (on pourrait même aller jusqu'à soutenir que le système offre plus de liberté au créateur que le mécenat royal, qui n'a pourtant pas empêché Molière d'exister.
— BadtzMaintenant, sur le plan de la culture, la justification du protectionnisme - l'exception culturelle - passe beaucoup moins par une volonté de protéger la qualité des oeuvres que par celle de protéger les cultures - au sens anthropologique - locales. Défendre la diversité culturelle et non uniquement la "haute culture" autrement dit. Maintenant sur la légitimité de cet argument et l'efficacité de la mesure, je m'interroge moi-même.
samedi, mars 31 2007
18:02
J'ai un peu de mal à comprendre l'argument d'AJC autour de la comparaison avec la science. Que je sache, en sciences, il n'y a aucune forme de protectionnisme. Certains domaines scientifiques sont mêmes très nettement internationalisés, plus que certains domaines de la culture. Et pourtant, cela n'a pas empêché de grands scientifiques d'apparaitre et d'apparaitre encore. Pour reprendre le système bourdieusien, il n'est pas évident que l'ouverture internationale du champ lui ait fait perdre de son autonomie - car c'est là l'enjeu. Le champ culturel peut garder une relative autonomie même internationalisé. Si on s'en reporte au petit repère de Benhamou, justement, le secteur économique de la culture est de type "oligopole avec frange concurrentielle". Rien n'empêche que l'innovation culturelle et les oeuvres de qualités se développent dans la frange concurrentielle - les labels indépendants par exemple - avant, éventuellement, de se diffuser plus largement par le biais des majors. Le secteur musical marche ainsi depuis assez longtemps et n'a pas empêché de grands artistes d'apparaitre (on pourrait même aller jusqu'à soutenir que le système offre plus de liberté au créateur que le mécenat royal, qui n'a pourtant pas empêché Molière d'exister.
— BadtzMaintenant, sur le plan de la culture, la justification du protectionnisme - l'exception culturelle - passe beaucoup moins par une volonté de protéger la qualité des oeuvres que par celle de protéger les cultures - au sens anthropologique - locales. Défendre la diversité culturelle et non uniquement la "haute culture" autrement dit. Maintenant sur la légitimité de cet argument et l'efficacité de la mesure, je m'interroge moi-même.
samedi, mars 31 2007
18:52
Ce qui s'est passé en Bretagne autour notamment du festival des vielles charues prouve qu'on peut à la fois être international et préserver son identité culturel, sans pour cela verser dans le snobisme cher aux happy fews
— Vereldimanche, avril 1 2007
06:05
Badtz :
— AJCLa comparaison était surtout là afin de laisser l'imagination faire : et si l'on laissait le marché s'occuper de la recherche ? (Au lieu de subventionner ce qui sera reconnu comme intéressant, de qualité, présentant de fortes externalités positives, etc.)
Idem pour la culture : et si on laissait faire le marché, sans trop de soucier de protéger ce qui pour certains pourraient passer pour une sorte d'identité nationale et pour d'autres, une sorte de volonté de construire une voie originale pour l'art. Une sorte de "recherche" sans pour autant qu'elle soit scientifique. (D'où les aides fournies à ceux faisant par exemple de "l'expérimental", ceux qui font des films qui ne sont pas des blockbusters, etc.)
L'ouverture de la science au niveau mondial lui a beaucoup apporté, effectivement... mais on peut dire la même chose de la culture... (De nouveaux courants sont apparus, les échanges ont énormément apporté, etc.)
Ce n'est pas une question d'ouverture/fermeture aux cultures étrangères qui est important, ici... mais plutôt celle de "protéger par la subvention" et l'obtention d'un certain temps d'antenne au niveau radiophonique/télévisuel.
Amicalement,
AJC
dimanche, avril 1 2007
11:13
ACJ, tu pars d'une hypothèse qui est tout sauf évidente : celle de l'effet d'éviction de la « bonne » culture (difficile, enrichissante, etc.) par la « mauvaise ». Malheureusement, cette tarte à la crème du débat culturel reste à prouver. L'exemple des Vieilles charrues, ou des Interceltiques, montre à tout le moins que les deux logiques ne sont pas antinomiques. Je crois qu'il faut se garder de tomber dans la tentation de la distinction au petit pied voulant que le fait d'être incompris ou négligé des « masses » (naturellement ignorantes) est une condition nécessaire et suffisante pour être de la « haute » culture.
Concernant la recherche, ton exemple est particulièrement mauvais. La production de la recherche en économie prend effectivement la forme d'un marché, qui est celui des postes d'enseignement et de recherche, avec les publications comme signal. Pire encore, ce marché est monolingue, puisque l'anglais y est la langue de référence. Est-ce pour autant que la recherche en économie est stérilisée par cette organisation ? Au contraire.
Quant à l'idée de me re-culturer, merci, je ne pense pas en avoir particulièrement besoin, ancien B/L et époux d'une thésarde en Lettres que je suis. Préférer voir La Maman et la putain, Le Dernier Métro ou Land of Freedom plutôt que 300 ne m'empêche pas de constater l'inefficacité du système de protection actuel, qui fournit des rentes conséquentes non pas aux auteurs, mais aux libraires, éditeurs et distributeurs.
— leconomistedimanche, avril 1 2007
12:31
Fallait pas te sentir agressé par ma petite pique concernant la culture, l'Economiste. :oD
— AJCEt j'avais pas besoin de ton CV au passage. ;o) J'ai déjà rencontré des types correctement formés qui n'avaient pas une once de recul sur leur culture ni même sur la manière de placer celle-ci par rapport au champ culturel en général.
Je suis très heureux de connaître le niveau universitaire de ta femme, tu me sembles plus humain désormais. (Excuse mon ignorance, mais c'est quoi, B/L ?)
Mais franchement, sans vouloir être (Trop.) vulgaire, tenter de faire le lien entre ton niveau culturel et l'importance des crédits culturels et symboliques que tu as pu stocker dans ton ménage, je n'en ai absolument rien à foutre.
Tu pourrais tout aussi bien m'affirmer que tu as un CAP menuiserie que cela ne changerait rien.
Mais si mon ton, dans mon premier message, a pu te sembler agressif, moqueur ou autre, entraînant cette volonté d'étaler quelques morceaux de ta vie privée, je te présente toutes mes excuses.
"Je crois qu'il faut se garder de tomber dans la tentation de la distinction au petit pied voulant que le fait d'être incompris ou négligé des « masses » (naturellement ignorantes) est une condition nécessaire et suffisante pour être de la « haute » culture."
J'ai dit ça, moi ? ^^'''
C'est justement là que se pose le problème : les différences entre culture "d'élite" et culture "populaire" (Je simplifie à mort, et utilise malheureusement des termes connotés.) ne se trouve pas que dans la construction d'un fossé entre les snobs et les prolos intellectuels...
Si justement le marché littéraire était subitement dérégulé, on ne se retrouverait pas avec une préférence des éditeurs pour la littérature de masse, présentant généralement peu d'interêt au niveau artistique ?...
Idem pour la production cinématographique : si d'un coup les subventions disparaissaient, cela ne nuirait pas au cinéma d'auteur et aux petits cinémas ne vivant que de ces subventions, justement ?
Et est-ce que cela ne porterait pas un coup à la production "alternative", disons... ce que l'on pourrait considérer comme quelque chose de plus innovant, intéressant et profond que "300", justement ?
"Concernant la recherche, ton exemple est particulièrement mauvais. La production de la recherche en économie prend effectivement la forme d'un marché, qui est celui des postes d'enseignement et de recherche, avec les publications comme signal."
Tu as parfaitement raison, mon exemple était foireux. :oD
Néanmoins, ce marché a des institutions propres permettant de poser quelles sont les repères, les "normes" propres aux signalements, par exemple. (Quelles sont les bonnes revues ? En quoi un article dans Picsou Magazine n'aura que peu d'impact sur la carrière d'un économiste ? A qui filer les postes de chercheurs payés par l'Etat ?) Bref, on ne laisse pas faire le marché de manière simple : on lui a posé des règles, on a créé des institutions. Un marché existe encore, mais il s'agit d'une création institutionnalisée.
Le fait est que dans le milieu artistique au niveau de la culture en générale, ces normes et repères, si on laissait "faire le marché" (Suppression des subventions, aucun jugement de valeur concernant les oeuvres d'art, etc.), me sembleraient en danger.
Ou alors, le "snobisme" que tu critiques tant s'accentuerait encore plus : qui aurait alors la capacité de se payer un accès aux oeuvres suffisamment diversifié et développé ? En sachant qu'une dérégulation et une suppression des subventions amènerait sûrement une raréfaction des produits ainsi soutenus, aidés, ainsi que des centres de diffusions qui ne vivraient pas autrement ?
Je pense aux petits cinémas locaux qui projettent des films d'auteurs, aux petits libraires recevant des subventions, ainsi qu'à la manière dont sont fixés les prix dans le milieu de l'édition des livres, par exemple...
Le fait même d'affirmer qu'on ne peut faire de jugement de valeur concernant les oeuvres d'art me semble un peu dangereux... :oS
Tu ne penses pas d'ailleurs que ces jugements de valeur sont comparables, entre la culture et la recherche, au niveau du fait qu'il s'agit effectivement de marchés dans les deux cas, mais possédant des institutions permettant de définir à qui filer les subventions et postes, à quelle hauteur, etc...?
Amicalement,
AJC
PS : A noter que moi-même je n'apprécie pas vraiment les effets de "snobisme" liés à la possession d'un certain crédit culturel ou symbolique. (Etrangement, je fais d'ailleurs ce rapprochement avec les gens qui donnent leur niveau de diplôme pour me parler de sa culture personnelle...) :oD
Néanmoins je pense que s'il existe des normes dans l'art, et des institutions encadrant le marché actuel de la culture, c'est bien pour quelque chose...
dimanche, avril 1 2007
12:35
Oula. Désolé pour les fautes ("quelles repères") et les multiples répétitions... ("justement ?")
— AJC:oS
Je crois que je vais aller dormir. Vivre la nuit et dormir le jour, ça marche que si l'on dort le jour, effectivement...
Amicalement,
AJC
dimanche, avril 1 2007
14:34
"Si justement le marché littéraire était subitement dérégulé, on ne se retrouverait pas avec une préférence des éditeurs pour la littérature de masse, présentant généralement peu d'interêt au niveau artistique ?..."
— BadtzJustement, l'argument de l'Economiste est de dire que ça n'a rien d'évident. Le rock ou le rap, et l'ensemble des musiques "amplifiés" se sont développé dans le marché et à travers de lui. Même, les subventions à ces genres musicaux ne sont intervenus qu'après que ceux-là soient installés ! On subventionne aujourd'hui du rock ou des musiques électroniques, mais ces deux genres se sont développés en dehors de toute institution publique, et parfois même - comme l'illustre le cas des raves et des free parties - contre elles.
"Néanmoins, ce marché a des institutions propres permettant de poser quelles sont les repères, les "normes" propres aux signalements, par exemple. (Quelles sont les bonnes revues ? En quoi un article dans Picsou Magazine n'aura que peu d'impact sur la carrière d'un économiste ? A qui filer les postes de chercheurs payés par l'Etat ?) Bref, on ne laisse pas faire le marché de manière simple : on lui a posé des règles, on a créé des institutions. Un marché existe encore, mais il s'agit d'une création institutionnalisée."
A mon avis - et l'Economiste dira s'il le partage ou non - tu te bases sur une illusion importante : celle qu'il existerait un marché sui generis, sans aucune institution - institution étant pris ici au sens durkheimien c'est à dire ne renvoyant pas nécessairement à une organisation en tant que telle, mais plutôt à un fait social, à des normes contraignantes. Si on supprime les subventions publiques à la culture, d'autres institutions demeureront, comme la hiérarchie des arts, le rôle des critiques, le fonctionnement du marché artistique analysé par Raymonde Moulin, etc. Il n'existe à mon avis aucun marché qui ne soit "pur", c'est-à -dire qui serait débarrassé de toute norme sociale - ce que Bourdieu, que tu citais dans ton premier message, avait très bien compris.
mardi, avril 3 2007
09:29
"Justement, l'argument de l'Economiste est de dire que ça n'a rien d'évident. Le rock ou le rap, et l'ensemble des musiques "amplifiés" se sont développé dans le marché et à travers de lui. Même, les subventions à ces genres musicaux ne sont intervenus qu'après que ceux-là soient installés !"
— AJCCe fut également le cas du jazz.
Malheureusement, lors de la création d'une nouvelle mouvance ou d'un nouveau support sans pour autant que l'on "protège" ce dernier par le biais de subventions, on peut observer un coût social important, car la non-légitimité de ces nouvelles oeuvres et tendances se trouve mêlé à des problèmes sociaux et économiques des populations locales.
Ce fut le cas du jazz, du rock, des musiques électro ou technos, du rap, où la drogue, une certaine précarité des acteurs des scènes propres à ces tendances artistiques, et une "mauvaise vision" de la part des courants légitimes amenaient un certain coût social.
Et c'est pour cela qu'il me semble plus intéressant de favoriser l'émergence de nouveaux courants par le biais de subvention qu'en laissant "faire les choses", en attendant, et en subventionnant ou en reconnaissant leur légitimité après coup.
"A mon avis - et l'Economiste dira s'il le partage ou non - tu te bases sur une illusion importante : celle qu'il existerait un marché sui generis, sans aucune institution - institution étant pris ici au sens durkheimien c'est à dire ne renvoyant pas nécessairement à une organisation en tant que telle, mais plutôt à un fait social, à des normes contraignantes."
Je me suis moi-même contredit à ce sujet, et mal exprimé. Mea culpa.
Pour moi, il existe nécessairement des institutions propres aux marchés, et je suis de ton avis à ce sujet.
Néanmoins, il me semble plus utile et intéressant de définir à l'aide de pouvoirs publics, ou d'accord régulé entre les acteurs de ces marchés, des institutions qui permettent d'obtenir une situation plus favorable aux buts que l'on se fixe.
Dans le cadre de la culture, par exemple, que les divers mouvements culturels puissent être disponibles au citoyen lambda sans pour autant qu'il n'ait à débourser des fortunes pour l'acquisition d'une oeuvre particulière ou de connaissances à ce sujet.
"Si on supprime les subventions publiques à la culture, d'autres institutions demeureront, comme la hiérarchie des arts, le rôle des critiques, le fonctionnement du marché artistique analysé par Raymonde Moulin, etc."
Evidemment.
Mais le phénomène de "snobisme" ne s'en trouvera pas plus accentué ?
Si d'un coup on arrêtait de définir des "valeurs" et priorités culturelles (Je ne me penche pas sur les subventions à exportation mais par exemple sur les régulations propres aux marchés culturels nationaux.), et qu'on laissait faire un marché aux institutions se fixant librement par accords entre acteurs, maisons d'éditions, etc. tu ne penses pas que la découverte d'arts particuliers ou intéressants serait plus complexe pour le citoyen moyen que s'il existait une régulation plus importante et des subventions.
Il existe déjà des fossés assez importants entre les différents groupes sociaux, au niveau culturel. Tu ne penses pas qu'une dé-régulation des marchés culturels amènerait à un accroissement de ces inégalités vis-à -vis de la culture ?...
Amicalement,
AJC
mardi, avril 3 2007
13:20
J'ai peur de ne pas bien saisir l'argument du "coût social". D'une part, les subventions étatiques ne s'appliquent elles mêmes qu'à des mouvements déjà lancés et naissant comme tu le dis des problèmes sociaux. Aujourd'hui des groupes de rock ou de rap, des initiatives électro et des orchestres de jazz sont subventionnés. Mais ils ne l'auraient jamais été à l'origine. J'ai beau cherché dans l'histoire récente, et je ne vois pas un mouvement artistique qui soit né directement des subventions - ce qui ne veut pas dire que ces subventions n'ont pas d'importance par la suite pour la survie de certains genres, mais on peut alors plus penser au statut des intermittents qu'au soutien direct à la création.
— BadtzD'autre part, on peut aussi estimer que le rock ou le rap ont pu servir à conflictualiser des problèmes sociaux, à leur donné une forme d'expression, ce qui a une utilité sociale incontestable. Là encore, les subventions arrivent "trop tard".
Enfin, s'il faut éviter les "coûts sociaux" de l'apparition des nouveaux mouvements artistiques, pourquoi ne pas s'attaquer directement aux problèmes sociaux ? Il sera plus utile, de ce point de vue, de lutter contre le chômage que de subventionner un artiste qui vivent dans un beau quartier et qui n'ait jamais touché à la drogue.
Pour le reste, l'accès de tous à la culture semble évidemment important. Et très éloigné de la question du protectionnisme culturel. Mais rien ne dit qu'il s'agit d'abord d'un problème de marché. Ni même que les subventions y changent quelque chose. L'Etat subventionne des artistes peintres qui, de fait, ne sont pas accessibles à tous, déjà parce qu'une bonne partie de la population ne comprend pas leur démarche - et on retombe, one more time, sur du Bourdieu. On peut même penser que le problème est moins du côté de la production que de l'accesibilité : subventionner un nouveau mouvement ou même un film sera peut être moins efficace que de lancer un nouveau festival (le festival d'Avignon semble avoir eu des effets encourageant sur la démocratisation de la culture au niveau local), un programme d'éducation ou une valorisation des pratiques amateurs. Là encore, rien n'est évident.
jeudi, avril 12 2007
22:33
Moi je me demande toujours QUI est le public de la culture subventionnée : s'agit-il de personnes qui, de toutes façons, seraient allées voir le spectacle? On prétend que le théatre subventionné, par exemple, permet de rendre le théâtre dit de qualité accessible aux "masses". Mais ces "masses" vont-elles vraiment plus au théâtre en France, patrie du théâtre d'Etat que, mettons, en Angleterre? Je me pose vraiment la question.
— cocomardi, avril 24 2007
17:15
Hello leconomiste,
— HS éconoclasteComment te contacte-t-on ? J'ai une question à te poser
SM
mercredi, avril 25 2007
10:46
Bonjour
— leconomisteMon adresse mail est dans un lien donné dans ce billet.