Éléments d'économie du copyright (1) : La saga des MP3
Les échanges de fichiers musicaux soumis à droits d'auteur ont et continuent à faire couler beaucoup d'encre et à user beaucoup de salive. De ce fait, même s'il est en passe d'être dépassé par les échanges de fichiers vidéo, ce thème constitue l'entrée en matière quasi-obligée dans la matière. Je sacrifie donc à cette obligation, en gardant en tête que ce débat occulte trop souvent les questions essentielles de l'économie du copyright.
Trois sources essentielles :
- P. Legros, "Copyright, Art and Internet: Blessing the Curse?", in Handbook of the Economics of Art and Culture, vol. 1, Victor A. Ginsburgh et David Throsby, chap. 9, p. 285-308, 2006, Elsevier, DOI: 10.1016/S1574-0676(06)01009-X.
- Ruth Towse, Christian Handke, Paul Stepan, "The Economics of Copyright Law: A Stocktake of the Literature", Review of Economic Research on Copyright Issues, 2008, vol. 5(1), p. 1-22.
- Ruth Towse, "Why has cultural Economics Ignored Copyright?", Journal of Cultural Economics, 2008, vol. 32, p. 243-259, DOI: 10.1007/s10824-008-9080-0.
Le débat sur le téléchargement est dominé par l'assertion selon laquelle le téléchargement explique tout ou partie de la baisse spectaculaire des ventes de disques depuis le début des années 2000 (voir les chiffres-clé du Ministère de la culture pour le cas français). Pourtant, les travaux empiriques réalisés sur ce thème ont bien du mal à faire apparaître ce qui devrait être un phénomène massif s'il a un tel impact sur les ventes.
L'essentiel de cette littérature (Hui and Png, 2003 constitue une exception) se concentre sur les seuls échanges en ligne, suite au procès de Napster. Il y a là évidemment une faille, puisque les échanges hors-ligne, s'ils impliquent de moindres effets de réseaux, peuvent également correspondre à des volumes très élevés (tiens, il y a 10Go de musique laissés par le précédent doctorant qui traînent sur un des PC du bureau). Admettons cependant que l'essentiel des fichiers copiés en violation du droit d'auteur le soient par l'intermédiaire de technologie de réseau, et que la baisse du coût des supports de stockage mobiles n'ait joué un rôle que marginal.
La dernière revue de littérature en date avant cette de R. Towse était celle de Leibowitz 2005. Les premières études (Leibowitz 2004, Zentner 2005, Peiz et Waelbroeck 2004) trouvent une corrélation entre déploiement du haut débit (ainsi que des téléchargements, sur la base de sondages) et la baisse des ventes de CD (ou des magasins spécialisés). Les élasticités de substitution ainsi calculées entre CDs et musique piratée semblent expliquer convenablement la baisse de 2001, mais seulement une fraction de celle de 2002. En tirant parti des différences entre genres, Leibowitz et Zentner relèvent que les genres les plus téléchargés sont également ceux dont les ventes baissent le plus.
À ce point-là, on en est au stade de la corrélation. Pour essayer d'aller plus loin, Oberholzer-Gee et Strumpf 2007 comparent les ventes hebdomadaires par album et le nombre de sources disponibles sur un réseau P2P donné, et concluent à un effet nul des téléchargements sur les ventes. Leibowitz critique violemment leur méthodologie. Dans le même temps, Zentner 2006 et Hong 2004 trouvent respectivement que les téléchargements expliquent 7,8 % et 30 % de la baisse des ventes. Prenant une autre approche, Rob et Waldfogel étudiens les comportements de 500 étudiants de premier cycle aux États-Unis, et trouve qu'un album téléchargé réduit de 20 % les achats de musique, et que la musique téléchargée est celle que les étudiants esiment la moins intéressante. Gohsh ''et al.'' 2005, Holm 2001 et Rochelandet et Guel 2005 trouvent des résultats similaires : la possibilité d'accéder à de la musique gratuitement réduit la propension à payer des consommateurs pour des copies légales, mais cette propension reste nettement positive. Les deux premiers concluent ainsi que des mesures de réduction des prix des CD seraient sans doute plus efficaces que des mesures répressives.
Les résultats obtenus sont donc assez nettement divergents, allant d'un effet nul (Oberholzer-Gee et Strumpf) à la mise en difficulté d'une industrie qui aurait dû continuer sur sa courbe de croissance (Leibowitz). Les autres papiers mettent également en évidence la participation d'autres facteurs, qui restent à identifier, à la réduction des achats de CD (oon peut penser en particulier à la baisse d'achats d'albums complets au profit de titres au détail). D'après Ruth Towse, le principal problème est celui de la qualité des données utilisées. De manière évidente, il est assez héroïque de vouloir généraliser à l'ensemble de la population des comportements observés chez des étudiants, plus technophiles et plus sensibles aux prix. Les études globales utilisent par ailleurs des indicateurs indirects, comme une connexion haut débit ou la possession d'un ordinateur pour estimer les activités de piratages, ce qui introduit à la fois des biais et des corrélation artificielles (par exemple, si les étudiants téléchargent tout en achetant autant de musique qu'avant, tandis que les jeunes actifs ont remplacés les achats de musique par la consommation de jeux vidéo). Les estimations des activités de piratage par déclaration des enquêtés produit un biais inverse de sous-estimation, tandis que la mesure directe effectuée par Oberholze-Gee ne concerne qu'un des multiples réseaux d'échanges. De plus, les mesures des ventes elles-mêmes proviennent pratiquement toujours de l'industrie du disque elle-même. La sensibilité de la question oblige à se poser la question de la fiabilité de ces données, qui peuvent être manipulées en interne. Enfin, fait remarquer Ruth Towse, toutes ces études font l'hypothèse implicite que l'industrie connaissait, au cours des années concernées, une forme d'équilibre concurrentiel. Cela est difficile à défendre quand le secteur a connu des mouvements de concentration très importants, qui ont eu un impact sur les politiques éditoriales des principales entreprises du secteur.
On peut ajouter à ces arguments que même une évaluation qui ne prendrait en compte que les intérêt des producteurs de musique ne saurait faire l'économie des effets distributif des échanges. Si les effets de ceux-ci sur les ventes des artistes les mieux établis semblent clairs et négatifs, il est possible que l'effet de découverte de nouveaux morceaux augmente la demande adressée à des artistes moins connus. Là encore, les données manquent. Il faudrait également pouvoir tenir compte des effets de cycle de vie des supports, le CD étant un produit relativement ancien, ainsi que des variations des prix relatifs, en particulier des autres formes de loisirs, jeux vidéo en tête.
Enfin, les gains éventuels des mesures répressives doivent être mesurées à l'aune de leur efficacité (douteuse, l'interdiction de Napster n'ayant conduit qu'à la multiplication de réseaux plus robustes), de leur coût (important, plus de 70 millions d'euros à payer pour les FAI ou Hadopi) et de leurs effets pervers (en termes de protection de la vie privée et d'image du secteur). En outre, il faut sans doute prêter l'oreille à l'idée que l'élasticité-prix des consommateurs a augmenté, et qu'une réduction des prix pourrait être plus efficace que la plupart des mesures répressives.
À la lumière de cette revue de littérature, il me semble assez clair que la loi Hadopi est au mieux inutile, et très probablement néfaste. Elle prétend en effet s'attaquer à un problème dont l'ampleur est probablement bien moindre que ce que pensent ses concepteurs, tout en ayant un coût conséquent. Je n'ajouterais pas ici les arguments, rappelés ailleurs, qui démontrent qu'elle est en outre techniquement inepte et particulièrement invasive en termes d'atteintes à la vie privée.
Surtout, et ce sera l'objet des billets suivants de cette série, cette loi ne saurait se prévaloir de la défense du bien commun : seul est pris en compte l'intérêt des producteurs de musique. Or, il n'est pas clair que l'État doive défendre les rentes générés par les droits actuels de propriété intellectuelle en ignorant les conflits d'intérêt puissant existant d'une part entre artistes et maisons de production, et d'autre part entre maisons de production et consommateurs.
Publié le vendredi, mai 8 2009, par Mathieu P. dans la catégorie : Propriété intellectuelle - Lien permanent
Commentaires
samedi, mai 9 2009
13:44
Merci beaucoup pour cette petite revue de la littérature.
— MoggioJ'ai peu suivi la communication du ministère français de la Culture sur la "loi Hadopi" mais je ne suis pas sûr qu'elle n'ait concentré le discours officiel que sur "l'intérêt des producteurs de musique." Bien sûr, il s'agit peut-être pour l'essentiel de satisfaire aux pressions du lobby industriel de la production phonographique (qui a bénéficié aussi récemment d'un crédit d'impôt ad hoc) mais ce discours officiel n'aurait-il jamais évoqué, pour précisément "cacher" ce possible vrai objectif, les "artistes" ou les "créateurs" voire la "diversité culturelle" ? Si c'est le cas, cela élargirait alors le "champ" des agents économiques plus ou moins directement concernés par la "loi Hadopi" et ses effets espérés, avec les "artistes" (dont les interprètes) d'un côté et, de l'autre, les consommateurs, sous l'hypothèse que la "diversité culturelle" est une bonne chose et que les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour, disons, garantir sa pérennité. En même temps, vous avez raison de signaler dans votre dernier paragraphe les possibles conflits d'intérêt entre auteurs et producteurs/éditeurs ainsi qu'entre ces derniers et les consommateurs. De manière générale, et sauf erreur, les différents conflits d'intérêt potentiels entre l'ensemble des différents agents économiques des filières d'industrie culturelle -- depuis l'auteur en amont jusqu'au consommateur en bas de l'aval, en passant par les "nouveaux entrants" côté offre -- n'apparaissent quasi jamais dans les rapports et les communiqués officiels (je pense encore à votre commentaire au sujet du rapport Gaymard sur le prix unique du livre de mars dernier : www.leconomiste-notes.fr/... ). On peut le regretter mais comprendre assez facilement pourquoi aussi.
Sur le thème général de votre billet, dans le cadre de l'analyse économique (celui de ce blog, précisément), j'ai toujours tendance à me référer à ce qui dit John McMillan dans son livre de vulgarisation de 2002 sur le fonctionnement des marchés (www.wwnorton.com/catalog/... ; lecture recommandée !), au sujet de Napster à l'époque. Analyser économiquement les effets produits par Napster (de l'époque) exige selon lui de distinguer trois choses : (a) l'impact (a priori positif, ceteris paribus) sur le surplus des consommateurs, en termes d'accès à moindre coût à un volume accru et varié de contenux musicaux numérisés ; (b) l'impact, en dynamique, sur l'innovation musicale, son renouvellement, ou encore sur les déterminants de ce dernier, etc. ; (c) l'impact sur le surplus des producteurs lié à de possibles pratiques de substitution synonymes de baisse de ventes de CD musicaux ou de baisse de ventes de titres musicaux téléchargeables "légalement", mais aussi lié au fait que l'on peut découvrir d'abord des titres musicaux plus ou moins légalement avant d'aller acheter chez son disquaire ou sur Amazon par exemple (j'ignore ici la partie spectacle de l'industrie musicale potentiellement touchée elle aussi). Bien sûr, McMillan signale que, pour (c) mesuré en termes de profits économiques, les éventuelles pertes pour les producteurs dues à des pratiques de substitution de la part des consommateurs (sans doute plus qu'éventuelles) ne sont pas un problème d'un point de vue économique : ce que perdent les uns correspond à ce que gagnent les autres (ce quasi-truisme pour un économiste n'est pas souvent expliqué ou rappelé dans ce que l'on peut lire sur le sujet, non ?). Je trouve cette triade bien pratique pour analyser la question et je crois qu'elle reste plutôt pertinente sept ans après la publication de l'ouvrage de McMillan. J'imagine que votre prochain billet sur le sujet parlera vraisemblablement de (a) et (b), en plus de (c).
lundi, mai 11 2009
11:53
Ton 2e article est en free access, ungated : www.serci.org/docs_5_1/do... (il est aussi sur SSRN). Le texte de Legros (trop compliqué pour moi, je décroche avec le maths en section 3) est en preprint là : plegros.net/sites/default...
— Fr.De mon côté je renvoie toujours à Towse et al. 2008, parfois à Leibowitz. Mais le truc qui m'intéresse le plus, c'est les DRM et la gouvernance générale du régime (le seul auteur en économie à vraiment s'y attaquer est Brousseau, brousseau.info, mais en fait il y a très peu de textes clairs et surtout utiles).
vendredi, juin 19 2009
22:42
En rapport direct avec le thème de votre billet ci-dessus, je n'ai lu ce soir que ce petit billet (www.michaelgeist.ca/conte... ) et celui-là (techdirt.com/articles/200... ) qui en parlent mais espère vraiment trouver le temps de lire bientôt le dernier document de travail de Oberholzer-Gee et Strumpf (www.hbs.edu/research/pdf/... ) dont, certes, un autre article pourtant publié dans le très prestigieux JPE a été particulièrement critiqué par Liebowitz, comme vous l'indiquez plus haut. Son titre : "File-Sharing and Copyright".
— MoggioLes résultats apparemment principaux de l'article ont des chances de vous intéresser et, personnellement, me réjouissent plutôt même si, en fait, ils sont finalement peu nouveaux pour le lecteur connaissant notamment un peu la littérature sur ce sujet (j'utilise ci-après le conditionnel pour deux raisons : par prudence, disons, scientifique et parce que je n'ai pas lu le document de travail en question) :
a. le "partage de fichiers" (je ne développe pas) n'aurait pas nui à la créativité (artistes et éditeurs) dans plusieurs industries culturelles, au contraire même peut-être ; et il ne nuirait pas aux incitations à créer si la disposition à payer des consommateurs pour des compléments s'accroît (exemples classiques de compléments : tournées d'interprète ou d'auteur, "entertainment merchandise" dans le cinéma) ;
b. une production artistique récente accrue associée à un accès récent accru aux contenus culturels (numérisés) grâce au "partage de fichiers" auraient été source de bien-être collectif accru ces dernières années ;
c. le "partage de fichiers" n'aurait pas nécessairement influé négativement sur l'industrie musicale, au contraire même peut-être ;
d. l'effet net produit par le "partage de fichiers" sur les ventes d'enregistrements sonores serait ambigu ("mixed").
dimanche, juin 21 2009
23:51
Je l'avais repéré dans les liens de Marginal Revolution. Le papier est sur ma liste de lecture (qui n'avance pas vite en ce moment, ceci s'expliquant pas une avancée plus rapide de la liste d'écriture).
— Mathieu P.mardi, juin 30 2009
19:23
J'ai trouvé le temps de lire le document de travail d'Oberholzer-Gee et Strumpf (www.hbs.edu/research/pdf/... ). J'ai retrouvé les quatre points développés dans mon
— Moggiocommentaire précédent, tiré des deux articles de blog susmentionnés. Je prends la liberté d'être un peu critique car c'est plus ou moins l'objectif du document proposé, d'après le bas de sa première page.
Sur le point (d), le plus "connu" peut-être : le "partage de fichiers" (sur les réseaux P2P) a jusque-là produit un effet ambigu sur les ventes de contenus essentiellement musicaux et vendus sur support physique, certaines études dégageant un effet positif significatif, d'autres un effet négatif significatif, d'autres enfin un effet non significatif. L'avantage de la section 4 est de proposer une revue (brève) des principales études existantes et de rappeler les problèmes de méthode que requiert toute étude un peu sérieuse sur le sujet. Juste une remarque posant peut-être un petit problème : l'ensemble des études du tableau 5 synthétique est hétérogène car composé d'études publiées et d'études non publiée et, pour les études publiées, de publications dans des revues de différents niveaux d'exigence scientifique.
Sur le point (b), les deux chercheurs ont surtout en tête le bien-être des consommateurs et, au moins à court terme, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi le partage de fichiers est en effet source de bien-être des consommateurs accru : accès quasi gratuit à une volume très vaste et varié de contenus culturels numérisés. En revanche, j'ai trouvé que les deux chercheurs éliminent un peu rapidement (ils donnent une justification rapide à la page 6) de leur analyse le bien-être des "artistes" et celui des "entreprises de divertissement". C'est peut-être discutable.
Sur les points (a) et (c), les deux chercheurs visent à apporter des éléments de réponse à la question suivante : le partage de fichiers a-t-il miné les incitations des auteurs et des "entreprises de divertissement" à créer, commercialiser et distribuer de nouveaux contenus culturels, sachant que ce partage est source d'affaiblissement de la protection apportée par le copyright (d'où le titre de l'article) ? Pour les deux chercheurs, il y a deux raisons principales à une possible réponse négative : (1) à mesure que le partage de fichiers a influé sur la protection des contenus, le prix effectif de ces derniers a baissé pour les consommateurs et leur disposition à payer pour des compléments liés à ces contenus (tournées d'interprète ou d'auteur, "entertainment merchandise" dans le cinéma, etc.) a crû ; (2) des incitations pécuniaires réduites pour les artistes en raison de comportements de substitution par les consommateurs n'ont pas empêché ces artistes de continuer à créer/produire, du fait notamment de l'existence d'incitations non pécuniaires pour eux.
Pour conforter ces deux raisons principales (intéressantes, n'est-ce pas ?) à cet effet non négatif sur la production de nouveaux contenus, les deux chercheurs invoquent des éléments empiriques. Ils citent l'étude d'Alan Krueger (J. of Labor Econ., Jan. 2005) sur l'évolution à la hausse du prix des billets de concert sur le sol américain entre mi-1999 (bienvenue Napster !) et 2004 mais il ne s'agit que d'une corrélation, sans données pour 2005-2008 et, sauf erreur, sans lien de causalité explicitement fondé qui viendrait au moins en partie fonder l'idée qu'à mesure que le partage de fichiers s'est développé, les consommateurs ont été de plus en plus disposés à payer cher de tels billets et ce, d'autant plus que la tendance à la hausse date de bien avant la mi-1999, comme le montre la figure 6 de l'article. Disons que, même si c'est intéressant, on aimerait avoir un peu plus d'éléments empiriques solides sur ce point.
Autres éléments empiriques apportés : l'explosion du nombre d'albums musicaux sortis apparemment sur le globe entre 2000 et 2007 (+ 124 %) et la hausse du nombre mondial de longs-métrages en 2003 et 2007 (+ 31 %), alors que les comportements de partage de fichiers ont continué à se développer sur ces périodes. L'idée ici est de "montrer" qu'en dépit de ce développement, la création de nouveaux contenus (dont c'est l'une des fonctions du copyright) ne s'est pas réduite justement. Petit problème (?) : au-delà de l'utilité de raisonner sur la période mi-1999/mi-2009 et en ignorant toute question de qualité des nouveaux contenus produits (car pas d'étude existante, d'après les deux chercheurs), il n'y a pas de raisonnement toutes choses égales par ailleurs : il n'est pas impossible que ces tendances à la hausse auraient été observées sans l'existence des réseaux P2P et on peut même se demander si ces tendances n'auraient pas été plus fortes encore sans eux justement. Et sans compter que la "révolution numérique", en ignorant le P2P, a pu aider à produire à moindres coûts de production de nouveaux contenus musicaux et cinématographiques (comme le reconnaissent les auteurs dans leur dernière section). Là encore, même si l'hypothèse est tout à fait intéressante, on aimerait avoir plus d'éléments empiriques solides sur ce point. (Bon, d'accord, je cherche peut-être un peu la p'tite bête ici : difficile de nier que le développement des comportements sur les réseaux P2P est allé de pair avec celui du nombre mondial d'albums musicaux et de longs-métrages !)
Malgré mes critriques (toujours faciles à faire et pas forcément très fondées...), c'est un article intéressant, notamment pour les hypothèses que font les deux auteurs sur le fait que le partage de fichiers n'a pas nécessairement réduit les incitations à créer et produire de nouveaux contenus culturels, au contraire même peut-être et ce, malgré l'affaiblissement de la protection apportée par le copyright par ce partage, pour reprendre le point de vue des deux chercheurs. On aimerait qu'elles soient encore plus fondées empiriquement (économétriquement) et connaître aussi bien sûr le point de vue des professionnels des industries examinées ici pourvu qu'il soit non biaisé.
(Pour finir sur une note légère, une illustration hilarante de la dure vie de musicien professionnel : www.youtube.com/watch?v=C... !)
mardi, juillet 14 2009
22:09
En lien avec mon commentaire précédent, cet article récent de deux économistes français dans le Journal of Media Economics (www.informaworld.com/smpp... ) part du fait que le "piratage numérique" de contenus musicaux peut produire un effet (externe) positif sur d'autres segments de l'industrie musicale que celui des enregistrements sonores (concerts et produits dérivés), d'où la possibilité d'une renégociation des contrats musicaux visant à internaliser l'effet externe en question tout en assurant une amélioration du bien-être (welfare) à la fois pour les artistes et pour les maisons de disques, ces dernières pouvant dans ce cadre accepter la possibilité pour les consommateurs de télécharger quasi gratuitement ou gratuitement depuis leurs sites internet officiels ("P2P légal").
— Moggiomardi, septembre 15 2009
14:07
Encore un complément, en lien avec le point (b) tiré de la recherche d'Oberholzer-Gee et Strumpf indiquée ci-dessus. Deux recherches récentes d'une équipe de trois économistes néerlandais de juin 2008 et d'août 2009 concluent à l'effet positif dans le temps de l'existence des réseaux de pair à pair sur le bien-être collectif (total welfare) : edocs.ub.unimaas.nl/loade... et edocs.ub.unimaas.nl/loade... . Aucune des deux recherches ne traite cependant d'un éventuel effet négatif, en dynamique, sur l'activité de création de contenus culturels (innovation), l'un des trois effets rappelés par McMillan (2002) cité aussi ci-dessus.
— Moggio