L'invité principal de l'émission était Pascal Nègre, personnage haut en couleurs de l'industrie musicale. Pour l'occasion, Frédéric Martel et Mathias Mégy avaient demandé à deux jeunes économistes de la culture de faire des points concernant les sujets sur lesquels Frédéric voulait interroger Pascal Nègre : Heritiana Ranaivoson et moi-même. L'émission est écoutable en streaming ou en podcast probablement pour une durée limitée.

Héritiana avait été spécifiquement interrogé sur les conséquences des quotas musicaux sur la programmation des radios françaises, et moi sur la Payola. Nous avions tous deux répondu à une question sur l'avenir du disque et de l'industrie musicale. Nous avons fait en substance la même réponse, celle d'Heritiana étant plus claire et plus complète : elle fut donc logiquement choisie pour la diffusion.

On sait le mal que je pense de la loi Hadopi, et de la fragilité de l'idée voulant que le piratage soit en train de tuer l'industrie du disque. Je n'étais donc naturellement pas d'accord avec ce qu'en disait Pascal Nègre, qui file de manière colorée la métaphore de l'objet matériel, ignorant deux éléments essentiels des biens culturels :

  • leur reproductibilité à coût quasi-nul;
  • le caractère fragile et discutable des dispositifs de propriété intellectuelle actuels.

Suite à l'émission, nous avons discuté un peu à ce sujet, et il considère comme négligeables les obstacles techniques à la détection des contenus soumis à droit d'auteur. Je pense ces obstacles majeurs, et probablement insurmontables, si on ne veut pas d'une avalanche de faux positifs (de personnes recevant des avertissement et des amendes alors qu'ils ne font rien d'illégal). À l'heure où la plupart des logiciels de P2P font de l'usurpation d'adresse IP (IP spoofing), la détection en se basant sur l'adresse me semble mal engagée, et tout autre solution à base de mesure de l'upload va se heurter à l'ampleur des utilisations légales.

Sinon, il m'a semble que Pascal Nègre était passé à côté de la deuxième intervention d'Heritiana en rebondissant sur l'idée des sonneries de téléphone portable. À mon sens, l'activité de production a plus d'avenir que celle d'édition, et il aurait pu mettre en avant le fait que les maisons de disque font un travail considérable de tri dans l'offre musicale et de développement des artistes.

Sur la payola, l'émission a manqué de temps, et Pascal Nègre n'avait manifestement pas envie d'en parler. À titre personnel, je suis assez sceptique sur l'inexistence de cette pratique en France. Il aurait toutefois été possible de dire quelque chose sur l'ampleur qu'elle a aux États-Unis (quand une entreprise comme Universal Music US accepte de payer 12 millions de dollars, c'est qu'elle a quelque chose à se reprocher). Il est également possible que la pratique se fasse en France à plus bas niveau dans la chaîne des responsabilités.

Dans l'ensemble, j'ai été très bien reçu, l'équipe est très sympathique et authentiquement intéressée pas les sujets dont elle traite. Si vous voulez me dire ce que vous en avez pensé, vous êtes les bienvenus (oui, j'ai rouvert les commentaires après être passé à la vitesse supérieure en termes d'hébergement).