Les différents statuts

Commençons par rappeler quels sont les principaux statuts d'EC à l'université (liste non-exhaustive). Au sommet formel de la pyramide hiérarchique, il y a le professeur des universités (PU). Normalement, il est docteur et titulaire d'une thèse d'habilitation à diriger les recherches (HDR). Vient ensuite le maître de conférences (MdC). Lui aussi docteur, il peut avoir passé l'HDR, mais ne pas être passé professeur faute d'en faire la demande, d'une activité de recherche assez soutenue ou, cas le plus fréquent, faute de postes. Les PRAG, quand à eux, sont des professeurs agrégés de l'enseignement secondaire détachés dans le supérieur. Ils ont une charge de cours plus importante. Viennent ensuite les non-titulaires, ATER et moniteurs, ainsi que les vacataires, non statutaires. C'est essentiellement des PU et des MdC dont je voudrais parler aujourd'hui.

En termes d'enseignement et de recherche, PU et MdC ont les mêmes obligations : 192 heures annuelles d'équivalent TD, ce qui correspond à 128 heure de cours magistral ou toute combinaison équivalente. Originellement, les MdC étaient censés être de jeunes chercheurs faisant leurs premières armes en tant qu'EC, en particulier dans le domaine de l'enseignement. Venait ensuite l'HDR et le passage au statut de PU. Ainsi, jusqu'en 1984, leur service était calculé en heures de TD et n'était pas réputé comprendre l'encadrement de travaux de recherche. De leur côté, les PU avaient un service exprimé en heures de cours magistraux et comprenant explicitement l'encadrement. En outre, un certain nombre de responsabilités administratives ne peuvent être occupées que par des PU. Disclaimer : les choses sont plus compliquées que cela, je sais, je ne fais que brosser un portrait à grands traits.

Où est le problème ?

Le problème essentiel est qu'entre 1968 et 1984, les besoins d'encadrement d'étudiant (en termes de cours magistraux et d'encadrement de travaux de recherche) ont explosé sans que soient créés les postes de PU nécessaires. De ce fait, des MdC titulaires de l'HDR ont pu ne pas trouver de poste (ou pas voulu passer PU si cela impliquait de quitter un centre de recherches dynamique), et de nombreux MdC ont pris en charge des cours magistraux et des directions de recherche. Symétriquement, bon nombre de PU ont déserté les amphis des premier cycles au profit des séminaires de recherche de deuxième cycle.

Le décret de 1984 est venu entériner en partie cet état de fait, en supprimant la direction de recherche du statut des deux corps, et en fixant explicitement une charge de cours identique. De ce fait, la rémunération et la séparation des collèges dans les instances décisionnelles sont devenues les seules différences formelles entre PU et MdC.

Cette quasi-égalité formelle recouvre cependant d'énormes différences de pratique. Ainsi, dans l'UFR d'économie que je connais, des responsabilités administratives et pédagogiques importantes sont occupées par des MdC, et le conseil d'UFR n'hésite pas à rappeler à l'ordre les PU qui ne respectent pas l'obligation qui leur est faite de faire au moins la moitié de leur service en premier cycle. Inversement, il n'est pas anormal qu'un MdC donne des cours magistraux ou des séminaires de recherche.

Imaginez donc la surprise de quelqu'un habitué à ce système quand un collègue, juriste il me semble, lui explique doctement que l'encadrement doctoral comme les cours magistraux sont la prérogative exclusive des professeurs, et qu'en toute logique les MdC devraient seulement faire des TD. Ceci dans le cadre d'une discussion contestant la proposition de faire passer l'évaluation par la CNU, où les MdC sont évalués par des MdC et des PU, tandis que les MdC n'ont pas leur mot à dire sur l'évaluation des PU... Notez que le juriste n'a, au fond, pas tout-à-fait tort dans son argument : la racine du problème est bien le manque de PU. Mais il commet une énorme faute de goût en ignorant l'égalité de fait en termes d'enseignement de de recherche entre les deux statuts.

J'imagine qu'en parcourant les disciplines, on y découvrirait un éventail varié de pratiques. Ainsi, dans l'UFR où je donne des cours, c'est le directeur d'UFR qui m'a demandé la permission de me tutoyer, tandis que dans une université proche, il est hors de question qu'un non-PU conteste une décision prise par les PU. Dans le même UFR, la procédure d'attribution des cours est bien précise : les PU choisissent d'abord, puis les MdC, ATER et moniteurs se partageant ce qu'il reste.

Pourquoi ce billet un peu décousu ? Pour mettre en évidence que le monde des enseignants-chercheurs à l'université est tout sauf monolithique, et qu'en ce domaine, les pratiques (dans une discipline ou dans un établissement) ont beaucoup plus de poids que les textes réglementaires. J'avancerais même l'hypothèse suivante : plus les débouchés d'une filière sont concentrés sur l'université elle-même, plus la structure hiérarchique s'y fait lourdement sentir (oui, je sais, ça ne marche pas pour les juristes et les médecins, probablement pour des raisons historiques).