Les autres déterminants du RWA

Je n'ai pour l'instant parlé que des RWA liés au risque de crédit. Dans la régulation bâloise, le crédit n'est pas le seul déterminant des RWA, même s'il constitue pour la plupart des banques universelles la part majeure de ceux-ci. Dans ce dénominateur, on trouve aussi des RWA correspondant au risque de marché et au risque opérationnel. Bien que pour la plupart des banques européenne, les RWA liés au risque de crédit représentent une vaste majorité des RWA, leur présence n'est pas anecdotique. Elle reconnaît en effet qu'une banque est exposée à d'autres risques que le non-remboursement des prêts consentis, et qu'il faut en conséquence détenir du capital supplémentaire afin d'absorber les réalisations éventuelle de ces risques.

Fondamentalement, le mode de calcul des RWA au titre des risques de marché et opérationnel partagent la même philosophie que celle pour les RWA crédit : le calcul d'une mesure de Value at Risk'' (VaR), répondant à la question : « En l'état de mon portefeuille et sur un horizon donnée, quelle est la perte que je n'ai que x% de chances de dépasser ?» En pratique x'' vaut selon les cas 5%, 1% ou 0,1%. Pour le risque de marché, cette évaluation se fait par une modélisation de la valeur de marché du portefeuille dans différents scénarios d'évolution des paramètres de marché (courbe des taux d'intérêt, niveau des indices, des taux de change, volatilité, etc).

Les deux portefeuilles

L'existence de ces RWA au titre du risque de marché a un impact important sur la mesure du profil de risque d'une banque. La réglementation européenne distingue en effet le portefeuille bancaire banking book, regroupant les titres de créance que la banque a l'intention de garder jusqu'à maturité (remboursement), et le portefeuille de négociation trading book, regroupant les titres ayant vocation à être vendus à plus ou moins brève échéance. Un même titre peut ainsi être soumis à deux calculs de son RWA très différents. Il existe donc un espace pour un arbitrage réglementaire, les banques pouvant passer des titres d'un portefeuille à l'autre afin de minimiser les RWA et donc la charge en capital.

Les plus avertis savent que cette faille est bien identifiée par le régulateur, qui a l'intention d'y remédier. En l'état toutefois, cela complique encore un peu la comparaison des RWA entre banques aux options différentes en la matière.

Les surcharges

À tout cela, il faut ajouter un certain nombre de surcharges, destinées à couvrir des risques spécifiques, et dont l'impact sur les RWA peut être majeur : Incremental Risk Charge, Comprehensive Risk Measure, Credit Valuation Adjustment, Expected Effective Positive Exposure, toutes destinées à remédier à tout un panel de risques qui se sont matérialisés, parfois dans des proportions catastrophiques, depuis la crise de 2008. Il en résulte un mille-feuille de calculs et de charges dont le régulateur lui-même reconnaît à la fois le coût pour les banques (en termes de capital mais aussi de calcul et de suivi des différentes mesures) et le manque de cohérence. Il faudrait y ajouter qu'ils constituent une couche supplémentaire de conservatisme qui rend un encore un peu moins lisibles les bilans des banques européennes.

Il existe également une autre catégorie de surcharges, celles imposées par le régulateur. On a vu précédemment qu'une banque utilisant un modèle répondant à certains critères pouvait passer à une méthode dite avancée de calcul de ses RWA. L'emploi du modèle passe par une homologation du modèle et de son processus d'utilisation par le régulateur. Celui-ci peut refuser tout net l'emploi d'un modèle qu'il juge inadapté. Il peut aussi l'accepter sous conditions, c'est-à-dire que la banque peut l'utiliser, mais doit ajouter une surcharge forfaitaire en capital si le modèle est estimé trop peu conservateur. Naturellement, la surcharge est censée être supérieure à une marge de conservatisme raisonnable, afin que la banque ait une incitation à améliorer son modèle pour convaincre le régulateur de supprimer la surcharge.

Suspens

J'espère que ce bref tour dans l'univers assez aride des RWA vous aura convaincu de deux choses : que les RWA sont un outil utile d'appréhension et de gestion des risques, et qu'ils constituent un objet complexe, construit au fil des crises de manière un peu ad hoc, et donc qu'il faut approcher avec attention et discernement.

J'espère avoir plus tard le temps de revenir sur le sujet en parlant un peu plus des projets de simplification du cadre réglementaires et des contraintes opérationnelles rencontrées dans le calcul du RWA.