À propos du contrat doctoral unique
Je vais essayer de faire rapidement un billet sur la réforme des concours de l'enseignement, mais je change la chronologie prévue de cette série de billet pour parler d'un projet qui s'est malencontreusement agrégé à ceux refusés par les enseignants-chercheurs, alors qu'il présente un intérêt certain : la création d'un contrat doctoral unique.
Ne nous emballons pas : ce n'est pas la réforme du siècle, loin s'en faut. Le travail de thèse reste sous-rémunéré par rapport à sa qualification, et le doctorant demeure une espèce hybride plus vraiment étudiant mais pas vraiment chercheur non plus. De même, la reconnaissance de la thèse comme véritable expérience professionnelle n'est pas abordée. Cependant, le nouveau contrat doctoral contient des avancées significatives par rapport à l'existant. J'avais prévu de faire la comparaison, mais la Confédération des jeunes chercheurs (qu'on peut difficilement accuser d'être une officine gouvernementale) l'a fait pour moi. Je vous laisse donc lire le document produit. En quelques mots, le texte est clairement améliorable, car il échoue à réintégrer pleinement les doctorants dans une logique de relation de travail, mais constitue un progrès par rapport au vide juridique et à la rigidité des contrats actuels.
Dès lors, ce qui me pose problème est de comprendre pourquoi diable les mouvements d'EC ont avec un bel ensemble inscrit le retrait de ce projet dans leurs revendications ? D'après ce que j'ai vu passer dans mon université, cela procède d'un défaut d'information sur ce point, et je comprends que l'on n'ai pas très envie d'accorder au gouvernement le bénéfice du doute. Maintenant que cette analyse existe toutefois, j'espère que les doctorants ne feront pas les frais de la contestation en cours.
Publié le dimanche, février 15 2009, par Mathieu P. dans la catégorie : Enseignement - Lien permanent
Commentaires
dimanche, février 15 2009
21:50
Pourquoi cela est-il dans les revendications ?
— DuncanDe mon côté d'après ce que je vois dans ma fac, je dirais que les docteurs sont peu présent dans les AG se sentant plus faiblement concerné que les autres.
J'ai l'impression qu'il s'agit plutôt d'une revendication des BIATOSS puisque dans le nouveau contrat doctoral il y a possibilité pour le doctorant de pouvoir effectuer des tâches administratives au sein de l'Université.
dimanche, février 15 2009
21:57
je ne suis pas sûr que pour les doctorants de socio, ethno, géographie, histoire, linguistique etc. le contrat doctoral soit une bonne nouvelle. Comme rien de ce qui vient nier la différence de travail entre les sciences 'dures' ou assimilées (comme l'économie sans doute, je ne sais pas, j'imagine que ça dépend comment on pratique) et les sciences humaines et lettres. Comme par exemple s'échiner à faire des thèses en trois ans, quatre max, ou alors il faudrait changer radicalement les exigences de contenu. ce sur quoi aucun prof n'est, du reste, capable de se prononcer clairement ex ante. Mais bon... vous avez l'air très content, c'est l'essentiel. allez, bon courage pour la vôtre.
— antoinedimanche, février 15 2009
22:12
@Duncan : remarque intéressante. C'est à nouveau un emplâtre sur une jambe de bois (le manque de personnel BIATOSS, et parfois son manque de qualification). Au vu des pratiques existantes, ce serait à l'occasion une reconnaissance d'un travail déjà fourni bénévolement par les doctorants.
@ Antoine : Le nouveau contrat de fait certes pas de différence entre les disciplines... pas plus que ce qui existait déjà. Sauf peut-être sur un point : mettre en évidence le nombre de thèses non financées dans certaines disciplines. Je suis d'accord que la durée des thèses pose un problème actuellement : je ne connais personne qui soit parvenu à finir en trois ans, malgré la perte de temps et de revenu que constitue un demi-ATER comme financement. Selon les disciplines, il faudrait certainement revoir le type de travail attendu, et le fait que les directeurs d'études actuels soient souvent rentrés dans le système à un moment où les postes étaient plus abondants relativement au nombre de candidats n'aide pas à fournir une incitation à la réforme. Tout cela, cependant, n'a pas grand chose à voir ni à faire dans la définition d'un contrat de travail.
Sur un point précis de votre message : je crois qu'il est particulièrement contre-productif de s'arc-bouter sur les différences entre disciplines. Pour ce que j'en ai vu, il s'agit plus de différences de pratiques (gros mémoire en lettres, collection d'articles en sciences) que de travail de fond. Trop souvent, je vous l'argument du « mais nous c'est différent » utilisé pour justifier un abus ou un autre, de préférence dans les domaines qui ont le moins de mal à attirer des thésard, et donc où les abus sont les plus nombreux. C'est pourquoi je regarde toujours cet argument avec pas mal de scepticisme sur son intention.
— Mathieu P.lundi, février 16 2009
11:23
Bon, c'est sur qu'il faut un peu mettre a jour les dispositifs relatifs aux theses... Mais un truc m'a choque, c'est qu'il faille avoir moins de 25 ans pour postuler... Ce qui supprime ce type de financement a toute personne ayant un parcours autre que Bac, puis enchainement quasiment immediat Licence, Master, These. Il me semble que pour les contrats d'Alloc-moniteur, c'etait plutot 30 ans (et deja, je voyais pas bien la legimite de ce truc)
— arcopOr mon impression sur les doctorants d'une maniere generale est que leur culture est en general assez 'etroite', focalisee sur une discipline, ils sont pas si souvent capables de travail autonome ayant peu d'experience a part celle d'etre des etudiants-modeles (ce qui ne signifie en general pas grand chose a part une tendance a etre tres scolaire). Et cette limite impliquera surement encore moins d'experimentation en termes de disciplines et champ de recherche (par exemple, plus trop possible de perdre deux ans a faire un master d'anthropologie apres un master de philo par exemple... ou de maths apres de l'eco, ou l'inverse, etc...)
Si on prend le cas des normaliens par exemple, supposons que le type integre apres trois annees de prepa, et il arrive en L3 (il pourrait avoir son L3 direct, mais je crois qu'apres trois annees de prepa et une integration, y'a comme un repos merite pour pas se taper le programme de L3 pendant les vacances d'ete pour la session de septembre), donc ce type a sa licence en bac+4 annees, supposons qu'il fasse un master1, bac + 5 annees, et vu qu'ils sont souvent pousses a passer l'agreg (celle du secondaire) pour laquelle il est envisageable de rater, on est a bac +6, il faut encore faire un master2, et la on est tres juste pour avoir 25 ans. Je ne parle meme pas des gens partant a l'etranger pour lesquels les 'equivalences' sont parfois difficiles a obtenir, ni les gens partant sur d'autres horizons quelques annees avant de revenir au bercail universitaire, ni les gens curieux avec des cursus multiples, sans parler des etrangers qui parfois mettent plus de temps (etant donne comment leur systeme universitaire est organise) a atteindre le debut de la these (notamment US et Allemagne au moins)... ou encore des gens ayant eu des enfants, etc..
Bref, je suis pas sur que cette limite de 25 ans ait beaucoup de sens.
lundi, février 16 2009
11:42
Amusant la réforme du statut du doctorant... Le CJC smble particulièrement enthousiaste et pourtant il souligne
— Denis"l'existence de rapports d'activité n'est présenté que comme prétexte et support pour un potentiel
licenciement et non comme un mode de gestion de projet contribuant à son bon
déroulement. La CJC ne saurait cautionner une telle conception."
Un "détail" sans doute, puisqu'il est habilement écarté de leur tableau comparatif.
Je disais que tout cela est amusant, car le réel problème des futurs doctorants sera de trouver une allocation (ou un salaire, peu importe, contrairement à ce que prétend le CJC) . Leur nombre est en chute libre et c'est le principal soucis d'un élève de M2 aujourd'hui. Cela ajouté à la remarque ci-dessus et l'on est en droit de s'interroger sur le bien-fondé de cette réforme, ainsi que sur ses réels objectifs. Il n'y a pas nécessairement de malveillance dans ceux-ci, mais ils ne sont pas ceux qui sont affichés, ce qui sucite naturellement la méfiance.
Tant que les réformes ne seront pas proposés de façon honnêtes et transparentes, elles seront contestés, et de bon droit il me semble.
lundi, février 16 2009
11:43
Globalement, je suis d'accord avec vous sur le fait que cette limite d'âge ne semble pas avoir de justification forte. On peut cependant imaginer qu'elle est là pour éviter que ce contrat ne serve aux universités à employer du personnel au rabais, sous couvert d'un doctorat fantôme. Sur le détail de vos arguments, je voudrais souligner deux points qui m'ont choqué à la lecture :
lundi, février 16 2009
13:53
Juste deux commentaires sur les commentaires:
On peut faire un ou deux masters aen travaillant a cote (meme si je vous l'accorde c'est de plus en plus difficile). Ou en financant ce master/ces masters avec une petite epargne (exemple typique d'une personne reprennant ses etudes apres quelques annees dans le prive/public, a travers par exemple une annee sabatique etc...). Et au final, cette remarque me semble un tout petit peu hypocrite, parce que de toute facon, faire un master requiert dans la plupart des cas le support de ses parents (ou autre), qu'il soit direct (ils subventionnent aux besoins de leurs enfants par une pension) ou indirect (l'etudiant est loge, nourri, blanchi par eux...).. Que le systeme de bourses universitaires soit completement inadequat et rachitique en France, j'en conviens, mais c'est un autre probleme.
— arcopSur l'agregation, malheureusement, c'est comme cela que cela fonctionne aujourd'hui, et je serais bien evidemment tenter de dire que ca fonctionne mal... Mais dans certaines disciplines il est difficilement envisageable de faire de la recherche a long terme sans l'agreg (ex. philo), meme si ce n'est pas du tout le cas en economie (l'agreg SES n'ayant qu'un rapport lointain avec les facs d'eco....)
Quant a l'argument sur les doctorats fantomes, je suis d'accord mais je vois bien d'autres facons de controler cela (soutenance de these a la fin, obligations diverses telles rapport d'activites, cours etc...) et la question de l'age me semble passablement arbitraire comme barriere contre de potentiels abus.
Apres d'un point de vue juridique, je pense que cette disposition a de bonnes chances d'etre illegale au regard des dispositions europeennes.
J'ai l'exemple americain d'un prof (excellent d'ailleurs maintenant dans son domaine de specialite en economie) qui s'est vu refuser l'acces aux graduates studies a Berkeley, sur un critere d'age (il devait avoir bien 45 ans), qui leur a fait un proces, a gagne, a fait sa these la-bas, et est maintenant un chercheur de tout premier plan mondial dans son domaine... Apres OK, un exemple n'est pas une stat. mais bon. Sur l'ensemble des gens que j'ai croise lors de mon doctorat, la plupart de ceux qui ont un certain succes aujourd'hui (publis, positions internationales), etaient clairement les moins jeunes...
lundi, février 16 2009
14:26
Je suis d'accord sur le fait que cette limite d'âge est fort difficile à justifier. Je ne suis pas bien sûr de comprendre pourquoi elle a été mise en place, en fait.
— Mathieu P.lundi, février 16 2009
20:28
Je ne suis pas sûr de comprendre les discussions au sujet de la limite d'âge. Si je lis correctement le tableau comparatif de la CJC, il y a actuellement une limite d'âge pour postuler à une allocation de thèse (arrêté du 31 mars 1992), et le contrat doctoral lève cette limite. Ça semble plutôt positif.
— mt-imardi, février 24 2009
14:42
En effet, la limite d'age qui existait pour les allocations de recherche disparait enfin! (et de toutes facons, on pouvait obtenir une derogation...)
— erathrya