J'en étais plus ou moins là quand Tyler Cowen, sur le blog Marginal Revolution, a relevé qu'un des ouvrages fondateurs du genre, Les sept Habitudes des gens efficaces, avait été mis au programme d'un premier cycle universitaire, suscitant l'ire des enseignants.

En l'état, il me paraît effectivement un peu ridicule de vouloir fonder un cours de présentation du contenu de l'ouvrage, que je vous laisse découvrir si vous ne le connaissez pas déjà. En revanche, un cours analysant dans une perspective historique cette banche de la production éditoriale me semble des plus intéressante.

En effet, en discutant avec ma femme de son travail, nous avons plusieurs fois parlé des traités d'éducation (à commencer par L'Éducation d'un prince d'Érasme) et des réflexions sur le "comment vivre" (question u centre des Essais de Montaigne), je me suis rendu compte que cette production avait une longue et honorable ascendance. Elle a aussi, une toute aussi longue et beaucoup moins honorable ascendance dans la multitude d'ouvrages populaires dont seules les bibliothèques ont gardé la mémoire, mais qui révèlent à quel point certaines questions alimentent les presse depuis au moins quatre siècles (voir par exemple ce ''How to do it").

Quelle importance ? Les positions des hommes de la Renaissance sur comment bien vivre sont fondés sur une connaissance approfondie des classiques et de la philosophie chrétienne, ce qui leur permet de mesurer, dans leurs choix, la manière dont chaque conseil engage une conception profondes de ce que sont l'humain et la société. Cela entraîne une conscience des contradictions que peuvent cacher des principes apparemment séduisants ainsi qu'un effort pour vivre malgré ces contradictions. Montaigne en est là encore un exemple, qui se plaît à mettre en regard des exemples où l'obéissance à un même principe a tantôt sauvé la vie d'un homme, tantôt la condamné. Mis à l'épreuve par une époque violente, Montaigne s'attache également à faire la part de ce qu'il doit à la philosophie de ce qu'il doit à la pure chance.

À l'opposé, je vois souvent dans les articles contemporains au mieux une généralisation hâtive d'une expérience individuelle relatée avec assez peu de recul, au pire un conglomérat contradictoire de lieux communs. Au fond, il est donc sans doute dommage de se contenter dans la formations des cadres de ce type de contenu quand on peut existe déjà un fonds plus riche et plus profond

En retombant sur mes pattes d'économiste, j'ai l'impression que les humanités, en se cantonnant à une position d'étude académique des textes, des époques et des pensées, ont laissé un vide correspondant à leur fonction historique d'aide à la vie, à l'expression, à la décision. Ce vide, c'est une demande potentielle, qui a vite trouvé son offre, la communication venant offrir ce que l'ancienne rhétorique avait cessé de proposé, les manuels de management se substituant au Prince d'un Machiavel.

Du coup, j'irais sans doute plus loin que je ne faisais auparavant dans mes reproches quant à la manière dont les humanités répondent aux attaques sur leurs financements. Ne pas vouloir répondre à la question de l'utilité des humanités, ce n'est pas seulement une erreur dans l'allocation des ressources, c'est peut-être une faute, les humanités se coupant d'une de leurs fonctions essentielles, celle d'apprendre comment bien vivre.