Comme il ne me semble pas très pertinent de faire un compte-rendu exhaustif d'articles tous munis d'un résumé, je structure cette note en fonction des axes d'analyse qui ont retenu mon attention. Une des caractéristiques des collections de VoxEU (et du site en général) est de donner la parole à des voix divergentes entre elles, avec à chaque foi des contributeurs de qualité.

Grandes réformes et petits pas

Si l'utilité d'une union bancaire au moins à l'échelle de la zone euro fait l'unanimité, un axe de tensions entre les contributeurs tient dans la manière de mettre en place cette union.

Rythme

Le rythme d'abord. Les partisans d'une union rapide souligne que tant que la résolution des banques sera sous la responsabilité des États, le lien entre dette bancaire et dette souveraine, au centre de la crise actuelle, ne sera pas brisé. D'autres contributions soulignent qu'en l'état, c'est-à-dire sans prise en charge par l'ensemble de l'union des résultats des années passées (Irlande, Espagne, Grèce), l'union aura peu d'impact à court terme, et que les résultats comme l'implémentation doivent être considérés dans le temps long de la décennie à venir. Comme nous sommes chez VoxEU, les deux argumentaires se tiennent : le premier insiste sur la valeur de l'effet de signal que constituerait une action rapide (en cassant l'image d'une Union Européenne incapable de décision), le second sur l'ampleur de la tâche et le risque d'une union bâclée. Il y a un arbitrage, dont les termes évoluent assez rapidement au rythme de la perception extérieure et intérieure de la situation européenne.

Ordre

L'ordre des réformes est également un point de débat important. Là encore, on part d'un consensus : une union bancaire est constituée de trois volets interdépendants : une autorité de supervision, un fond de garantie des dépôts et une autorité de résolution. Là où les avis divergent, c'est sur l'opportunité d'introduire un volet avant les autres.

Pour les uns, la mise en place rapide d'une autorité de supervision (projet actuel de la Commission) permettrait de dissiper les doutes quand à la situation réelle des banques européennes, les régulateurs nationaux (quand ce ne sont pas les États eux-mêmes, de l'Allemagne à l'Espagne en passant par la France) étant toujours suspects de capture ou de volonté de dissimuler leurs propres échecs. Un nouveau régulateur, dégagé de la responsabilité des erreurs des régulateurs nationaux, pourrait mieux faire le ménage, ce qui renforcerait rapidement la crédibilité du système bancaire européen.

Pour les autres, les trois volets doivent aller de concert : même avec un régulateur européen, l'autorité de résolution, et les coûts associés, resteraient entre les mains des États, conduisant à des décisions sous-optimales en termes de liquidation ou de recapitalisation, chaque État n'ayant que peu d'incitations à considérer les conséquences externes de ses décisions. La décision de supervision ne peut donc être efficace que si elle s'accompagne d'une décision ex ante de comment seraient supportés les coûts d'une mise en liquidation, c'est-à-dire un fond de garantie et une autorité de liquidation.

Aléa moral

À mon sens, l'autre axe structurant des contribution est l'importance de l'aléa moral. Le cas grec a montré à quel point la non prise en compte de celui-ci pouvait conduire à des situations difficiles à résoudre. Aujourd'hui encore, plusieurs États prennent des décisions qui individuellement les protègent, mais contribuent à accroître le risque d'une crise plus grave encore au niveau de la zone euro dans son ensemble.

Une illustration : actuellement, l'inquiétude commune des régulateurs est que les banques multinationales drainent les filiales locales de leur liquidités pour alimenter les filiales situées dans les pays en crise (toutes les banques font face à une course à la liquidité avec la mise en place de ratios réglementaires). Du coup, beaucoup de régulateurs ont mis en place des restrictions au transfert de liquidités, ce qui accroît la pression sur l'ensemble du système et le risque d'une crise généralisée.

Intérêts nationaux et européens

Les contributeurs soulignent deux effets différents.

Le premier est celui dont je viens de parler : les régulateurs nationaux n'internalisent pas les conséquences de leurs décisions sur les autres pays (problème qui se pose aussi pour le régulateur européen, dont les décisions influeraient sur les pays non-membres de la zone euro ou de l'UE). De ce fait, les politiques menées ne sont pas coordonnées et peuvent aboutir à la montée du risque systémique. Comme je l'ai dit plus haut, les régulateurs nationaux sont également suspects d'une trop grande proximité avec « leurs » banques.

Le second effet est le miroir du premier : un régulateur européen aurait pour mandat de veiller à la stabilité du système financier européen, et non de celui de chaque pays individuellement. Il aurait donc des incitation à laisser le système de petits pays prendre des risques importants, sachant qu'il peut en prononcer la liquidation à peu de frais à l'échelle du système, même si cela aurait des conséquences catastrophiques pour le pays concerné. Là où les régulateurs nationaux auraient la recapitalisation trop généreuse, le régulateur européen ne l'aurait pas assez.

La solution intermédiaire, prônée par l'Allemagne, pourrait avoir le vice de mêler les mauvais côtés des deux systèmes.

Quel superviseur ?

Ces articles soulignent dans les deux cas l'importance de l'architecture institutionnelle. Un point important est la décision ex ante du partage des coût d'une recapitalisation ou d'une liquidation. Un autre est l'identité du régulateur. Confier la décision à la BCE permettrait en effet de disposer d'un régulateur appuyé par la puissance de feu illimitée d'une banque centrale, à la manière de la Fed aux États-Unis. Inversement, il existe un conflit d'intérêt entre le mandat d'un régulateur et celui de la BCE, ce qui se voir assez bien maintenant. Dans une situation où les banques ont besoin de liquidités, un régulateur-banque centrale devra arbitrer entre la stabilité du système et celle de la monnaie. En tant que régulateur, il portera la responsabilité, au moins partielle, de n'avoir pas su prévenir la crise. Il aura donc une incitation à avoir plus généreusement recours à la planche à billets afin de couvrir ses propres erreurs. Inversement, une banque centrale non-coopérative pourrait neutraliser tous les efforts d'un régulateur.

Pas de solution miracle

Cette collection d'essais, accessibles sans grand bagage technique, a le grand mérite d'être un vrai travail d'économistes : pas de solutions miracle, mais des vrais perspectives et surtout une délimitation claire des principaux arbitrages présents dans le projet d'union bancaire. Une lecture nécessaire pour comprendre les enjeux de cette question.

Follow-up

Les lecteurs intéressés pourront aussi aller lire le débat en cours sur le site : Banking reform: Do we know what has to be done?.