Le champ de la macro-économie

Le satisfecit que s’était décerné la macro avant 2008 avait une cause exogène : la stabilisation de la situation macro-économique, qui permettait de rester dans le cadre de fluctuations autour du point d’équilibre modélisées par des modèles DSGE. Il avait aussi, à mon sens, une cause endogène bien moins avouable : la réduction du champ de la macro à la portion congrue, celle de l’explication de ces seules fluctuations.

Considérons en effet les questions habituellement associées au champ macro-économique. La croissance en est sans doute sortie la première, au profit de l’économie du développement, à la faveur de la démonstration de l’importance des institutions. Le chômage lui aussi a été annexé par un autre champ, celui de l’économie du travail et ses modèles d’appariement à frictions, nourrissant des politiques agissant sur autre chose que l’inflation. Le commerce international est également sorti du giron de la macro, au profit d’un champ dédié où dominent des effets de gravité ainsi que des motifs relevant de l’organisation industrielle – économies d’échelle et concurrence imparfaite. Les taux d’intérêt ? L’économie des marchés financiers a très largement mis la main sur ce sujet.

Que restait-il alors à la macro ? Essentiellement la question à laquelle voulaient répondre les modèles DSGE : est-il utile de vouloir amortir les fluctuations de court terme de l’économie ? Peu étonnant, dès lors, que cette macro se soit trouvée fort dépourvue face à une crise majeure. C’est selon moi essentiellement en ce sens qu’elle a failli : la macro a oublié que son champ d’analyse naturel couvrait les grandes crises économiques, et pas seulement les fluctuations de court terme.

Là où on nous attend

Cela ne signifie toutefois pas pour moi qu’il faille déployer de grands efforts pour sauver le soldat macro. Au contraire : dans une situation tendue, où toutes les bonnes idées sont à prendre, l’économie du travail, l’économie internationale ou la microstructure des marchés ont (enfin) l’occasion de faire entendre des propositions longtemps reléguées au second plan par le discours de « tout est sous contrôle ».

Cet apport est d’autant plus important que, et je prends ici le contrepied d’Alexandre, ces champs ont, contrairement à la macro, tenté l’épreuve du réel. Suivant l’exemple de l’économie du développement, les solutions avancées par ces champs se sont véritablement confrontées au problème de l’implémentation, au moyen d’expériences naturelles, d’expériences contrôlées et de programmes-pilotes.

Et je ne parle pas de l’organisation industrielle : faire valoir des arguments économiques face à des armées d’avocats et de lobbyistes disposant de toute la puissance de feu des rentes acquises atteste de la robustesse de ces arguments et de leur capacité de conviction de non-spécialistes.

Je suis donc d’accord que la vitrine est brisée. Mais plutôt que de vouloir y remettre le même produit, ma position est qu’il y a en magasin largement de quoi attirer le chaland. Avec le mérite supplémentaire de donner moins prise aux demi-habiles de tout poil.