L'inflation

Un chapitre entier de This Time is Different est consacré à la manière dont les gouvernements ont, au cours de l'histoire, épongé leurs dettes au moyen de l'inflation. La forme la plus élémentaire de ce procédé est d'augmenter l'offre de monnaie de manière à ce que les taux réels deviennent négatifs. Procédé connu et abondamment utilisé, mais qui a pour inconvénient de requérir des niveaux d'inflation de plus en plus élevés au fur et à mesure que les créditeurs comprennent la manœuvre. Ces niveaux, à leur tour, ont des effets néfastes sur l'économie qui peuvent constituer des dommages collatéraux importants.

La forme la plus élémentaire de ce procédé est toutefois hors de portée de la plupart des gouvernements, soient qu'ils ne contrôlent pas directement l'offre de monnaie (cas de la plupart des pays avancés), soit que leurs titres de dette soient indexés sur l'inflation ou libellés dans une devise étrangère.

Les contrôles des capitaux

Une forme peine plus subtile de répression financière passe par le contrôle des capitaux. En premier lieu, un gouvernement limite les sorties de capitaux sur son territoire. En second lieu, il impose un maximum au taux d'intérêt que peuvent servir les produits d'épargne (Livrets bancaires). Ce maximum est fixé comme inférieur à l'inflation et inférieur au taux versé par les titres de dette (lui-même inférieur à l'inflation). Faute de mieux, les épargnants se dirigent alors en masse vers la dette souveraine du pays, qui jouit alors d'un financement abondant à un taux d'intérêt négatif.

Cette situation décrit, d'après Reinhart, celle qui a prévalut aux heures de gloire du système de Bretton Woods : un financement des dépenses publiques par des procédés revenant à une taxation massive de l'épargne de masse.

Ce type de procédé a perdu beaucoup de son efficacité avec la libéralisation des marchés financiers, qui a permis aux épargnants d'aller chercher ailleurs un traitement plus favorable de leur épargne. Il s'agit d'ailleurs là d'une explication importante du flux d'épargne chinoise vers le marché américain.

Les règles prudentielles

Assez créatifs dans le domaine, les États se sont assez récemment rendus compte du levier que leur donnaient les règles prudentielles. Celles-ci imposent en effet aux banques et autres établissements financiers de disposer de réserves importantes de titres réputés sans risque (les fameux AAA mais pas seulement, je n'entre pas dans le détail).

En temps d'excédent budgétaires et de croissance des bilans des banques, ces règles ont déjà eu comme effet de bord négatif de conduire à une inflation du prix des titres éligibles, ce qui réduisait le coût du financement des pays bien notés mais surtout à conduit à la création de produits notés AAA dont le caractère sans risque n'a pas résisté à l'effondrement de leurs fondamentaux, les fameux dérivés de prêts subprime.

En temps de crise, la tentation est forte d'utiliser ce même levier pour obliger les banques à acheter une dette dont elles ne voudraient pas, en tous cas pas au taux qui leur est proposé. Il suffit d'augmenter le ratio prudentiel ou d'imposer un quota minimum de titres domestiques pour se retrouver en face d'acheteur contraints d'accepter ce qu'on leur propose. Le Royaume-Uni a utilisé activement cette politique, tandis que l'Allemagne, bien que moins proactive, y a également trouvé son compte : son statut de refuge en zone euro lui a permis d'émettre de la dette à un taux négatif.

Cela se transforme d'ailleurs en jeu du chat et de la souris : devant augmenter leur ratio de fonds propres, les banques peuvent jouer sur le dénominateur en réduisant leur bilan. Cela réduit leur demande de titres souverains au moment où les État augmentent leur offre. Cela conduit à une hausse des taux sur la dette souveraine, qui pose la question de la soutenabilité de celle-ci. Les banques la détenant sont alors fragilisées et il faut qu'elles consolident leur ratios de solvabilité. Vous pouvez retourner au début du paragraphe.

La nécessité d'imposer aux banques de disposer de niveau de capital plus important constitue une réponse sensée à la crise de 2008. En 2011 toutefois, face à une crise des dettes souveraines, il convient d'examiner avec un certain recul la manière dont les États peuvent être tentés de tordre les règles prudentielles à leur profit.