On entend de plus en plus souvent des diatribes sur l'imprévoyance de la génération des baby-bommers, celles de Louis CHauvel dans Le Monde étant un peu les dernières en date. L'idée directrice est la suivante : la génération du baby-boom n'a pas préparé ses vieux jours, ni par son épargne (dette publique), ni par ses investissements (état calamiteux de l'enseignement) ni par sa démographie (diminution du rapport actifs/retraités, lois d'immigration restrictives). Maintenant qu'elle est électoralement puissante, elle fait peser le poids de cette impréparation sur les jeunes, coincés dans des situations précaires, éloignés des postes de commande et avec un lourd fardeau de dettes à rembourser. D'où un conflit générationnel qui monte.

Sauf que tout ces facteurs étaient, semble-t-il, prévisibles depuis pas mal de temps. Y compris le conflit où, selon Chauvel, les seniors devraient y laisser des plumes. Il faut donc admettre que ces générations ont fait preuve soit d'irrationalité, soit de myopie, les deux étant le plus souvent rassemblées dans une accusation d'égoïste et de trahison de leurs idéaux de 68 (en oubliant au passage que seule une très petite minorité des générations concernées a effectivement fait ou suivi 68 d'ailleurs). N'est-ce pas oublier l'histoire propre de cette génération ?

Pour penser à l'avenir, il faut qu'avenir il y ait. Il me semble que cette idée, pour ceux ayant vécu les années 1960 et 1970, n'avait rien d'évident : conflagration nucléaire (pensez aux fusées de Cuba et à Docteur Folamour), conflit conventionnel qui ravagerait l'Europe, explosion sociale, catastrophe écologique (analyse du club de Rome), bombe démographique (avec une Afrique alors en pleine transition démographique), les raisons ne manquaient pas de penser que l'Humanité n'avait pas d'avenir. Pas d'avenir sur Terre en tous cas, ce qui contribuerait à expliquer l'engouement pour la conquête spatiale, tant dans les faits que dans la littérature, avec l'âge d'or d'une science fiction qui plaçait l'Humanité au-delà de l'horizon de la destruction.

Si de telles représentations étaient répandues, il aurait été alors rationnel de compter pour rien ce qui se passerait aux environs de l'an 2000, si celui-ci devait se lever sur une planète ravagée. Ce qui expliquerait la faiblesse de la mobilisation d'alors pour les causes de long terme au profit de la conquête ou de la défense de bénéfices immédiats. D'où ma question : auriez-vous connaissance d'un ouvrage étudiant l'importance de ces représentations ?