Qui paye les infrastructures ?

Au premier degré de l'analyse, la pétition de principe selon laquelle les entreprises qui bénéficient d'une infrastructure devraient spécifiquement la financer me semble assez fragile. Constructeurs automobiles, transporteurs routiers et compagnies pétrolières paient-ils une taxe spécifique destinée à l'entretien du réseau routier ? Les fabricants de chauffages électriques paient-ils une taxe de financement du réseau électrique ? Pourtant, on trouve chez ces entreprises les mêmes pratiques consistant à domicilier les bénéfices dans des pays à la fiscalité plus légère. Vouloir faire payer spécifiquement Google ou Facebook relève donc de la vieille recette populiste consistant à désigner un bouc émissaire afin de justifier un traitement d'exception : dans les industries de réseau, les infrastructures sont payées soit par l'État, soit par les opérateurs (sociétés d'autoroute par exemple).

Mais au fait, pourquoi payer ?

Cette pétition de principe est d'autant plus gênante qu'elle révèle une mauvaise compréhension du secteur concerné. Ce sont donc les opérateurs qui financent les réseaux, et se payent sur les abonnements des consommateurs. Sauf que les consommateurs n'ont à peu près rien à faire des opérateurs, de que confirme les résultats mitigés des portails montés par ces derniers pour essayer de garder leurs clients captifs. Si les consommateurs sont prêts à payer 35 € d'abonnement mensuel, c'est pour accéder aux services que transitent par ces réseaux, au premier rang desquels Google et Facebook. De ce fait, on peut considérer que ces entreprises participent déjà au financement des réseaux, par leur simple activité, en augmentant la disposition à payer des consommateurs et donc les capacités d'investissement des opérateurs. Les taxer peut ainsi avoir en sus la conséquence perverse de limiter les incitations de ces entreprises à déployer de nouveaux services en France.

Comment financer les réseaux ?

Si on exempte la bête jalousie nationaliste à l'égard d'entreprises étrangères ou la vieille lune populiste, la question pertinente est de savoir qui doit financer le développement des infrastructures. Ce problème fait l'objet d'une abondante littérature qui, sans fournir de conclusion tranchée, permet néanmoins de dire que taxer telle ou telle entreprise en raison de son succès n'est pas une manière efficace d'assurer le déploiement d'un réseau de qualité.