Houllebecq et Wikipédia

Résumé des épisodes précédents : Houllebecq a, dans son livre La Carte et le territoire, repris des passages d'article de WIkipédia, sans en citer la provenance ni les auteurs, ainsi que le lui imposait la licence des articles concernés. Forts de ce constat, un bloggeur a décidé que cette omission faisait de l'ouvrage entier une œuvre dérivée, soumise mécaniquement à la même licence, et a par conséquence offert en téléchargement le texte de l'ouvrage.

Cette histoire ne fait à mon sens guère de bien à Wikipédia ou aux licences libres, qui ne gagnent pas à être évaluées sur la base d'une interprétation tirée par les cheveux. On peut regretter que Flammarion, l'éditeur de l'ouvrage, ait donné dans le panneau des poursuites judiciaires plutôt que de prendre de la hauteur. Je doute que le nombre de ventes souffre particulièrement, d'autant moins d'ailleurs que cette affaire fait à l'ouvrage une considérable publicité gratuite.

Dans ce contexte, David Monniaux remarque| ici et que de nombreuses voix opposent Internet en général, et Google ou Wikipédia en particulier, aux éditeurs, au motif que les premiers seraient des structures à but commercial (ce qui, concernant le projet à but non lucratif qu'est Wikipédia, est assez ridicule) tandis que les seconds sont présentés en défenseurs de la culture. David fait justement remarquer que ces éditeurs appartiennent le plus souvent à des groupes ayant des activités significatives dans des secteurs fort peu philanthropiques, par exemple l'armement, et qu'il s'agit d'entreprises commerciales. Et de s'interroger sur le voile pudique qui pèse sur cet aspect de l'activité. Il me semble qu'il néglige l'ampleur des ressources dépensées par les éditeurs en question pour se présenter comme des bienfaiteurs de la Culture, faisant presque malgré eux des bénéfices importants qui servent à publier force titres plus risqués, obscurs ou exigeants.

Par-delà le discours qui sert également à donner aux éditeurs une stature d'intellectuels, on peut noter deux éléments. Le premier est que la marge dans le secteur de l'édition est souvent considérée comme faible, et que la surproduction y est un mode de gestion du risque. S'il est donc vrai que les best-sellers subventionnent les autres titres, il est tout aussi vrai qu'il s'agit là de la seule stratégie possible dans le domaine et pas l'effet d'une conscience sociale particulière des éditeurs. Le second est qu'il existe cependant un stigmate de l'éditeur qui poursuit une politique commerciale trop ouvertement agressive. Dans le domaine académique, les jurys d'agrégation on plusieurs fois sanctionné des éditeurs qui avaient essayé de tirer parti de leur position d'édition de référence d'un auteur au programme pour obliger les candidats à acheter des éditions subitement plus chères.

Les manuscrits coréens

Le monde des conservateurs s'émeut (résumé À la Toison d'or) de la restitution de manuscrits à la Corée. En lisant et en entendant les arguments, je n'arrive à en distinguer au fond que deux. D'une part, l'illégalité de la procédure, la commission pouvant donner son autorisation n'ayant pas été réunie. D'autre part, inaliénabilité des collections publiques. Si je souscris au premier, je suis nettement plus réservé concernant le deuxième. Je ne suis d'ailleurs pas le seul, l'analyse économique des musées (billet) relevant le poids mort que peut représenter des collections sans commune mesure avec les capacités d'expositions des institutions concernées.

Journalistes et ordinateurs

L'opération de Wikileaks de publication de documents diplomatiques fait beaucoup jaser. En écoutant la radio ce matin, un intervenant a manifestement outré l'ensemble de ses interlocuteurs en relevant que la plupart des journalistes n'avaient qu'une maîtrise très imparfaite des outils informatique et que cela avait sans doute contribué à la sous-exploitation des documents précédemment obtenus par la même source ainsi qu'à la faiblesse de la protection de leurs sources.

Il me semble que cette personne a raison et que son argument a été récemment illustré de manière assez spectaculaire. À une époque où crypter de manière pratiquement transparente toutes les données de son ordinateur est à la portée du premier venu (le cryptage d'une partition est proposé à l'installation d'Ubuntu, par exemple), où ce cryptage donnerait du fil à retordre à des professionnels du renseignement, il semble absurde de cambrioler des rédactions pour s'emparer des ordinateurs de journalistes travaillant sur des affaires sensibles. Le même argument vaut d'ailleurs pour les juges, qui sont soumis au même genre de pratique. Le fait que ces vols aient lieu suggère que les personnes concernées n'ont pas pris les précautions qui peuvent s'imposer en la matière.