L'Autorité a été saisie pour un avis concernant l'opportunité d'étendre le mécanisme du prix unique du livre au livre numérique. Les arguments des porteurs de cette mesure avancent exactement le même argumentaire que celui qui a présidé à l'instauration du prix unique du livre : ne pas déstabiliser le secteur en risquant de remettre en cause la péréquation entre bonnes ventes et livres difficiles (sic, remarquez le mépris implicites pour les bonnes ventes et la vertu intrinsèque des livres qui se vendent mal).

L'avis de l'autorité de la concurrence, bien documenté, vaut la peine d'être lu.

Dans ses grandes lignes, il commence par balayer l'argument selon lequel le livre physique et le livre numérique seraient un même marché. Cela me semble aller de soi, mais ce n'est manifestement pas une évidence pour les éditeurs qui voulaient non seulement un prix unique pour le livre numérique, mais que ce prix soit égal à celui du livre papier (alors que, comme le fait remarquer l'avis, les consommateurs attendent un différentiel de prix compris entre 20% et 40%).

Ensuite, l'avis remarque que le marché du livre numérique est de faible ampleur, en évolution rapide et ne s'est fixé ni dans sa structure, ni dans le mode de relation entre ses différents acteurs. Il constitue donc un marché émergent, où la prudence est de mise, puisqu'une intervention réglementaire a toutes les chances de figer le marché dans une structure inefficace en limitant les incitations à l'innovation.

Il remarque également que la demande pour un prix unique du livre numérique vient avant même qu'on se soit mis d'accord sur ce qu'est un livre numérique, ce qui met quelque peu la charrue avant les bœufs. En l'absence de consensus sur ce qu'est le livre numérique, une intervention risquerait d'avoir comme victimes collatérales tous les produits hybrides permis par le support numérique, qui se verraient contraints par un carcan qui n'a pas été pensé pour eux.

L'avis note de plus que l'existence de moyens techniques et juridiques de mettre en place un tel dispositif n'est pas claire. En effet, deux des trois objectifs de la loi sur le prix unique papier sont remplis automatiquement par le livre numérique du simple fait de sa nature (égal accès au livre et accès à un même prix en tout point du territoire). Il ne reste plus donc que le point le plus difficilement défendable, celui voulant qu'une concurrence en prix fasse baisser la diversité éditoriale. Cet argument n'est pas à mon avis des plus solides quand on considère les marchés des livres à prix libres ainsi que la dynamique propre aux biens culturels.

De mon côté, je vais essayer de rassembler mes propres éléments pour produire une note sur la question, envisagée du point de vue de l'organisation industrielle.