Petit rappel historique : ce que propose S. Royal porte en anglais le nom de Windfall tax et a été originellement conçu pour taxer les profits faits par les industries bénéficiant des commandes militaires en temps de guerre. Cela a ensuite été appliqué en 1980 aux États-Unis (voirici, bien que je ne sois pas d'accord avec la nécessité d'une distinction d'avec les taxes de guerre) dans un contexte de hausse des prix pétroliers (tiens donc). Bref, il s'agit de taxer les profits résultats de la variation du prix d'une ressource dont bénéficie une entreprise sans investissement particulier de sa part.

Pourquoi est-ce idiot, alors ? Dans le cas général, pour une raison dynamique : si les entreprises anticipent qu'en cas le hausse du cours de la ressources qu'elles extraient, elle vont se voir taxées, elles vont s'arranger pour ne pas faire de profit dans ces cas-là. Cela veut dire d'une part tout un tas de manipulation comptables qui permettent de faire disparaître les profits en question dès qu'on cherche à les taxer. Une autre manière de les faire disparaître est de transformer tout cela en investissements peu rentables (puisque s'ils étaient rentables, l'entreprise les ferait). Il faut se rappeler que les profits ainsi faits ne restent pas dans la poche des actionnaires. Il sont soit consommés, soit réinvestis dans des investissement qui sont, eux, rentables. Bref, cela fournit tout un tas de mauvaises incitations.

Dans ce cas particulier, ce qui est fort est que l'utilisation proposée des ressources est encore plus bête que la suggestion concernant leur origine. S. Royal veut en effet nous faire pleurer sur les vieux pauvres. Soit. Mais si j'en crois l'INSEE, il y a nettement plus de jeunes pauvres que de vieux pauvres en France. Les 55 à 74 ans sont ainsi la classe d'âge la moins touchée par la pauvreté. Certes, parler d'aider des jeunes qui ne foutent rien, c'est moins vendeur que de parler d'aider les anciens qui ont gagné leur pain à la sueur de leur front. Encore que... les raisons de la pauvreté des personnes âgées sont multiples, et l'une d'elles (pas la seule, hein) est le refus de certaines professions (artisans, agriculteurs) de participer à des systèmes garantissant plus qu'un minimum qui se révèle au final insuffisant. Ainsi, les destinataires visées l'étaient plus par opportunité politique que par réflexion sur les besoins réels.

Et que quoi auraient besoin ces personnes ? De remplir leur cuve de fioul avant l'hiver. Là, on passe le mur du çon à mach 2. Qu'est-ce que cela veut dire avoir une cuve de fioul, sinon habiter dans une maison individuelle (donc bien souvent en être propriétaire) ? Je sens l'image du vieux pauvre crevant de froid dans son appartement s'éloigner un peu plus. Et avoic quoi se chauffer ? Mais du fioul, bien sûr. Dans le contexte actuel, on va donc subventionner la consommation de pétrole. Si S. Royal avait proposé de contribuer à l'isolation thermique des logements et à l'installation de systèmes de chauffage plus efficaces, cela aurait eu un sens. Voire proposer une aide aux personnes âgées désirant quitter des maisons trop grandes pour elles au profit d'appartements mieux isolés, pourquoi pas, cela aurait pu avoir des conséquences intéressantes sur le marché de l'immobilier. Mais là, on a quand même l'impression de toucher le fond...

... ou pas, en fait, puisque comme je le disais en introduction, S. Royal n'est pas la seule à avoir eu cette brillante idée. Le New York Times nous signale ainsi que les démocrates américains non seulement ont eu la même idée, mais ont même essayé de la faire voter (sans succès, mais de peu). La destination des produits de la taxe ? Une subvention sur les carburants à l'occasion des départs en vacances. Comme quoi, nous n'avons pas le monopole de la bêtise en ce domaine.